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Dans un sale État

par Les Éditions du bout de la ville • le 25 novembre 2025
Un transfert punitif pour un livre de cuisine
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Nous relayons le communiqué suivant.
« J’aimerais que ce livre contribue à combattre les idées préconçues sur la prison et à briser les stéréotypes souvent associés à ceux et celles qui s’y trouvent. » Moben
C’est avec consternation que nous avons appris ce mardi 18 novembre le transfert de Moben, auteur de notre maison d’édition, à la prison de haute sécurité de Alençon-Condé-sur-Sarthe au sein du nouveau QLCO (Quartier de lutte contre la criminalité organisée). Il subit ce transfert punitif pour avoir écrit, avec l’aide de Gaëlle Hoarau, le livre Mange ta peine, les recettes du prisonnier à l’isolement, postfacé par Jacky Durand, édité par nos soins et sorti en librairie en octobre 2025.
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Mange ta peine est avant tout un livre de cuisine. Les 77 recettes du livre, gourmandes et faciles à réaliser avec des moyens limités, sont précédées d’un entretien qui documente la rigueur de la vie à l’isolement carcéral. Pour Moben, l’art de cuisiner est devenu un moyen de survivre à l’âpreté de ce régime qui, lorsque qu’il s’étend dans la durée, est assimilé à une « torture blanche » par la Cour européenne des droits de l’homme.
Son inventivité culinaire, sa poésie, ses analyses autant que sa générosité nous ont convaincus de la nécessité de publier ce livre. Conçu au cœur d’un dispositif qui tend à déshumaniser, ce livre est une leçon de partage, d’humanité et de combativité.
En octobre 2025, Moben reçoit son livre au centre pénitentiaire (CP) de Moulins-Yzeure. Quelques jours plus tard, une brigade de surveillants lui confisque. Ce que l’administration pénitentiaire lui reproche est écrit noir sur blanc :
« Hormis les recettes, vous décrivez votre vie en détention, en particulier à l’isolement, et en réalisant une critique de la prison. On y retrouve également une copie de bon de cantine du QMC [note] de Moulins de mars 2025 et des dessins représentant une cellule du QMC (...) Cela met en évidence votre volonté et votre capacité à communiquer pendant plusieurs semaines avec des personnes à l’extérieur en contournant les règles de contrôle de l’administration pénitentiaire. »
La sanction tombe : Moben est conduit au quartier d’isolement pour attendre son transfert en QLCO ! Nous contactons immédiatement la direction du CP pour rappeler que le livre n’a pas été écrit à l’insu de l’administration : Mange ta peine est en effet le fruit de conversations téléphoniques légales (écoutées et enregistrées par l’administration pénitentiaire) entre Moben et Gaëlle Hoarau qui les a retranscrites.
Le 18 novembre, une équipe de surveillants cagoulés (des « Eris ») transfère Moben en QLCO sous l’oeil d’une caméra embarquée de BFM TV. Dans la séquence, nulle mention d’un livre de recettes de cuisine à l’origine du transfert ; les éléments de langage tournent autour de prétendus risques d’évasion. La méthode est grossière : la parution du livre de Moben est bien l’élément déclencheur du transfert vers le QLCO de Condé-sur-Sarthe, lequel relève dès lors d’une décision punitive.
Rappelons ici que Moben avait quitté le quartier d’isolement pour rejoindre la détention dite normale il y a un an ; qu’il n’a pas utilisé de moyens de communications illégaux avec l’extérieur ; qu’il est déjà conditionnable à ce jour et libérable d’ici trois ans. Tant que cette décision sera maintenue, Moben verra ses proches derrière une vitre en plexiglas. Il n’aura plus que 4 heures de téléphone par semaine avec trois interlocuteurs autorisés. Pour un homme en fin de peine, cette désocialisation semble pour le moins contradictoire avec la mission de réinsertion supposément attribuée à la prison.
En effet, ces nouveaux QLCO constituent une nouvelle variante encore plus poussée de l’isolement, c’est à dire de la « torture blanche ». La publicité autour de leur mise en place ces derniers mois le répète : ces endroits doivent « couper du monde » et faire plier les prisonniers, c’est leur but affiché. Il semblerait que Moben ait été brutalement aspiré dans la campagne médiatique menée par le Garde des sceaux pour promouvoir ces nouveaux quartiers de haute sécurité (QHS) et sa « guerre au narcotrafic ».
La sortie du livre de Moben intervient dans ce moment particulier de l’agenda politique, et son auteur en paye le prix lourd.
Nous appelons nos collègues éditeurs et éditrices, nos partenaires professionnels, journalistes ou libraires, ainsi que les personnes et organisations investies dans la question carcérale et dans la défense de la liberté d’expression à se mobiliser à nos côtés, à ne pas laisser cette situation sans réponse, en communiquant à leur tour et en manifestant leur solidarité avec Moben. Il faut que cette mesure punitive intolérable prenne fin le plus rapidement possible.
Les Éditions du bout de la ville
Contact avocat :
Me Julien Brel du barreau de Toulouse
PAR : Les Éditions du bout de la ville
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