Le Parfait Enfant Fou : interview avec Pef, auteur-illustrateur

mis en ligne le 26 février 2015
1767PefLaurence Warot : On sait que votre mère était institutrice, mais que faisait votre père ?

Pef : Mon père était aussi instituteur, mais il a très vite rejoint la troupe de Jean Vilar, où il est devenu metteur en scène de théâtre dans les années 1950. J’ai du coup été baigné très jeune dans cette atmosphère qui m’a donné l’amour des gens, l’amour de la sonorité des alexandrins.

LW : Quelle sorte d’élève étiez-vous ?
P : Ma mère étant institutrice d’une classe unique, je me devais d’être dans les meilleurs. Quand j’ai quitté l’école communale pour aller au lycée, là, j’ai tout de même redoublé deux fois.

LW : Quand vous étiez enfant, que lisiez-vous ?
P : À cette époque d’après-guerre, je lisais les albums du Père Castor. Beaucoup de livres étaient en noir et blanc, j’ai lu Babar en noir et blanc. Et puis, à l’âge de 14 ans, je m’achetais des livres de poche dont les couvertures, à cette époque, ressemblaient à des affiches de cinéma. J’ai lu Camus, Malraux, Racine, dont je ne comprenais vraiment pas le sens des mots, mais dont j’aimais la musicalité des alexandrins. Tout mon argent de poche passait dans l’achat de livres, lesquels, à cette époque coûtaient 150 francs.

LW : Vous dites, dans une vidéo que j’ai regardée sur Internet, que vous vous définissez comme PEF = Parfait Enfant Fou.

P : Les enfants aiment décliner mon nom, il y a aussi : Pélican Nu et Fragile par exemple. J’aime l’envers des possibles et j’ai une propension à refaire le monde. Les enfants me suivent avec bonheur quand il s’agit de jouer avec les mots, ils jubilent avec moi de mon style gai et débridé. Puis, en voyageant beaucoup, j’ai enlevé mon nez rouge. Quand je vais à la rencontre des enfants dans les écoles, je leur demande de sortir leur trousse et de prendre leur crayon à mine. Et je leur explique qu’à Djibouti un crayon comme le leur est un bien inestimable et que les Djiboutiens ne s’en servent que dans les grandes occasions pour ne pas l’user trop vite.

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Et puis, foin de l’interview classique, je vous écris tout simplement ce que Pef a continué à me dire : « Un livre peut déborder des pages, devenir subversif, si un enfant le ressent comme ça. Je travaille beaucoup avec Didier Daeninckx qui est un ami et dont j’ai illustré plusieurs livres dont Les Trois secrets d’Alexandra aux éditions Rue du monde. Ce qui me touche beaucoup, c’est qu’au fil des années et comme je peux être lu, dans une même famille, par les grands parents, les parents, les enfants et aussi les petits enfants, je suis devenu L’Ami de la famille. Et quand toute cette (ces) famille se réunit, elle oublie pour un temps les problèmes quotidiens et se fédèrent autour de mes livres. »
À la fin de cette interview, sortant moi aussi des sentiers battus, j’ai demandé à Pef, s’il serait d’accord pour venir passer une journée avec les jeunes dont les parents sont obligés d’aller au Secours populaire de La Ferté-sous-Jouarre en Seine-et-Marne, près de chez moi. Pef a accepté tout de suite.
Avec ses livres que je recevrai en service de presse, chaque jeune pourra repartir avec un livre neuf de Pef, avec, en prime, une dédicace nominative.
Pef est un magicien des mots et de la vie. Je tiens à écrire dans cet article que lorsque Pef recevra Le Monde libertaire avec cet article imprimé, je lui donne toute liberté de réponse au cas où j’aurais commis une erreur d’interprétation dans ce qu’il m’a dit.

Laurence Warot