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Antiracisme
par Julien Caldironi le 5 novembre 2023

RETEX

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« Regarde : si tu tues un Arabe quand Le Pen fait 0,5 %, t’as tout de suite le tollé, on te traite de raciste… Quand on est à 15 %, les gens, déjà, ils crient moins… Alors il faut continuer et tu verras qu’à 30 %, les gens ne crieront plus ! »
Propos d’un militant frontiste rapporté par Anne Tristan, dans le livre Au front, publié en 1987.





Retour d’expérience, comme on dit dans les machins de manipulation collective, pardon, de management. En 1997, j’ai 17 ans. Je m’engage dans le groupe local de Ras l’front de ma petite ville de province. Chapeauté par un trotskiste de la LCR, gentil, mais également gentiment entriste, le mouvement organise des manifestations, des événements, anime des réunions publiques, des rencontres dans les universités… C’est l’époque où un sale type comme Charles Millon (ancien ministre des Armées, tout de même) se fait virer de l’UDF car élu avec les voix des frontistes ; un léger cordon sanitaire subsiste encore, même s’il est parfois sur le point de craquer. L’époque où lors de la scission Le Pen — Mégret, beaucoup pensent que le premier est fini et que le véritable danger vient de la respectabilité — en toc — du second… C’est l’époque où des comités de vigilance regroupent le PS, le PC, les associations militantes, les divers partis de la «  gauche plurielle  » dans certaines municipalités… L’époque de Le Pen père, de ce qu’on appelle la lepénisation des esprits. Elle était à l’œuvre, insidieuse, cette dégénérescence, mais pas aussi généralisée qu’actuellement.

Aujourd’hui, 25 ans plus tard, l’habitude semble prise d’avoir un-e Le Pen au second tour de la présidentielle, les collectifs Ras’l’front sont, pour la plupart, en sommeil (coma ?), le SCALP-REFLEX s’est dissous en 2003 « face aux limites de la lutte antifasciste et à l’évolution de la société moderne ». Et 88 députés RN siègent à l’Assemblée nationale, sans chemise brune, mais tout sourire, avalant en série les couleuvres macronistes, jouant les bons élèves, allant même jusqu’à quasiment présider le groupe d’études dédié à l’antisémitisme à l’Assemblée nationale. Il faut croire que changer une lettre sur deux permet de faire oublier la fondation du parti par d’anciens Waffen SS, miliciens, membres de la LVF, du RNP de Déat et autres doriotistes… Les phalanges racistes défilent dans les rues, saccagent des locaux, des librairies, assaillent des opposants dans une impunité totale, avec le soutien de la police et le blanc-seing de la justice… L’air du temps sent le rance. «  Nous sommes la bête qui monte, qui monte…  » s’amusait à susurrer Jean-Marie Le Pen en 1983 et effectivement, force est de constater que le ventre est encore fécond…

Bilan moral
Qu’a-t-on raté ? Eût-ce été pire sans ces collectifs ? N’ont-ils pas exacerbé, chez certains, un vote en réponse à ce qu’ils ont vécu comme une stigmatisation. Ou au contraire, n’ont-ils pas, au moins, permis d’avoir une vigie qui a surveillé cette marée brunâtre qui, à chaque élection ou presque, dans un contexte de droitisation des partis, a affiché un coefficient plus important ? Je l’ignore. Je ne renie rien, je ne regrette aucun de ces temps passés à lutter contre l’extrême droite et ses idées nauséabondes, mais parfois, je m’interroge sur la manière de combattre cette idéologie mortifère. Quel bilan pour la lutte légale et transpartisane ?
Yves Peirat, qui pratiqua la lutte armée antifasciste contre le Front national au mitan des années 1990 déclara à son procès : « Historiquement, le fascisme ne s’est jamais combattu dans les urnes. Par contre, les fascistes sont souvent arrivés au pouvoir par les urnes ». Cruel rappel de ce que sont les fascistes : des parasitoïdes (1) qui prolifèrent au sein de notre système, nourris consciencieusement par la classe dominante, pour laquelle, plus que jamais «  plutôt Hitler que le Front populaire  » est d’actualité. Souvenons-nous que Macron a téléphoné à Zemmour pour lui afficher son soutien quand celui-ci s’est fait invectiver dans la rue tandis que le maire LFI de Grabels, René Revol, agressé par deux jeunes fascistes au retour de la manifestation contre les violences policières, n’a eu droit à aucune déclaration du pouvoir en place ou de ses godillots.

Le racisme est un pilier du capitalisme

Une chose est certaine, le racisme est un élément constitutif de la stratégie de Macron pour se conforter au pouvoir, pour désigner de pratiques boucs émissaires. Bien aidé en cela par des médias complaisants et réactionnaires, il fait le paon devant les thèses racistes et intrinsèquement meurtrières du RN pour mieux faire monter celui-ci tout en siphonnant un peu de son électorat par la même occasion. Mais ce n’est pas le premier à jouer au pompier incendiaire, cela fait plus de quarante ans que ça dure. Toutes ces stratégies électoralistes de caniveau ne font que plaider pour qu’on se débarrasse pour de bon de ce système moribond de république capitaliste. Le racisme est un pilier du capitalisme, tout comme le fascisme est son chien de garde. Mais parfois, le cabot se rebiffe et mord la main qui le nourrit.
Ne comptons pas sur l’État, la police et la justice pour protéger les populations stigmatisées, les personnes racisées et notre démocratie. Au fur et à mesure que s’éteignent les témoins directs de la Seconde Guerre mondiale et de l’horreur nazie, la riposte aux avancées des héritiers des bourreaux doit être collective, dans la rue, dans les facs, dans nos mouvements militants, sur les lieux de travail, partout… Mais les urnes n’y suffiront pas, le barrage des castors prend l’eau de toute part.

Dans le doute, ne votez pas ou, au pire, votez pour un âne !

Il y a 125 ans, l’écrivain anarchiste Zo d’Axa proposait, en le faisant défiler dans Paris, d’élire son âne, nommé Nul, à l’Assemblée nationale. «  Chers électeurs, votez pour l’âne Nul, dont les ruades sont plus françaises que les braiments patriotards  », proclamait-il durant son cortège, rapidement interrompu par la police. On peut raisonnablement penser que 88 baudets au parlement seraient moins dangereux pour notre démocratie.

Julien Caldironi
Individuel FA 49

(1) Un parasite se nourrit en exploitant son hôte, lui cause des dommages sans cependant le détruire. Un parasitoïde se développe à l’intérieur de son hôte mais, lui, le tue à l’issue de son développement.
PAR : Julien Caldironi
Individuel FA 49
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