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Dans un sale État
par Jean-Marc Raynaud le 5 avril 2021

AMNISTIE Hier, pour la Commune Aujourd’hui, pour le pays basque

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Le camarade Victor Hugo, qui réside actuellement à l’EPAD « Napoléon le petit », rue du Panthéon, à Jersey, nous a fait parvenir cette lettre. Nous la publions in extenso.





Chers zami(e)s du Monde Libertaire

Je viens d’achever la lecture de votre n°1826 de mars 2021. Super. J’ai particulièrement apprécié la note de lecture que vous avez consacré à ce formidable livre de Josef Ulla, « Paris 1871, l’Histoire en marche », le meilleur livre que j’ai jamais lu sur La Commune de Paris. Merci aux éditions libertaires (ces camarades vitamine) de l’avoir publié. En même temps, la lecture de ce livre m’a mis dans tous mes états. Je vais m’en expliquer.

Comme vous le savez, mes origines et mon statut social ne m’ont pas permis de comprendre immédiatement l’importance historique de La Commune. N’est pas Gavroche qui veut ! Mais, bon, j’ai essayé de me rattraper. Et, c’est ainsi que le 22 mai 1876, au Sénat, j’ai prononcé un discours remarqué (reproduit intégralement dans le journal Le Gaulois du 24 mai 1876) en faveur de l’amnistie pour les Communards. Il me plaît de croire qu’il aura été pour quelque chose dans le vote de cette amnistie le 11 juillet 1880. Mais, je pensais, naïvement, que la leçon porterait pour l’avenir. Une correspondance récente avec mon camarade Yakés Esnal [note] , d’ETA, qui va entamer sa 32éme année de prison, en France, démontre qu’il n’en est rien et ne me laisse pas d’autre choix que de remettre le couvert. Et, hélas, trois fois hélas, de réitérer l’argumentaire que j’avais énoncé en faveur de l’amnistie pour les Communards, cette fois, en faveur des basques.

La Commune de Paris n’aura duré que quelques mois. L’étincelle de départ fut patriotique. Mais, très vite, l’embrasement fut tout de révolution sociale. Bref, ce fut une lutte fondamentalement politique et sociale qui s’est terminée par une guerre civile. La Commune fut vaincue militairement par une alliance entre la réaction et les Prussiens. Il y eut des dizaines de milliers de victimes communardes et à peine un peu moins d’emprisonnés, de déportés et d’expatriés. Et pourtant, politiquement, la Commune n’a jamais été vaincue tant il est vrai, qu’à l’heure encore d’aujourd’hui, très nombreux sont ceux qui l’ont toujours au cœur.

Le conflit armé au pays basque aura duré 50 ans. Plus, en fait, puisqu’il remonte à 1936 et au coup d’état militaire du fasciste Franco, ce grand ami d’Hitler et de Mussolini, dont les troupes (la légion Azul) combattirent sur le front de l’est sous l’uniforme des SS. Vainqueur militairement de la république espagnole qui était issue des urnes le plus légalement et démocratiquement du monde, grâce à la légion Condor nazie et aux chars et troupes de Mussolini, et à la couardise des gouvernements français et anglais et à leur non interventionnisme, il réduisit le pays basque, qui avait pris parti pour la république, en esclavage. Travail forcé, interdiction de parler basque… Mais, c’est en 1959, du vivant de Franco, que le conflit existant depuis 1936 au pays basque sud prit une autre dimension avec la création d’ETA (Euskadi Ta Askatasuna, Pays basque et liberté). Comme pour la Commune, au départ, l’étincelle fut patriotique et anti fasciste. Et, comme pour la Commune, très vite, elle devint politique et sociale. ETA, en effet, avait ouvert un front politique, social et culturel et se réclamait du socialisme. Pendant longtemps, jusqu’à une dizaine d’années après la mort de Franco, ce combat put faire illusion au plan militaire. Qui d’entre nous n’a pas sabré le champagne quand ETA a pulvérisé l’amiral Carrero Blanco, le dauphin du caudillo ? La France, en ce temps-là, avait encore mauvaise conscience et tolérait plus ou moins l’existence de bases arrière d’ETA sur son sol. Les basques étaient alors considérés comme des résistants anti fascistes. Et puis, la real politique (la guerre froide et le business) a peu à peu remisé l’histoire et la morale au magasin des accessoires. Et les résistants antifascistes sont devenus des terroristes. Le sort de tous les résistants qui ne sortent pas vainqueurs. Bref, l’état des forces militaires en présence étant devenu par trop déséquilibré, la lutte militaire du peuple basque est devenue sans espoir. De cela, ETA a pris conscience, peut-être un peu tardivement. Mais, en 2011, elle a cessé définitivement la lutte armée, a rendu ses armes en présence de représentants de la société civile et s’est auto dissoute en 2018, en laissant le soin à la société civile de gérer un processus de paix.

Comme lors de La Commune, les états espagnols et français n’ont retenu que la défaite militaire de ces résistants et les ont poursuivis de leur vengeance. Malheur aux vaincus ! Et c’est ainsi que ces deux États ne font rigoureusement rien pour régler politiquement un problème fondamentalement politique. Des centaines de prisonniers politiques basques continuent, donc, de croupir en prison sans grand espoir d’en sortir un jour… vivants. Ils restent sourds aux manifestations du peuple basque qui rassemblent des centaines de milliers de personnes toutes tendances politiques confondues en faveur d’un processus de paix et d’une amnistie générale. Ils se réfugient derrière leur « Justice », basée sur la loi du plus fort, en osant dire qu’ils ne peuvent intervenir dans une problématique judiciaire. Cette stratégie est absurde pour au moins deux raisons. La première est qu’elle aboutit à mythifier la résistance basque armée, à faire de ces résistants des martyrs et à menacer un processus de paix fragile du seul fait qu’il n’a été initié que de manière unilatérale. La seconde est que si la lutte armée a été vaincue militairement, la lutte politique, culturelle et sociale, elle, l’a emporté. Aujourd’hui, en effet, au pays basque sud comme nord, la langue et la culture basque prospèrent comme jamais encore. Et le sentiment indépendantiste ou à tout le moins en faveur d’une autonomie maximale fleurit massivement dans les urnes.

Comme on le voit, la situation au pays basque ressemble comme deux gouttes d’eau à celle de la France quelques années après La Commune. Et c’est pourquoi, de même que je me suis fait hier le porte-parole d’une amnistie en faveur de tous les condamnés de La Commune, je me fait aujourd’hui le porte-parole d’une amnistie en faveur de tous les condamnés de la résistance basque.

En 1876, j’écrivais :
« Quand un certain éclaircissement commence à pénétrer dans les profonds problèmes à résoudre, quand l’heure est venue de se remettre au travail, ce qu’on demande de toutes parts, ce qu’on implore, ce qu’on veut, c’est l’apaisement, et, messieurs, il n’y a qu’un apaisement, c’est l’oubli. Messieurs, dans la langue politique, l’oubli s’appelle l’amnistie…
L’amnistie ne se dose pas. Demander : quelle quantité d’amnistie faut-il , c’est comme si l’on demandait : quelle quantité de guérison faut-il ? Nous répondons : il la faut toute.
Il faut fermer la plaie. Il faut éteindre toute la haine…
L’amnistie est la suprême extinction des colères, des guerres civiles. Pourquoi ? parce qu’elle contient une sorte de pardon réciproque…
Quoi ! Laissant subsister tous les souvenirs cuisants, toutes les rancunes, toutes les amertumes, vous substitueriez un expédient sans efficacité politique, un long et contestable travail de grâces partielles, la miséricorde assaisonnée de favoritisme, une obscure révision de procès périlleuse pour le respect légal dû à la chose jugée…
Placer au-dessus de la loi politique la loi morale, c’est l’unique moyen de subordonner toujours les révolutions à la civilisation…
Pour toutes ces raisons, sociales, morales, politiques… votez l’amnistie…
»

En 2021, je ne vois pas une ligne à changer en faveur d’une amnistie générale pour tous les résistants emprisonnés ou en voie de l’être du pays basque. Pour les vainqueurs, bizarrement, c’est déjà fait.
En ce 150éme anniversaire de La Commune de Paris, ce serait un signe d’intelligence politique. Car, enfin, quoi, en 2021, le président de la République française, l’Assemblée nationale et le Sénat seraient-ils incapables de faire ce qu’une représentation nationale réactionnaire a fait il y a presque 150 ans ?

Bien cordialement à vous.
Votre bien dévoué
Victor Hugo


PAR : Jean-Marc Raynaud
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