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Cinéma
par Christiane Passevant le 26 juillet 2016

Mimosas. La voie de l’Atlas

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Film de Oliver Laxe

La première image, c’est un mur peint représentant une ville traditionnelle du Sud marocain avec des ksours, sortes de citadelles ocre rouge qui se dressent près d’une rivière, sur un ciel bleu. En fond sonore, on entend une ville avec ses bruits de rues, de moteurs… La caméra panote lentement sur le tableau qui, par son côté naïf et figuratif, « introduit l’esprit du film », à la manière des pages d’un livre d’images que l’on tournait auparavant au début de certains films.

Il était une fois… Mimosas. La voie de l’Atlas de Oliver Laxe, un film où « il y a l’épique, avec les montagnes, les châteaux, les cascades… Mais il y a surtout le passage d’un monde à un autre : le son direct de la rue avec les voitures s’efface peu à peu derrière le son d’un vent qui nous transporte ailleurs, qui nous invite dans le conte. »





Le vent balaie un désert pierreux, une caravane se dirige vers la montagne. La voie est périlleuse pour qui tente de se frayer un chemin à travers le Haut Atlas. Les caravaniers s’interrogent : pourquoi ce choix de traverser la montagne multipliant ainsi les risques ? « Inutile de s’en faire » dit l’un d’eux, « le Cheikh connaît le chemin ». Le vieux Cheikh ne s’inquiète guère des difficultés, se concentrant de toutes ses forces pour rejoindre la demeure de ses aïeux et y parvenir le plus rapidement possible. Et pour cela, il n’y a pas d’autre choix que d’emprunter le chemin de la montagne. Lors d’une halte, la mule du vieil homme quitte le campement et lorsque les caravaniers le retrouvent mort le lendemain, ils décident de rebrousser chemin.

Seuls deux hommes, Ahmed et Saïd, qui ont rejoint on ne sait trop pourquoi la caravane, se proposent auprès de la veuve pour mener le corps à Sijilmassa, la ville du défunt… Intervient alors l’ailleurs en la personne de Shakib, envoyé d’une ville où les taxis sont partout. Shakib, l’innocent, chargé de guider le groupe qui, entre temps, a croisé Mohamed et sa fille muette, Ikram. Commence alors le voyage onirique vers la ville de Sijilmassa, dont ne sait plus si elle existe ou si elle représente une quête inatteignable.

À l’arrivée dans la bouche du géant, gorges impressionnantes où dévale un cours d’eau, les doutes prennent forme : « les mules ne passeront pas » dit Ahmed, « elles voleront. N’as-tu pas la foi ? » réplique Shakib. À plusieurs reprises, on est saisi par l’idée d’association entre le voyage et la nuit du destin, célébrée à la fin du ramadan, lorsque les entités de « l’autre monde » occupent l’espace quotidien.

Interprété avec naturel par des comédien.nes amateur.es, le film se déroule en trois temps, « l’exposition, le nœud, le dénouement », bien que la fin, les fins devrait-on dire, soient finalement ouvertes pour laisser un doute poétique et la notion de monde sans territoires propres, « déterritorialisé », et hors du temps. Mimosas. La voie de l’Atlas de Oliver Laxe est un film rare, magique, où transparaît l’essence de la terre.

Tournées en super 16, ce sont d’abord des images et des paysages à couper le souffle, c’est aussi une langue qui rythme l’âpre beauté d’un Atlas mythique. Le film oscille entre la réalité rude, sauvage et la quête de mondes parallèles qui se côtoient encore au Maroc, loin des itinéraires et des villes à touristes. Le réalisateur évoque l’inspiration du très beau film de Kaneto Shindo, l’Île nue (1966), de même que des films de Werner Herzog ou de Tarkovski. Mais, plus récemment, le film de George Ovashvili, la Terre éphémère (2014), possède aussi une beauté sobre qui communie avec la nature, l’imaginaire et l’universalité.

Mimosas. La voie de l’Atlas de Oliver Laxe a remporté le grand prix de la Semaine de la critique du 69e Festival de Cannes. Il sera sur les écrans le 24 août 2016.
PAR : Christiane Passevant
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