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par Francis PIAN • le 11 février 2024

DES IDEES ET DES LUTTES: La Nouvelle Droite et le nazisme, une histoire sans fin

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La Nouvelle Droite, confusion ou habilité manipulatrice ?

Depuis sa fondation, la Nouvelle Droite est accusée de faire le lit des idées nazies dans notre société. Si certains de ses membres se sont éloignés du national-socialisme, nombre d’entre eux n’ont jamais rompu les liens. Ils s’y réfèrent de plus en plus explicitement en avançant d’autres figures nazies moins connues, plus radicales et, surtout, universitaires. Voici une partie de la thèse que développe Stéphane François dans son récent ouvrage, La Nouvelle Droite et le nazisme, une histoire sans fin avec en sous-titre Révolution conservatrice allemande, national-socialisme et alt-right, publié aux éditions Le bord de l’eau en 2023. Le sous-titre lui permet d’aller plus loin.

« L’émergence d’une contre-culture radicale occidentale dresse des ponts entre ces militants radicaux tant européens qu’américains, et pourrait bien contribuer à ce que les expériences idéologiques se radicalisent avec constance. » Il ne s’agit plus simplement de collections de colifichets nazis, de disques de ces sinistres chants, de portraits d’Hitler et Himmler mais des thèses relatives à l’inégalité des races humaines supposées, à des réflexions sur la démocratie, les religions, l’antisémitisme en s’appuyant sur des écrits prolixes, confus de pseudo-philosophie, d’affirmations non étayées qui séduisent à l’instar des sectes. Les idées se meuvent dans des réseaux et pénètrent les partis institutionnels d’extrême-droite dans le monde occidental.

Quelle Nouvelle Droite ?
« Le Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne (GRECE), est soupçonné depuis sa fondation en 1968, d’être une structure recyclant les thématiques nationales-socialistes, sous couvert de références respectables manipulées et de formulations édulcorées. » Les idées de ce mouvement se retrouveraient dans l’Institut Iliade, La Nouvelle librairie, la revue Eléments. Stéphane François insiste sur la complexité des réseaux. « Nous nous proposons donc de revenir dans ce livre sur les relations, en particulier sur les filiations, imaginaires ou réelles, entre la mouvance de la Nouvelle Droite et le national-socialisme, mais aussi entre la Nouvelle Droite et ce qui a été appelé la « Révolution conservatrice » allemande des années 1920, à la lumière des avancées historiographiques du national-socialisme. Nous insisterons aussi sur l’apport de l’occidentalisme et du nativisme dans l’idéologie nazie, puis dans le premier corps de doctrine de la Nouvelle Droite. » Pour cela, il s’appuie sur des témoignages, des prises de position publique par voie de presse, de livres.

Une référence intellectuelle de ces personnes, c’est évidemment Nietzsche adulé par les SS. Pourtant, comme le souligne P-A Taguieff, « ces biais idéologico-politiques n’ont cessé d’empêcher de lire sérieusement le philosophe ».
Différents courants composent cette Nouvelle Droite, le traditionalisme non-catholique, le néo-conservatisme moderniste puis postmoderniste, le communautarisme ethniste et enfin le positivisme, voire le scientisme. Au fil des temps, « l’aspect ethnique de la culture européenne et le supposé danger causé par une immigration non-européenne » renforcent la dimension identitaire de cette Nouvelle Droite. Le lecteur relèvera aussi cette position d’Alain de Benoist : « Je n’entends pas par-là que l’on ne soit « ni de droite ni de gauche », ce qui ne veut rien dire. Mais que l’on parvienne à être en même temps et la droite et la gauche ». Une confusion intéressante à noter derrière cette formulation « en même temps ». N’oublions pas que les concepts reformulés, recyclés finissent par pénétrer le discours politique de la droite institutionnelle, nous l’avons entendu, lu et vu lors des derniers débats parlementaires.

Quelques traits marquants
Parmi les traits marquants de cette Nouvelle Droite, Stéphane François relève l’anti-américanisme malgré une proximité avec des courants extrémistes américains dans le but de protéger une « race blanche du Nord ». Bien évidemment, s’appuyant sur la Révolution conservatrice allemande, elle s’affirme Anti Lumières, à l’origine du déclin de l’Occident. Dans une logique antisémite, elle rejette l’héritage judéo-chrétien basculant dans un néopaganisme véhiculé par les SS, introduit en France par les survivants avec des pratiques étonnantes notamment à l’occasion du solstice. Insistons sur la démarche de Stéphane François qui s’appuie toujours sur des textes et non des rumeurs.
L’influence de l’alt-right s’affirme comme une mouvance d’auteurs et de groupuscules aux positions parfois contradictoires, professant un discours anti-métissage, parfois raciste, parfois xénophobe, chez certains antisémite ou suprémaciste blanc. Le conseiller de Donal Trump, Steve Bannon en fut un des représentants. Une proximité à analyser en ces temps de primaires aux USA.

Les textes, les traductions s’échangent par-dessus l’Atlantique, ces milieux s’intéressent aux théoriciens allemands et français, à des thématiques en apparence marginales comme l’agriculture biodynamique. On pourrait considérer que la Nouvelle Droite s’est construit un discours sur l’écologie. Attention, ne tombons pas dans le piège du confusionnisme savamment entretenu par cette mouvance. Soyons capables de repérer les chaussetrappes et démonter les affirmations pour mieux les dénoncer. L’ouvrage de Stéphane François contribue à nous y aider avec un luxe précieux de références et de sens des nuances.

• Stéphane François
La Nouvelle Droite et le nazisme, une histoire sans fin
Révolution conservatrice allemande, national-socialisme et alt-right
Ed. Le Bord de l’eau, 2024

PAR : Francis PIAN
Groupe Commune de Paris
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