Météo syndicale

mis en ligne le 26 février 2015
Comment s'engueulait-on dans la CGT du début du XXe siècle ? En se traitant de fous, d’irresponsables, de suppôts du patronat ? Il y avait du pain sur la planche entre les allemanistes et les anarchistes ? Entre ceux qui voulaient faire des congrès communs parti et syndicat pour rassembler les forces sociales, et les nôtres qui préconisaient l’indépendance de l’organisation de classe. L’histoire a oublié la polémique entre Émile Pouget et Keufer, secrétaire de la Fédération française des travailleurs du Livre. L’ancien animateur du Père peinard devenu responsable de la CGT accusait ni plus ni moins l’ancien typographe de collusion avec le patronat dans des négociations salariales… L’affaire prit de l’ampleur et nécessita des réponses écrites sous forme de brochure (Les Deux Méthodes syndicalistes. Réformisme et action directe, au prix de 20 centimes) ! On a oublié aussi l’affaire de la Grange-aux-Belles (avant 1906) quand la mairie de Paris avait délogé la CGT de la Bourse du travail de la rue du Château-d’Eau. Pour acheter des locaux dans la voie qui mène du canal Saint-Martin à la place du Combat (aujourd’hui nommée Colonel-Fabien…), Gifhuelles emprunta de l’argent dans la précipitation. D’où une polémique interne l’accusant de mille vilenies et même pire ! Malheureusement, les archives précises manquent cruellement. Il n’empêche qu’à la suite de calomnies le camarade Grifhuelles démissionna quelques années plus tard. Complot socialiste avec l’aide de Jouhaux qui rongeait son frein ? Comme pour les sombres jours de la CGTU et plus tard de la CGTSR, les archives ont été brûlées, voire égarées. Les anciens du SUB (Syndicat unitaire du bâtiment) avaient des souvenirs de collections de journaux oppositionnels passés au pilon… mais ils ne sont plus là pour rassembler leur mémoire et témoigner.
Quand la guerre arriva en 1914, tout était en place pour que la « terreur du patronat » fasse patte douce avec l’ensemble de la patrie pour que n’importe plus que la victoire contre la méchante Allemagne. Plus de revendications salariales, rien qu’une chose en tête, aller au front tuer du Boche ! Penser comme certains politiques actuels que (toutes proportions gardées, bien sûr, mais !) la chose appelée union sacrée pouvait marcher encore avec l’émotion causée avec le drame de Charlie Hebdo montre que les utilisateurs patentés des miroirs aux alouettes ont encore pignon sur rue.
« 2015, pour une CGT unie, déterminante et conquérante. » Voilà un slogan pour bien marteler le pavé, mais y aura-t-il aussi la notion d’unité syndicale, liant indispensable pour tout combat ? Sur le papier, dans les instances syndicales, tout est déployé pour la grève nationale du 9 avril à l’appel de la CGT, FO et Solidaires contre l’austérité. « Irresponsables » et « immatures » ont été les qualificatifs de la direction socialiste pour celles et ceux qui s’opposaient à l’Assemblée nationale. On se demande quels noms d’oiseaux seront utilisés pour qualifier les syndicalistes de toute obédience ! On a aussi entendu (mais cela nous regarde-t-il vraiment ?) que des menaces d’exclusion avaient été brandies contre les moutons noirs du PS. Le camarade Filoche sera-t-il enfin un homme libre ? On verra bien si la rue reprend le dessus dans le mouvement social, si le syndicalisme ne se laisse pas une fois de plus lier les mains !