Sport et liberté

mis en ligne le 10 juillet 2014
À l’occasion de la Coupe du monde de football paraît une floraison de revues et de livres sur le sport.
Signalons le n° 78 de Mouvements : « Peut-on aimer le football ? », largement critique sur les pratiques maffieuses liées à l’organisation de telles manifestations (voir l’entretien avec Noël Pons : « Délinquance financière, mondialisation et football ») et sur les addictions « stimulantes » des champions, notamment dans l’interview du médecin du sport Jean-Pierre de Dondenard par Noé le Blanc.
Sur ce dernier sujet on se souvient du magnifique spectacle Touche par une compagnie italienne, présentée au Théatre Maurice-Ravel cet hiver et dont j’avais rendu compte.
Le numéro 25-26 de la revue Quel Sport, dirigée par Fabien Ollier, interviewé par Le Monde libertaire dans son n° 55 (hors série), développe ses thèmes favoris : condamnation virulente et absolue du sport de compétition cumulant les tares de la société libérale, mais, au-delà, du sport en général – ce contre quoi je m’insurge, rejoignant Le Monde libertaire : De l’autre côté du sport.
Si, il y a des effets bénéfiques du sport : de loisir, amateur, voire de basse compétition, comme je l’ai pratiqué toute ma vie (volley-ball et depuis une dizaine d’années badminton) et j’y consacre une grande part de mes réflexions dans un essai à paraître : L’Inconfiscable Anarchie. Beaucoup de mes livres 1 ont déjà mis en avant cette dimension du combat féministe oubliée dans son numéro spécial par Le Monde libertaire.
Dans l’espace-temps d’une rencontre sportive, voire d’un entraînement, se crée une microsociété qui nous délivre de l’autre et de ses aliénations. Pour une femme, s’échapper de chez elle, et renoncer à l’entretien du confort familial pour venir s’éjouir dans un gymnase est une belle preuve de liberté.
En ces lieux son corps lui appartient, ni objet de spectacle ni instrument du plaisir d’autrui. Depuis quelques années je remarque que les équipes de sport de loisir se féminisent. Il arrive même que des couples soient des pratiquants réguliers, ce qui prouve une égalité plus grande dans l’organisation de la vie domestique mais prive l’un(e) comme l’autre d’une véritable émancipation.
La rencontre de pratiquantes de sports jusque-là réservés aux hommes comme la boxe est aussi un grand encouragement.
Sur le plan social, sortir de l’isolement et s’efforcer de créer des relations avec autrui, hors vie privée comme professionnelle, est une école d’ouverture. L’activité commune va avec l’écoute, à la marge (sur la touche !) des diverses préoccupations des joueurs et joueuses. Ce qui soulage chacun(e) des siennes. À partir de là des amitiés naissent, voire des amours. Dans ce contexte le bienfait psychique comme physique du sport n’est plus à dire : il remplace aisément les médicaments, voire les entretiens avec les spécialistes !
Je ne reviendrai pas, pour en avoir souvent parlé, sur les effets bénéfiques, voire thérapeutiques du jeu sportif. La conjonction d’une liberté d’initiative et d’invention, à l’intérieur de règles fixes et acceptées par tous, génère une joie intense, goulée d’air dans un quotidien saturé et instable.
Ces bienfaits ne sont pas seulement valables pour les malades comme le développe Patrick Schindler dans le bel article du Monde libertaire : « Bienfaits et complexité du sport dans les pathologies lourdes, mais pour tous ».
La régularité de l’activité est pour les « bien-portants » aussi un exercice de volonté qui maintient la tête hors de l’eau.
Débordant complètement la catégorisation des âges et de genre, je puis témoigner que ces heures passées dans les gymnases avec hommes et femmes de toutes générations et professions comptent parmi les plus heureuses de ma vie actuelle.

Marie-Claire Calmus




1. Notamment Propos sur le corps (éditions Editinter, 2001) et La Révolution par morceaux (éditions Editinter, 2002). Signalons aussi sur le sujet Tête de mêlée de Jean Bernier (éditions Acratie, 2014).



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


comifo

le 9 octobre 2014
Au secours!! Que lis-je? La pratique féminine de la boxe est un encouragement?!! Le sport est une école d'ouverture?!! Vous n'avez trouvé que ça comme place de la femme dans notre société?
Le sport même de loisir comme vous semblez l'appeler pour minimiser les dégâts dans notre société est profondément inégalitaire, c'est même sont but. S'il était égalitaire alors il serait mixte et accueillerait même les handicapés au sein d'une même équipe. Depuis la cour d'école et son fameux "chou-fleur" pour organiser les équipes jusqu'aux sélectionneurs des équipes de France, son but est de garder les meilleurs et de mettre sur la touche les plus faibles.
C'est pour cela que les handicapés n'ont rien à faire dans le monde du sport car ils sont déjà victimes de ségrégations (comme les femmes ) et mises à l'écart dans notre société. Rentrer dans le sport c'est à leur tour mettre à l'écart d'autres handicapés. Autrement dit faire aux autres ce qu'ils subissent eux-même tous les jours.
Non, le sport ne sera jamais un lieu de solidarité quoiqu'en dise le discours ambiant bien rôdé mais un lieu de destruction et d'élimination de l'autre