Luigi Fabbri : communiste anarchiste italien (1877-1935)

mis en ligne le 19 juin 2014
1745FabbriL’œuvre de l’anarchiste italien Luigi Fabbri (1877-1935) est aujourd’hui encore très méconnue des militants anarchistes. Pourtant, ses analyses de l’action syndicale, du rôle de l’organisation anarchiste et du phénomène fasciste dès son début sont d’une pertinence sans équivoque. Ami très proche de Malatesta, il a précisera de nombreuses fois sa pensée et même se démarquera de son camarade lors des débats du mouvement anarchiste concernant l’action syndicale, l’organisation ou les alliances antifascistes. De son propre aveu militant intellectuel privilégiant la propagande écrite plus que l’agitation insurrectionnelle, il ne tombera cependant jamais dans le fatalisme qui a conduit bien des anarchistes à abandonner la lutte contre le fascisme, perchés dans une tour d’ivoire. Si l’œuvre de Luigi Fabbri fait inévitablement partie du passé, sa diffusion active aujourd’hui dans le mouvement anarchiste reste cruciale tant les perspectives qu’il a déduite de ses analyses s’adaptent presque parfaitement aux enjeux de notre époque.

Dans l’ombre de Malatesta
C’est à vingt ans, en 1897 que Fabbri rencontre Malatesta, par hasard, ce qui marque le début d’un parcours commun presque symbiotique. La posture d’intellectuel de Fabbri face à celle de l’internationaliste de tous les combats lui vaudra d’être bien moins écouté et attendu et que son mentor. Plus encore, plusieurs militants anarchistes seront déçus de rencontrer physiquement Fabbri, espérant voir un plus jeune Malatesta. Cela s’explique par ses positions politiques clairement communistes anarchistes et insurrectionnelles, qui ne laissent pas imaginer un caractère timide, consensuel peu adapté aux tribunes des grands orateurs. C’est cependant cette différence fondamentale avec Malatesta, qui l’engagera à préciser une pensée vulgarisée, pour la prolonger et la modifier. En ce sens, sans rejoindre Monatte et les syndicalistes révolutionnaires pour qui le syndicat est une fin en soin, Fabbri analysera comme décisive l’action syndicale. Pour lui, c’est même elle qui doit servir de base pour élaborer les stratégies de l’organisation anarchiste. S’articulant l’une et l’autre comme deux jambes, aucune ne constitue une priorité, et c’est bien la construction d’un programme anarchiste en cohérence avec l’état du mouvement ouvrier qui s’impose. Mais malgré des une implication forte à rechercher des consensus pour l’unité anarchiste, il sera trop souvent vu comme une annexe à la pensée de Malatesta alors qu’il apportait des clés décisives lors de confrontations qui semblaient sans issue.

L’organisation pour l’anarchie, l’anarchie contre le fascisme
Fervent partisan de l’organisation spécifique, Fabbri tentera toute sa vie d’obtenir l’unité anarchiste. C’est dans ce sens qu’il participera à la fondation de l’UAI (Union anarchiste italienne) en 1919 ainsi qu’à l’élaboration de son programme.
Il voit dans l’organisation la construction des moyens pour arriver à la fin et se montre très virulent à l’égard des individualistes anti-organisationnels qui voient dans l’UAI un organe autoritaire incapable de mener à l’anarchie. C’est cette attitude qui conduira une partie d’entre eux à minimiser, après encore le marche sur Rome, le problème fasciste voire à refuser de lutter contre les fascistes qui ne seraient pas pires que les socialistes autoritaires ou réformistes. Fabbri se gardera de s’engager sur cette voie, et placera même l’organisation anarchiste en première ligne pour organiser la solidarité face aux violences et à la répression du pouvoir fasciste, et maintenir vivante la lutte révolutionnaire anarchiste qui ne sauraient se subordonner à la lutte antifasciste sans perdre son identité fondamentale. En effet, l’anarchisme entendue comme la lutte contre toutes les oppressions, est par essence l’ennemi éternel du fascisme qui tend à perfectionner encore et toujours la coercition par l’appareil étatique.
C’est dans La Contre-Révolution préventive en 1920 que se développera son analyse du fascisme, et c’est très certainement cet ouvrage qui révèle le mieux la formidable perspicacité de Luigi Fabbri.

Paul
Groupe Regard noir de la Fédération anarchiste



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


luca

le 12 juin 2015
ralbol, de ce radotage contre les "individualistes anti-organisationnels", qui amène Paul à énoncer : "C’est cette attitude qui conduira une partie d’entre eux à minimiser, après encore le marche sur Rome, le problème fasciste voire à refuser de lutter contre les fascistes qui ne seraient pas pires que les socialistes autoritaires ou réformistes" ; on aura noté au passage le futur de l'indicatif -"conduira", sic- qui confère au propos un ton de prophétique imbécilité. L'ennui -pour Paul : est que si vraiment on veut raisonner au futur alors c'est souvent un engagement syndical antérieur qui en amènera plus d'un à faire partie des cadres du fascisme, sur le terrain (comme le pressentait déjà Fabbri). Et si on se contente de raisonner en temps réel on se doit de rappeler que la cécité face à l'ampleur du danger fasciste fut le fait de tous les courants ; et que ce furent parfois les militants les plus éprouvés, les plus organisés, qui -en raison même de tout ce qu'ils avaient subi depuis une vingtaine d'années- furent le plus enclins à ne voir dans le fascisme qu'une nouvelle... vague de réaction passagère.
Par ailleurs, Paul ne semble pas mieux renseigné sur Fabbri que sur les "individualistes anti-organisationnels". Et c'est à une présentation malhonnête de sa position qu'il se livre quand on sait que Fabbri fut tout aussi hostile que les autres camarades, à l'entreprise plateformiste, lorsque le problème se trouva posé.
A part ça rien à signaler.