Le premier tournoi de football à la mémoire d'Agustín Rueda

mis en ligne le 5 juin 2014
1743AgustinRuedaAgustín Rueda peut être considéré comme une des dernières victimes du franquisme : torturé à mort par la police dans la prison de Carabanchel (Madrid), il décède le 14 mars 1978. Aujourd’hui son village retrouve la mémoire.
Fils de mineur, il naît (en 1952) à Sallent dans la région de Huesca. À la fin de l’école primaire, Agustín travaille comme mécanicien dans un garage, puis une fabrique de textile et – en 1971- dans la compagnie minière de Sallent. En février 1972, il est licencié pour avoir participé activement à la grève des mineurs de sa ville. C’est à cette époque qu’il rejoint la CNT. Au chômage forcé (personne ne veut l’employer), il crée un club pour les jeunes de sa ville. Son objectif est de continuer son action politique et sociale à travers la culture et le football (son activité préférée comme pour les jeunes des quartiers populaires). Avec cette association, il mène des actions dans son quartier, organise des concerts, des conférences ou des tournois de foot sur des bases non élitistes et libertaires. Véritablement expulsé de la région par les autorités locales, le club sera interdit par la double action de la Guardia Civil et des élus locaux. Il rejoint Barcelone, et reprend rapidement des activités militantes. Agustín Rueda aide des déserteurs et insoumis à passer en France. Blacklisté aussi en Catalogne, il est obligé de s’exiler dans la région de Perpignan. A. Rueda rejoint les militants libertaires espagnols en exil. Il continue son action militante au sein de divers groupes libertaires et traverse plusieurs fois les Pyrénées clandestinement.
Après la mort de Franco, il retourne à Barcelone. Il est arrêté, début 1978, au prétexte qu’il appartiendrait à un groupe autonome « terroriste ». Agustín Rueda est embastillé à Barcelone, puis rapidement transféré à la prison de Gérone, au sein de laquelle il anime le COPEL (coordination des prisonniers espagnols en lutte). La justice l’envoie à la prison madrilène de Carabanchel (de triste réputation), Agustín – au sein du COPEL- lutte à la fois pour la libération des prisonniers issus de la période franquiste et développe à l’intérieur des prisons les luttes sociales qui agitent l’Espagne à l’extérieur. Début mars, un tunnel (d’évasion) est découvert. Le 13 mars, il est « interrogé » par la police au sein de la prison (en présence de deux médecins). Agustín meurt le 14 après avoir subi des sévices de toutes sortes. Malgré les demandes de sa sœur et de ses avocats, son corps sera immédiatement soustrait aux demandes d’autopsie.
1978 en Espagne, c’est la transition « démocratique ». TOUS les partis et syndicats ont conclu un accord : le pacte de la Moncloa ! On efface tout depuis 1936 et surtout, « on » se partage le gâteau économique et financier issu de la future intégration du pays à l’Union européenne. C’était sans compter sur les libertaires, les Basques et surtout le peuple espagnol qui avait soif de justice sociale et de liberté. Dès lors, les meetings de la CNT réunissent des milliers de personnes. Les libertaires mènent (et gagnent) les combats sociaux dans les grandes entreprises et les centres urbains. Dans de nombreuses grandes entreprises, la CNT gagne les premières élections syndicales libres. Le pouvoir et la gauche prennent peur. Il se met en œuvre alors une stratégie de provocation violente afin de justifier la répression, la stigmatisation du mouvement libertaire et tous ceux qui refusent les règles du libéralisme économique et politique. L’affaire la plus emblématique de cette période (en dehors de l’assassinat d’Agustín) est l’attentat de la salle de spectacles la Scala (février 1978) ou encore l’emprisonnement (pour terrorisme) des camarades de la CNT de chez « Michelin » à Vitoria (1980).
En 1978, tout est permis aux forces de répression issues du franquisme car le « délit » de torture n’est pas reconnu par l’Espagne post-franquiste. Il fallut de nombreuses actions, pour que les plaintes déposées contre le directeur de la prison, les deux médecins et les policiers responsables de la mort d’A. Rueda soient prises en compte… en 1988.
Aujourd’hui la lutte pour la réhabilitation des hommes et des femmes qui combattirent le régime de Franco (même après sa mort) n’est pas finie. C’est un axe de lutte important pour tous les anarchistes d’Espagne. Le 19 juin 2013, le comité de soutien à Agustín à donc initié le premier tournoi de foot à sa mémoire et afin de continuer l’œuvre qu’il impulsa dans les années 1970 : l’action sociale à travers le foot, la musique et les débats.