Corruption dans la République

mis en ligne le 5 mars 2015
Vous avez aimé Histoire secrète du patronat (ML n° 1760), vous adorerez Histoire secrète de la corruption sous la Ve République. Certaines organisations patronales et autres officines secrètes, des entreprises de l’aviation ou du BTP participent par des méthodes peu orthodoxes au financement des partis politiques et étendent leur zone d’influence dans les pays du tiers-monde au détriment des intérêts des populations. Toutefois, il faut savoir définir cette notion de corruption pour mieux la dénoncer. En réalité il y une myriade de corruptions touchant une diversité de personnes.

De quelle corruption parle-t-on ?
La corruption a toujours existé dans les différentes Républiques. Rappelons-nous l’affaire de Panama ou l’affaire Stavisky sous la IIIe République, les scandales immobiliers et les trafics alimentaires aux débuts de la IVe pourtant issue des principes de la Résistance. Enfin, il y a loin de la coupe aux lèvres entre les idéaux gaullistes qui ont berné les Français et les trafics du Service d’action civique (SAC), les manœuvres de Françafrique (objectif pétrole), les autres scandales immobiliers des années 1970 comme La Garantie foncière. Les discours sont trop beaux pour cacher cette quête de l’influence, de l’argent clandestin, de la manipulation des instances politiques.
Initialement la corruption se définit biologiquement comme une altération progressive et inéluctable des êtres naturels. Institutionnellement, elle correspond à un trafic de dons, de propositions pour obtenir un avantage, un marché, une distinction. La pratique des dessous-de-table se perfectionne sans cesse avec multiplication de sociétés écrans dans des îles exotiques, sophistication de processus grâce à l’informatique, enrichissant des personnes titulaires d’un pouvoir sans contrôle. Corrompus et corrupteurs se tiennent par l’argent et le vertige du pouvoir. C’est bien une forme de décomposition de la société.

Des corrupteurs et corrompus imaginatifs
Grands et petits, fonctionnaires, patrons, journalistes, nombreux sont ceux qui en « croquent » en confondant les rôles et les fonctions. Exemple : comment être expert pour apprécier en toute neutralité les risques induits par un nouveau médicament, scandale du Mediator ? Comment faire croire en l’impartialité des agents, lorsque des policiers fabriquent de fausses preuves ou « piquent » dans les réserves de produits dopants à la Préfecture de police ? Bravo l’exemple !
Dans les années 1970, les scandales liés à l’urbanisme éclaboussaient surtout les gaullistes, les giscardiens avaient trouvé cette formule : les copains et les coquins. Aujourd’hui, elle convient à tout le monde. La décentralisation n’a fait qu’accroître les magouilles et les montants des transactions. Le financement des partis politiques a été assuré abondamment par des collectivités comme la Ville de Paris ou le département des Hauts-de-Seine.
Certaines affaires sont couvertes par le secret défense comme pour l‘uranium, donc on ne sait rien, au nom des intérêts de l’État !
Des meurtres restent inexpliqués comme l’affaire de Broglie. Des gens qui savaient, des gens qui gênaient ? Mystère, on ne va pas jusqu’au bout de la logique, on condamne des comparses, des intermédiaires. Le livre composé de fiches accompagnées de bibliographie montre que contrairement aux apparences, tout se sait depuis longtemps mais il manque cette volonté d’aboutir. La Ville de Paris est un roman dans le livre mais quel responsable a été fondamentalement inquiété ? Certaines procédures échouent en raison d’erreurs grossières. Pourquoi ?
Vous retrouverez les fonds de l’UIMM, ceux des projets immobiliers de la Défense, les bureaux d’études bidons, l’Angolagate, célèbre trafic d’armes.
Les collectivités territoriales, en raison de l’émiettement des pouvoirs et le transfert de compétences pourvoyeuses de mannes financières copieuses sont plus petites que l’État et cela se voit moins. De ce fait, des affaires se concentrent sur la région parisienne avec la ville de Paris, le département des Hauts-de-Seine, mais la Polynésie Française, le Sud de la France ne sont pas en reste notamment en matière d’urbanisme commercial, de délégation de gestion de service public dans les secteurs de l’eau et de l’énergie.

Un vague écœurement
Le lecteur pourra procéder à une lecture soit intégrale de l’ouvrage comme un sinistre roman, soit choisir les fiches en fonction des régions, des pays, des secteurs économiques. Des entreprises pratiquent le mélange des genres en embauchant avec de très fortes rémunérations, par exemple, les enfants d’élus virés en cas de défaite électorale.
Quelques exemples de scandales : dans le monde de l’art comme l’affaire Giacometti, la captation d’héritage de riches personnes âgées, les dépenses fastueuses des dirigeants africains avec villas sur la Côte d’Azur, véhicules de collection alors que leurs peuples sont misérables, les paris truqués et les transferts de joueurs dans le monde du sport, les affaires des laboratoires pharmaceutiques.
Chacun ressortira vaguement écœuré de cette lecture. Pas de grandes découvertes mais cette accumulation donne quelque peu le vertige et contrairement aux espoirs des auteurs, les modifications législatives ne font que provoquer plus d’imagination chez les fraudeurs, sans trop les inquiéter. La vertu appelée par beaucoup ne peut se concevoir que dans un changement radical de notre société.

Francis Pian