MoryGlobal : on liquide et on s’en va

mis en ligne le 10 avril 2015
1771ArcoleL'inversion de la courbe du chômage ? C'est pas demain la veille, surtout avec des liquidations d'entreprises comme MoryGlobal ; 2 150 licenciements en vue pour cette entreprise de transport routier. Petit retour en arrière : MoryGlobal (ex-Mory Ducros, numéro 2 français de la messagerie) était en redressement judiciaire depuis le 10 février. Tout s'est accéléré et sa liquidation a été décidée le 31 mars par le tribunal de commerce de Bobigny. Auparavant, il y a déjà un an, un premier plan social avait abouti à 2 800 départs (sur environ 5 000 salariés). Aujourd'hui, on liquide le reliquat, les 2 150 qui restaient. C'est l'une des plus grosses faillites en France depuis Moulinex en 2001, et pourtant la couverture médiatique n'a pas vraiment été à la hauteur. Hasard ? La presse papier (à part L'Humanité) a parcimonieusement diffusé l'acte de décès de l'entreprise. Quant à la TV, ce fut évoqué, plus que brièvement, coincé entre crash d'A320 et affaires de pédophilie dans l'Éducation nationale. On a les priorités qu'on peut sur nos petits écrans. Du côté de la classe politique, on est loin des déclarations fracassantes d'il y a un an, quand Arnaud Montebourg claironnait qu'avec une stratégie volontariste imposée au patronat on pouvait sauver une entreprise (comme ArcelorMittal à Florange ?). Il fanfaronnait, notre Arnaud, répétant à l'envie qu'il avait trouvé un repreneur et un bon – Arcole Industries –, sans tiquer sur le fait que ce « nouveau » repreneur était le principal actionnaire de MoryGlobal dont il avait déjà déposé le bilan en novembre 2013, avant de se représenter comme repreneur et d'empocher 17,5 millions d'euros généreusement accordés par le gouvernement, par le biais du FESD (Fonds économique et social de développement), sans oublier le gel des créances sociales et fiscales par ce même gouvernement. 17,5 millions d'aide de l'État qui devaient être réinjectés dans l'entreprise. Arcole Industries en préleva 7,5 au passage. Pour en faire quoi ? Et les 2 800 licenciés ? Pas de problème pour Montebourg, on allait les recaser : RATP, la Poste... C'est pas les points de chute qui manquaient, et c'était dans les accords. On a vu, ou plutôt on n'a pas vu grand-chose. Mais le passé, c'est le passé ; aujourd'hui, Montebourg n'est plus aux affaires, du moins pas les mêmes, puisqu'il s'est mis en retrait de la vie politique pour rejoindre le monde de l'entreprise, créer la sienne (mais pas pour reprendre MoryGlobal, faut pas déconner !). En haut lieu, on fait le dos rond et on prend une mine de circonstance. Manuel Valls, Premier ministre, déclare : « Le gouvernement essaie de trouver une solution. » François Rebsamen, ministre du Travail, a promis « un dispositif exceptionnel » pour accompagner les licenciés car, précise-t-il, « je vis cela comme un drame, je comprends la colère des salariés, mais le gouvernement n'est pas responsable » et Stéphane Le Foll, porte-parole, d'enfoncer le clou : « La situation héritée de 2012 ne nous a pas permis de sauver les emplois. »

« C'est pas moi, c'est les autres »
Pas responsables, la faute à ceux qui nous ont précédés, c'est pas moi, c'est les autres, et pourquoi pas ces salauds de travailleurs qui nous demandent des comptes... Rien de nouveau sous les cieux politiciens. Et pour couronner le tout, la faute aux étrangers. Le FN, par la voix de Florian Philippot, a vite fait de s'engouffrer dans la brèche : « La concurrence déloyale et féroce des groupes étrangers usant massivement des travailleurs détachés et profitant à plein de l'ouverture totale des frontières... » Principaux visés, les routiers en provenance de l'Europe de l'Est. Après le spectre du plombier polonais, celui du routier roumain. Faut bien remplacer la crainte des chars russes à nos portes.
Par contre, peu de nos politiciens, journalistes et autres experts semblent s'intéresser au principal actionnaire de MoryGlobal. Notons, pour commencer, qu'Arcole Industries, qui avait donc obtenu en 2014 le droit de reprendre l'activité de cette entreprise qu'il avait auparavant conduit à la faillite, est présenté ainsi : « Les plus grands groupes lui font confiance pour remettre leurs filiales déficitaires sur la voie du succès... Arcole Industries recherche la croissance et la rentabilité en se fondant sur un vrai projet industriel, qui se déploie dans la durée. » Rien que ça ! Arcole Industries se distingue surtout par l'opacité de ses mouvements financiers via une compagnie offshore administrée dans les îles Vierges britanniques et l'île de Man... Arcole Industries semble apprécier les îles, surtout lorsqu'elles se révèlent être de vrais petits paradis fiscaux ! Les salariés de MoryGlobal ont donc parfaitement raison de se faire du mouron, malgré un Valls qui leur dit que le gouvernement « travaille sur un plan de reconversion des sites et surtout pour trouver des possibilités d'embauches dans le secteur » (même refrain précédemment entonné par Montebourg.)
Pour ajouter à la défiance générale, l'avocat des salariés n'est autre que Thomas Hollande, le fils à son papa François et à sa maman Ségolène, qui, paraît-il, ont des relations, ce qui devait pouvoir faciliter l'obtention des 25 millions d'euros pour le PSE (plan de sauvegarde de l'emploi). Arcole Industries prétend n'avoir plus que trois millions à distribuer (soit moins de 1 400 euros par salariés licencié). Où sont passés les autres millions que lui a généreusement offerts l'État ? Mystère et boule de gomme. On ne peut que constater qu'une fois de plus l'État aide les entreprises, mais pas leurs salariés. Chez MoryGlobal comme ailleurs, les travailleurs n'auront que ce qu'ils prendront. Il ne leur sera fait aucun cadeau, même pas une aumône. La classe ouvrière disparaît ? Non, elle est jetée par les tenants du pouvoir. Cohérence d'un gouvernement qui ne remet pas en cause un système capitaliste qui perpétue l'exploitation de l'homme par l'homme. C'est encore loin, le socialisme ? Parce qu'après va falloir chercher le communisme, et libertaire si possible.