De la nécessité de combattre l’islam politique (2e partie)

mis en ligne le 19 février 2015
1766AnarsL’islam politique de ces derniers temps a pris des allures confessionnelles très inquiétantes. Les mollahs iraniens financent les groupes islamiques chiites comme le Hezbollah libanais, qui est un véritable État dans l’État au Liban, les Houthis au Yémen, des groupes chiites au Bahreïn, une pléthore de milices chiites en Irak, etc. Ils soutiennent le maintien du régime d’Assad en Syrie, qui est leur allié stratégique pour sa proximité à Israël. Ce n’est donc pas étonnant d’entendre un haut gradé des Pasdaran de la Révolution islamique iranien dire : la profondeur de notre défense stratégique est la Méditerranée.
Face aux mollahs chiites qui veulent toujours constituer l’« oumma » à condition qu’elle soit sous leur direction, il y a aujourd’hui une multitude de groupes islamiques salafistes qui veulent faire la même chose mais à leurs bottes avec à leur tête l’État islamique (l’ex-Daech) ou Al Qaïda qui ont été financés non seulement avec l’argent saoudien, qatari ou plus récemment turc, mais aussi les complicités occidentales qui continuent encore. Personne n’a oublié que Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères français soutenait encore ouvertement en décembre 2012 un groupe islamique qui s’appelle le Front Al Nosra et qui se bat contre le régime d’Assad. Par contre ce front est ni plus ni moins que la branche d’Al Quaïda en Syrie.
Il faut aussi préciser que les différences entre les chiites et sunnites concernent surtout les problèmes de succession de Mahomet, par contre, s’agissant de la charriah, leurs clivages sont négligeables. En Iran chiite, les condamnations à la mort s’appliquent par pendaison, alors qu’en Arabie saoudite sunnite, on coupe les têtes au sabre. En Iran chiite, les mollahs ont inventé des machines pour couper les doigts ou les pieds de condamnés, alors que, peut-être, en Arabie saoudite sunnite on le fait avec des couteaux mal aiguisés ! Sinon, en Iran chiite comme en Arabie saoudite, les femmes sont obligées de porter le hijab, elles n’ont pas le droit de se marier sans accord de leur père ou frère, la polygynie est autorisée, l’alcool est prohibé, des arts comme le chant des femmes ou la danse sont interdits, etc.
Il sera trop simple de dire que l’essor des groupes islamiques, qu’ils soient à la tête des États comme en Iran et même en Turquie ou qu’ils soient dans les champs de bataille comme en Irak, en Syrie ou en Libye, est dû seulement aux politiques occidentales ou bien à la non-conscientisation des masses populaires de ces pays à cause des dictatures. Des groupes politiques qui ont existé ou existent encore dans ces pays portent aussi une lourde responsabilité. Dans les pays à majorité musulmane comme l’Iran, l’Irak, l’Égypte et même la Syrie, il y avait des partis communistes assez importants en forces militantes. L’histoire montre qu’ils n’ont jamais voulu mener une politique indépendante car, d’une part, ils ont été trop inféodés au grand frère « soviétique », qui ne pensait qu’à ces propres intérêts économiques et géopolitiques, et, pour une autre part par leurs blocages idéologiques. Quelques exemples historiques sur l’Iran pourraient peut-être aider à éclaircir ce propos. Le clergé chiite en Iran a eu un rôle assez néfaste et déjà rétrograde dans les événements de 1905 à 1911 qui sont connus sous le nom de la révolution constitutionnaliste. Au cours de cette révolution les gens ont pris part aux luttes contre la cherté de la vie, mais ils demandaient aussi plus d’équité en exigeant un parlement ou bien un ministère de la Justice. Une figure importante du clergé est un mollah qui s’appelle Cheikh Fazlollah Nouri. Il s’oppose ouvertement aux libertés que les gens veulent conquérir en disant que « la liberté en islam est une forme d’apostasie ». D’autres religieux chiites feront tout leur possible pour que, s’il y a ministère de la Justice, les lois soient fondées sur la charia islamique.
Le parti communiste d’Iran fut fondé en juin 1920 par des acteurs politiques comme Heydar Amou Oghli qui faisait partie des dirigeants de la révolution constitutionnaliste. C’est un parti qui est dans la lignée des partis communistes pro-bolcheviks. Cela n’empêche pas un autre dirigeant de ce parti, Avtis Soltanzadeh, d’écrire ceci en 1922 : « Les théories du califat ou de la hiérarchie cléricale mais aussi du panislamisme sont certes profondément réactionnaires. Mais ces théories mobilisent les couches inférieures musulmanes contre le capitalisme occidental et au premier degré contre la domination britannique, c’est pourquoi elles jouent relativement un rôle révolutionnaire. Car elles accélèrent la désagrégation du capitalisme mondial et affaiblissent les bases de la domination londonienne. » Soltanzadeh écrit ces lignes alors qu’il est considéré comme un dirigeant « gauchiste » du PCI ! Il participera au deuxième congrès du Komintern et se fera élire dans sa commission exécutive. Il fera aussi partie des douze membres sur quinze, du comité central du PCI qui seront exclus pour leurs désaccords avec les autorités soviétiques et du parti communiste d’Azerbaïdjan. Il critiquera les politiques soviétiques sur l’Iran en janvier 1922 mais restera à l’Institut bancaire soviétique jusqu’en 1927. L’Union soviétique de Staline dissoudra le parti communiste d’Iran en 1932. Staline accusera Soltanzadeh de positions antiléninistes et le fera exécuter le 16 juillet 1938 pour « espionnage au profit de l’Allemagne » !
Un second parti communiste, qui prendra le nom du parti Toudeh d’Iran, sera créé en 1941. C’est un parti encore plus prosoviétique que le premier. Lorsque le gouvernement nationaliste de Mossadegh nationalise le pétrole, le parti Toudeh (parti des masses) a des désaccords avec lui car peu de part de la manne pétrolière est prévue pour l’Union soviétique. Le parti Toudeh, seul parti de gauche de l’époque, dispose d’un réseau de militants considérables. Il a une organisation militaire secrète constituée de soldats et de nombreux officiers au sein des armées, mais il ne sera pas assez réactif contre le coup d’État de la CIA contre Mossadegh qui fera tomber son gouvernement et revenir le schah qui avait fui le pays. Le parti Toudeh sera de fait, à l’époque, sur la même ligne que le clergé chiite contre le gouvernement nationaliste de Mossadegh, un clergé dirigé par un ayatollah s’appelant Kachani.
Le parti Toudeh, qui a fêté ses soixante-quatorze ans en octobre 2015, défendra le régime des mollahs jusqu’en 1983 alors qu’ils ont commencé la répression de toutes les oppositions quelques mois après la chute du schah en février 1979. L’opposition du parti Toudeh contre la République islamique commence au moment où elle en finit avec les autres et vient le taper lui aussi. Mais pour quelle raison le parti Toudeh a-t-il soutenu pendant plusieurs années le régime des mollahs ? Parce que, selon ce parti, la République islamique d’Iran est « anti-impérialiste » et l’on pourra l’aider à cheminer vers le socialisme par la voie de croissance non capitaliste ! Étrange similitude idéologique entre cette position et celle de Soltanzadeh cinquante-sept ans plus tôt, n’est-ce pas ?
L’on a essayé de voir que le problème concernant l’islam n’est pas seulement un problème de savoir si cette religion est réformable ou actualisable. Il s’agit d’un problème politique qu’il faut tâcher de résoudre. L’islam comme toutes les autres religions, surtout monothéistes, n’est pas réformable. Il est complètement impensable d’attendre un islam des Lumières. Car les dogmes religieux ne se discutent pas. Le Coran pour l’islam est la parole de Dieu (Allah) figée à jamais. Le christianisme n’a pas plus évolué que l’islam ou le judaïsme. Les changements sociaux et sociétaux se sont imposés au christianisme par de longues années de luttes séculaires. Sans séparer la sphère publique et les États de la religion, quelle qu’elle soit, aussi bien en France qu’en Irak, qu’en Iran, qu’en Arabie Saoudite, etc. Aucune amélioration n’est envisageable. Ce ne sont pas que des États islamiques comme ceux d’Iran ou d’Arabie Saoudite qui soutiennent l’islam politique, ce sont aussi des États prétendument laïcs comme ceux de l’Occident qui ont soutenu l’islam politique dans le cadre de la « realpolitik » et de l’« ennemi de mon ennemi est mon ami ». C’est donc contre l’islam politique, sous toutes ces formes confessionnelles, qu’il faut concentrer les efforts. Mais comment ?
Nous avons vu que les partis, souvent nationalistes ou marxistes, dans les pays à majorité musulmane ont été mis en faillite par leurs propres politiques et idéologies, sans parler de répression dont ils étaient l’objet par les gouvernements ou les interventions des puissances mondiales. Toutefois les populations de ces pays n’ont aucune confiance en ces partis, non seulement à cause de leur faillite nationale mais aussi à cause de tout ce qui s’est passé dans les pays de l’ex-bloc de l’Est. C’est une des raisons pour lesquelles elles se tournent encore vers les groupes islamiques dans l’espoir que leur quotidien changerait. Et ce n’est pas fini. Arazbeyk Maldaïev, directeur de la commission d’État aux Affaires religieuses du Kirghizstan, a dit ceci récemment : « Les dangers de l’essor des groupes extrémistes se multiplient en Kirghizstan. » Il a essayé d’assurer les journalistes que les Taliban ou Al-Qaïda ne peuvent pas intervenir en Kirghizstan. Ces propos recoupent ceux dans une autre ex-république soviétique : le Tadjikistan. Le journal tadjik Emrooz News a relaté le fait que plus de 300 Tadjiks sont allés en Irak et en Syrie combattre dans les rangs de l’État islamique (ex-Daech). Ce journal a dévoilé aussi que l’État islamique (ex-Daech) a envoyé 70 millions de dollars pour le djihad dans une vallée du Tadjikistan, la Forghaneh. Cet argent aurait été envoyé avec un groupe de paramilitaires composés de 100 personnes qui dépendent de l’État islamique (ex-Daech), un groupe installé à la frontière afghano-tadjik.
Malgré ce tableau obscur qui est la réalité des pays dits musulmans, de l’Afrique du Nord jusqu’à la Chine et ses Ouïgours, l’espoir existe que les choses changent dans le sens de l’Histoire pour la liberté et l’égalité véritables. « Le printemps arabe » a annoncé à la face du monde l’existence des groupes libertaires aussi bien en Égypte qu’en Tunisie. Ce sont des groupes qui ont de longs chemins à parcourir certes, mais ce sont aussi des groupes qui n’ont pas existé auparavant. Les Kurdes du Rojava, qui viennent de libérer la ville de Kobané après plusieurs mois de combats acharnés, sont un autre exemple de l’espoir que l’on peut avoir dans une partie de cette région du monde, bien que beaucoup d’anarchistes critiquent à juste titre le « confédéralisme démocratique » développé par Ocalan ou le passé de celui-ci. En Iran, après presque quatre décennies de règne néfaste islamique, des individus libertaires et de tout petits groupes d’anarchistes commencent à militer dans des conditions extrêmement difficiles et dans la clandestinité.
Alors que, jusqu’à la chute du régime du schah, les livres critiquant l’islam se comptaient sur les doigts d’une main et étaient interdits par le schah lui-même, une bibliothèque assez fournie de ce genre de textes en persan est aujourd’hui sur Internet ou se vend sous le manteau, souvent sous forme de polycopiés. La traduction de quelques titres de livres pourrait être assez révélatrice… Et l’Homme créa Dieu, séparation de la politique de la religion, critique du Coran, critique des lois juridiques, politiques et économiques de l’islam, la liberté est de critiquer l’islam, Les chansons anti-religieuses, Voltaire, philosophe antireligieux, analyse rationnelle du droit, de la loi et de la justice en islam, testament de Dieu, le Coran, paroles de Mahomet, le Coran, sans aucun message pour nous, etc.
Il est donc évident que combattre l’islam politique, au pouvoir ou dans les champs de bataille, est une nécessité de notre époque. Nous avons donc affaire à une question politique qui doit être prise en considération. Soutenir les luttes qui sont menées indépendamment des politiques des États, petits ou grands, puissants ou faibles, a toute son importance. Sinon il y a eu des caricatures avant Charlie Hebdo et il y en aura d’autres, même si ce journal cesse d’exister. Le pape, les ayatollahs chiites, les muftis sunnites ou les rabbins doivent un jour ou l’autre apprendre, si possible, à respecter la liberté d’expression des caricaturistes, des auteurs ou de simples gens qui désirent voir, lire ou s’instruire car les athées n’ont jamais restreint ou pire encore tué des personnes qui déversent encore et encore leurs idioties religieuses dans les églises, mosquées, synagogues ou temples.
La lutte contre l’islam politique est donc une lutte qui doit être menée parallèlement, à celle contre la religion elle-même, sans tomber dans le piège des termes un peu fourre-tout comme islamophobie. Les médias de la République islamique d’Iran ne cessent de qualifier d’islamophobe la nouvelle caricature de Mahomet dans Charlie Hebdo tout en accolant ce mot à musulmanophobe. Combattre l’islam politique nécessite une alternative politique. Il ne suffira pas de proposer l’autogestion à cor et à cris. Il ne suffira pas non plus de se rassembler autour de slogans qui paraissent, au premier regard, assez mobilisateurs comme « Je suis Charlie ». L’émotion passée, nous avons bien constaté que beaucoup de forces qui ont brandi ces trois mots n’étaient absolument pas fréquentables politiquement, alors que beaucoup d’autres qui ont refusé de les porter étaient de véritables défenseurs des libertés et de la liberté d’expression en particulier, et vice versa. Les athées et les anarchistes ne sont pas contre les musulmans, elles et ils ne sont pas par conséquent musulmanophobes. Elles et ils sont contre les religions islamiques, chrétiennes, juives et toute autre religion qui sont les formes de soumission et d’aliénation les plus flagrantes et inacceptables. C’est pourquoi des termes comme islamophobie prêtent souvent à confusion devraient être évités. Le chemin sera long dans la lutte contre l’islam politique, mais il est tout ouvert devant nous !

Nader Teyf
Groupe Henry-Poulaille de la Fédération anarchiste



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


la pulga

le 16 mars 2015
Du trés bon boulot. Les mecs de Charlie sont morts debouts, et avaient des c... grosses comme ça. Quand tout le monde tortillait du croupion devant les menaces des intégristes , et quand toute la bien-pensance ordinaire ( de la droite jusqu'aux "idiots utiles" de la réaction qu'on trouve sur l'extrême-gauche ) leur balançait des torrents de vomi dans la gueule, Charb et ses copains ne bronchaient pas: selon eux, les religions sont des ennemis à combattre, quels que soient les noms des Dieux et des Prophètes. Quel est le chiffre exact des morts, des blessés, des suppliciés sacrifiés sur l'autel de cette dévotion imbécile portée à un Jésus, un Mahomet ou une autre idole bidon ?? Par respect pour ces innombrables victimes, un caricaturiste de ce nom, qui est là pour dégommer la connerie humaine, a non seulement le droit, mais quasiment le devoir de se foutre gaillardement des billevesées sorties de la Torah, du Coran ou de la Bible. Y a toujours un gauchiste pour dire: " c'est pas bien de se moquer de Mahomet, ça touche les musulmans, et les musulmans sont les opprimés des temps modernes." Connerie à front de taureau, ou comment ethniciser bêtement une réalité sociale mondiale qui touche pourtant toutes les populations, aux 4 coins du monde, les blancs comme les blacks, les beurs comme les asiatiques, et les croyants comme les incroyants. Les immigrés subissent les mêmes revers et difficultés quasiment partout, dans cette mondialisation du fric qui provoque repli sur soi et pensée xénophobe dans les têtes de bien de trop d'autochtones. Et c'est pas en se fixant sur la lecture au 1er degré de son petit livre-viatique que les immigrés de tous pays vont trouver une solution à leur injustice. Les Religions et leurs Livres sont, et seront encore longtemps, j'en ai peur, les para-tonnerres providentiels des exploiteurs et des charognards du capitalisme..

Socialisme libertaire

le 17 mars 2015
Excellent article... !

Partagé/publié sur Socialisme libertaire :

http://www.socialisme-libertaire.fr/2015/03/de-la-necessite-de-combattre-l-islam-politique-2e-partie.html

Michel

Salutations libertaires

luc lefort

le 19 mars 2015
le dernier paragraphe de cet article est,aussi peu convainquant que sinueux.le commentaire de la pulga ci-desous en éclaire les limites avec lucidité.