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Travail social
par bernard le 29 avril 2016

Choisis ton camp, camarade !

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Pensées solidaires avec tou.te.s les manifestant.e.s blessé.e.s par des armes qui n’auraient pas dû être...

La répression sauvage - comme unique réponse du pouvoir socialiste à la détermination des individus en lutte - livre quotidiennement son lot d’exactions policières. Les armes utilisées par les tuniques bleues laissent de plus en plus de blessé.e.s sur le pavé. Le moment peut-être de ressortir un texte lu le 11 novembre 2010 au rassemblement au monument pacifique de Joyeuse (07)...



Bonjour à toutes et tous et réciproquement.
Port-Fontenoy, dans l’Aisne, le 12 décembre 1914, Léonard Leymarie, cultivateur dans la vie libre, se retrouve face à 12 canons de fusil Lebel modèle 1886-93. Il vient d’être condamné à mort par le Conseil de guerre spécial de la 63e division d’infanterie pour « mutilation volontaire » alors qu’il avait été blessé à la main à son poste de guet.
Le même jour, le même tribunal de guerre condamnera pour le même motif et fera exécuter, à trois kilomètres de là, par un autre peloton armé de 12 fusils Lebel modèle 1886-93, Jean Grataloux né à Saint-Just-sur-Loire dans le 42 à une quinzaine de kilomètres de Saint-Étienne.
Léonard, lui, est né à Seilhac en Corrèze à une quinzaine de kilomètres de Tulle.
Quelle aura été leur dernière vision: sûrement la bouche béante de ces douze canons de fusils Lebel modèle 1886-93. Leur dernière pensée : peut-être le souvenir du sourire d’un proche, d’un parent, d’un ami d’enfance content d’avoir trouvé à vendre ses muscles et sa sueur au bureau d’embauche des manufactures D’État de Saint-Étienne ou de Tulle. Manufactures qui, avec celle de Châtellerault, s’étaient vues confier par l’État-major la fabrication des fusils Lebel modèle 1886-93…





Le fusil Lebel avait été voulu par le Général Boulanger, alors ministre de la Guerre, en janvier 1886. Adopté officiellement le 1er mai 1887. Utilisé la première fois sur le terrain lors de la fusillade de Fourmies le 1er mai 1891 (neuf manifestants militairement assassinés). Les trois manufactures, grâce à leurs bons ouvriers, purent ainsi fournir un peu plus de deux millions de fusils Lebel avant le début de la grande boucherie. Jusqu’en 1920, ce sont environ trois millions cinq cent mille fusils qui furent minutieusement fabriqués par les ouvriers obéissants et consciencieux des trois manufactures.

Face au pauvre type en passe d’être fusillé, des douze canons de ces douze fusils Lebel modèle 1886-93, onze balles seulement allaient jaillir. Un fusil était doté d’une balle à blanc ainsi, chacun des douze membres du peloton d’exécution pouvait espérer se convaincre qu’il n’était en rien responsable de la mort du condamné… Louable effort des soudards galonnés… Tout faire pour que les soldats puissent manger leur rata et dormir en paix une fois la détente pressée. Ne surtout pas réfléchir…

Est-ce ce manque de réflexion qui avait pu laisser un ouvrier façonner cette détente sans remords ? Comment des prolétaires avaient-ils pu rivaliser de conscience professionnelle et d’inconscience sociale pour peaufiner les armes qui allaient trouer la peau d’autres prolos ? Gagner sa croûte et ne surtout pas réfléchir.

A quoi pensent les ouvriers de Giatt industries lorsqu’ils suivent les prouesses des fruits de leur boulot ? Pensent-ils aux plus 53% de chiffre d’affaires en 2009 par rapport à 2008, au carnet de commandes plein pour plusieurs années ou au sang et aux larmes ? Les yeux rivés sur la ligne bleue du bulletin de salaire et surtout ne pas réfléchir !

En ce temps d’ultra sécuritaire et de répression de la moindre opposition radicale, à quoi pensent les ouvriers de chez Verney-Carron à Saint-Etienne en assemblant les flash-ball qui ne tarderont pas à blesser, mutiler des manifestants, jeunes, femmes, hommes tous humainement respectables ? Les yeux rivés sur la ligne bleue des flics et la tronche en grève.

Que peut-il bien y avoir dans le crâne de l’un des 150 salariés de la SAE Alsetex, filiale du groupe Lacroix, lorsqu’il assemble une grenade lacrymogène, assourdissante, aveuglante, à effets combinés ou le lanceur Cougar qui va avec ? Ne surtout pas dégoupiller la boîte à réfléchir.

Sinon comment fabriquer sans scrupules des matraques, des menottes, des canons à eau et autres armes de répression et de domination.

Le camp d’en face l’a bien compris : La lutte de classes n’a jamais cessé, ne cessera jamais dans cette société capitaliste. La guerre sociale est là. Il n’y a, il n’y aura pas de trêve. Depuis le 3 mai 2010, en cas de crise majeure, l’armée peut désormais, selon une instruction interministérielle, engager 10.000 hommes sur le territoire national. Les spécialistes militaires, les ministres de la défense et les chefs d’états-majors européens sont tombés d’accord sur le constat que la guerre moderne sera sûrement urbaine et civile, l’ennemi peut-être intérieur et qu’il conviendrait de réviser toutes les procédures, tous les schémas tactiques. Idem pour l’armement, avec des véhicules forcément plus petits, des gaz, des armes électriques. Tout un attirail que le camp d’en face se propose d’utiliser contre ses opposants.

Voilà ce que des individus normalement de notre camp fabriquent à longueur de journée pour le profit, la sécurité et le maintien aux commandes du camp d’en face.

Pour notre émancipation, cessons de forger nos propres chaînes. Que les patrons, les dirigeants, les bourgeois se retroussent les manches s’ils veulent des armes. Que les ouvriers cessent d’armer le camp d’en face.
La recherche d’un emploi, la nécessité de « faire vivre » sa famille ne justifiera jamais qu’un travailleur soit le complice de la mort d’un pauvre bougre ou de son asservissement.

Guerre sociale contre les exploiteurs. Alors, choisis ton camp, camarade.

Et vive la Sociale qui n’a plus le temps d’accorder le moindre crédit à la Finance.
PAR : bernard
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1

le 13 mai 2016 09:47:51 par luc lefort

"La recherche d’un emploi, la nécessité de « faire vivre » sa famille ne justifiera jamais qu’un travailleur soit le complice de la mort d’un pauvre bougre ou de son asservissement."
très bon article. l’alibis conformiste de devoir "faire vivre" sa famille, peut s’étendre à un grand nombre d’individus et pas seulement aux ouvriers producteurs d’armes.
la vraie guerre sociale contre les exploiteurs, c’est d’éviter le plus possible d’être coincé par les déterminismes vitaux.

2

le 13 mai 2016 13:19:25 par brice

Choisir "un camp" est une fable détestable. le seul camp possible est celui du pacifisme sans compromis ! Et espérer la guerre civile n’est pas une valeur anarchiste pour moi ! Quant à l’ouvrier qui construit des armes il est autant à plaindre que les ouvriers des abbatoirs ! alors si tu veux lutter contre les abbatoirs : ne mange plus de viande ! Et si tu veux lutter contre les armes enfile ton costume de bisounours ! Oui l’anarchisme bisounours est, pour moi, le meilleur choix qui soit !

3

le 18 mai 2016 21:31:07 par Bernard

Brice, "Choisir "un camp" est une fable détestable. le seul camp possible est celui du pacifisme sans compromis !"... Tu as donc choisi un camp. Le pacifisme sans compromis, l’anarchisme bisounours... J’aime bien cette phrase d’un mec :"Là où il n’y a le choix qu’entre lâcheté et violence, je conseillerai la violence." Pourtant le mec s’appelait Gandhi. Ceci étant, je ne prône pas la violence. Mais je ne la refuse pas si...