Occuper Wall Street

mis en ligne le 26 février 2015
1767WallStreetLe 8 janvier dernier, Mark Bray, l’auteur du livre Occupons Wall Street, publié tout récemment aux éditions Noir et Rouge, venait présenter son livre au cinéma La Clé à Paris, avant de partir pour une tournée de conférences en Espagne. La soirée parisienne, qui avait lieu au lendemain des attentats du 7 janvier, fut, hélas, suivie par un public assez clairsemé après que les responsables des éditions eurent envisagé de la supprimer purement et simplement, les esprits de tous étant occupés à ce moment-là par les terribles événements en cours en France. Nous donnons ici le compte rendu de la présentation faite par Mark Bray de la version espagnole de son livre dans les locaux de la CNT de Valladolid, le 1er février dernier. Le livre a paru aux éditions Volapük, avec une préface du professeur Carlos Taibo, une des grandes figures intellectuelles de l’anarchisme ibérique, encore très peu connu en France.
En septembre 2011, un groupe de personnes se rassembla dans l’épicentre financier de Manhattan pour manifester son refus du système économique et politique nord-américain. Ce mouvement, qui fut baptisé du nom de « Occupy Wall Street », ne cessa de s’étendre et reçut le soutien de milliers de personnes non seulement à New York, mais aussi dans des centaines de villes des États-Unis. Mark Bray, un jeune homme originaire du New Jersey, fut l’une des nombreuses personnes qui se joignirent à ces mobilisations. Ce dimanche [1er février], il était de passage à Valladolid, et il en a profité pour relater son expérience et pour présenter le livre où il a fait l’histoire du mouvement new-yorkais de l’automne 2011.
Son ouvrage, qui vient d’être traduit en castillan par les bons soins de la maison d’édition Volapük, de Guadalajara, sous le titre La Traducción de la Anarquía. El anarquismo en Occupy Wall Street (« Traduire l’anarchie. L’anarchisme au sein d’Occupy Wall Street »), recueille les témoignages de deux centaines de militants qui participèrent à cette mobilisation. « Je souhaitais connaître leurs perspectives politiques. En parlant avec eux, je me suis rendu compte qu’il y avait une forte présence anarchiste dans ce mouvement. De fait, 39 % des participants au mouvement Occupy Wall Street de New York se revendiquaient explicitement de l’anarchisme. Une autre partie d’entre eux, 33 % environ, se réclamait d’idées politiques proches, puisqu’ils s’affirmaient anticapitalistes, partisans de la démocratie directe et opposés à la hiérarchie », a expliqué Mark Bray dans le local de la CNT de Valladolid, où il avait été invité à une réunion qui put compter aussi sur l’appui de l’Athénée libertaire de Salamanque.
Le livre de Mark Bray est divisé en quatre chapitres : « De la confusion : Occupy et les médias » ; « “Le fléau d’Occupy Wall Street” : l’anarchisme et ce qui s’en rapproche » ; « Traduire l’anarchie » ; « Pourquoi nous avons besoin d’une révolution, par-delà le “socialisme dans un seul parc” ». Mark Bray, qui participa aux groupes « Presse » et « Action directe » d’Occupy Wall Street, a écrit ce livre pour évoquer le sens de ces rassemblements, mais aussi pour dissiper les préjugés sur le mouvement anarchiste. « Aux États-Unis, il est stigmatisé. L’homme de la rue nous tient pour des fous pervers », a-t-il dit ce dimanche.
Cet ouvrage reprend également les principales critiques adressées au président Barack Obama, dont le fait de ne pas avoir fermé Guantánamo, la prolongation et l’intensification de la guerre en Afghanistan ou encore l’augmentation de l’usage de drones pour procéder à des bombardements au Pakistan, au Yémen ou en Somalie. La liste est complétée par d’autres critiques relatives à la participation militaire états-unienne en Libye, au Mali ou au Niger, à la poursuite des expulsions des sans-papiers ou à la négociation de nouveaux accords de libre-échange avec la Colombie, la Corée du Sud et le Panama.
Au cours de la présentation de ce dimanche, Mark Bray fit allusion à d’autres mobilisations comme celle de la place Tahrir en Égypte ou au mouvement dit du 15-M (le mouvement des indignés lancé le 15 mai 2011 à Madrid) et à son influence sur Occupy Wall Street. Il soutint aussi un long débat avec les auditeurs, lesquels l’interrogèrent en particulier sur son activité au sein du groupe « Presse » d’OWS. Il aborda aussi d’autres thèmes, comme le rôle joué par les femmes dans ce mouvement, ses points communs avec d’autres mobilisations surgies en Afrique du Nord ou en Europe, ou encore sur l’incidence du discours anarchiste dans la société nord-américaine. Il a parlé également de la répercussion d’OWS, un mouvement qui, après sa dissolution, a continué d’unir ses militants au sein d’autres groupes et d’autres luttes comme celles qui sont en cours aujourd’hui aux États-Unis contre le fracking [l’extraction du gaz de schiste par le moyen de la fracturation hydraulique de la roche], les expulsions ou les assassinats de Noirs par la police, des meurtres qui ont été à l’origine d’un mouvement appelé « Black Lives Matter » (« Les vies noires comptent »). Il lui resta même un peu de temps pour évoquer le rôle d’autres activistes au sein d’OWS, dont David Graeber, auteur des livres Pour une anthropologie anarchiste ; Direct Action : An Ethnography (non traduit en français) et Dette : 5 000 ans d’histoire.

Laura Fraile
Article présenté et traduit par Miguel Ángel Parra