Canicule, bisounours et desperados

mis en ligne le 7 juin 2011
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Deauville, sa plage, son G8. Son Dsk qui, finalement, n’est pas venu puisque retenu pour affaire, mais sa Carla Bruni en tunique blanche telle une oie, gavée, là, engrossée. Deauville : un festival. Pas de cinéma cette fois, ces jours-ci c’est rien moins que la fête à Neuneu. L’agglomération se retrouve, comme à l’accoutumée, placée sous haute surveillance : 14 000 flicaillons pour une population de 4 300 habitants. Il semblerait que les 8 nains régnant sur le bas monde aient légèrement la frousse aux trousses. Sinon Blanche-Neige, comment elle va ? « La première dame, tout sourire, jetait des regards sur son ventre bien en évidence, posant ses mains croisés dessus », nous rapporte, à l’envi, les pages roses du Figaro. Tricotait-elle des chaussons pendant les réunions, cela, la presse ne nous le dit pas. De même qu’elle ne souffle mot, ou quasi, et depuis des jours, de la Syrie, du Yémen, de la Libye, ou de ce qui se trame du côté de Fukushima. Aujourd’hui comme hier, l’engeance journaleuse, seule maîtresse abhorre ce qui doit être tu, ce qui doit être su, l’adore. Et nous le fait subir en boucle.
Même quand elle s’essaie à l’écart, on la voit trébucher sur ses lacets et se vautrer, piteuse, dans les poncifs d’arrière-salle. Exemple, Daniel Mermet, célèbre animateur officiant sur les ondes de Radio Paris-Val. Enregistrant l’autre jour du son en provenance du campement de la Puerta del Sol à Madrid, le bougre s’est lâché. « Oh, on nous offre une pomme, et en plus c’est gratuit ! Et même de l’eau, hein, c’est gratuit ! Merci, gracias mucho ! » Sic. L’homme ne s’en remettait pas, d’autant de gratuité. Plus tard, le même : « Les jeunes Madrilènes, ils ont inventé un langage, lors des assemblées générales ils font des moulinets ou bien des marionnettes avec leurs mains si ils sont d’accord ou non, c’est génial, c’est génial ! » C’est d’autant plus génial que ça existe depuis vingt ans… Vous me direz : pouvait-on attendre autre chose d’un type qui va jusqu’à Madrid pour ensuite nous asséner quarante minutes d’entretien avec des membres d’Attac Espagne, quarante longues, très longues minutes d’insipidité dormitive tendant à prouver que, oui, Attac a eu raison avant tout le monde ? Vous me direz aussi, bavards comme vous êtes, que Mermet se trouve être un des membres fondateurs d’Attac, ce qui bien entendu n’est que coïncidence. Vous me direz, pour finir : y-a-t-il, pour le moment, autre chose à narrer au sujet de ces indignados ? Il paraît que ça se construit, et que ça risque d’être énorme. Je ne demande pas mieux, mais je suis comme vous, j’attends de voir. Au reste, entre indignados calibrés à la mode Mermet/Hessel et desperados autrement plus remontés – et dont bien sûr on parle moins –, bien malin qui peut dire lesquels prendront le dessus. Pour l’heure, le mouvement semble se bercer d’illusions bisounours. Mais, pas plus tard qu’aujourd’hui c’est à coups de matraques bien sentis que fut dégagée manu, surtout militari, la Plaça Catalunya, à Barcelone. « La police est là pour faciliter le travail des services de nettoyage », expliquait un condé local, « on enlève tout type d’objets qui peut être dangereux, comme des casseroles ». Bien. Dans ce cas, veillez à enlever les tourniquettes à vinaigrette. Mais à quelle fin, déjà, ce grand nettoyage de printemps ? C’est que ce soir a lieu la finale de la coupe d’Europe de foutebol, et que si Barcelone l’emporte une vaste fête est prévue à l’emplacement même du campement. En un mot comme en cent, toutes les excuses sont bonnes, et tous les coups semblent permis. Soyons justes : si une telle opération à gros coups de tonfas dans la gueule peut contribuer à déniaiser ceux d’entre les campeurs qui s’acharnent à penser qu’il suffit de s’asseoir par terre pour que la police devienne gentille, ça sera toujours ça de gagné. En Grèce aussi ça bouge, dans d’autres capitales européennes, idem. Paris ? Bof, ça frémit, c’est mol, c’est bouche bée. Or, une place de la Bastille ne se prend pas en silence, les gens. Allons-y gueule ouverte, les gens, et l’été sera chaud. Canicule !