Qui a dit que la gourmandise était un vilain défaut ?

mis en ligne le 22 mai 2014
1742laconquetedupainLa Conquête du pain est, telle qu’elle se présente, « une boulangerie coopérative bio autogérée à Montreuil ».
Adepte des tarifs sociaux et des sandwichs nommés Malatesta ou Bakounine, l’équipe nous propose le 22 juin de partir à la rencontre d’autres pays via son exposition Pains du monde, une exposition de pochoirs sur pain. La Conquête du pain y présentera une quinzaine de recettes (une par pays choisi), et sur chaque pain sera peint une petite œuvre d’art par l’artiste SO, elle même vendeuse à la Conquête du pain.
Intriguée par cette annonce, votre reporter pour le Monde libertaire est parti à la rencontre de l’artiste et vous livre son interview.

Quand et comment est née cette idée de pochoirs sur pain ?
SO : Il y a environ six mois, Pierre (boulanger à la Conquête du pain et membre du groupe étoile noire de la Fédération anarchiste) et moi cherchions une idée pour lier nos deux techniques, boulangère et artistique. C’est alors que nous est venue cette idée de pochoirs sur pain. Nous avons donc présenté cette idée à l’équipe de la boulangerie qui s’est aussitôt impliquée dans le projet. J’ai ressenti directement une émulation au niveau de l’équipe.

Pourquoi des « pains du monde » ?
SO : Pour deux raisons. Faire des « pains du monde » c’est pouvoir inclure toute l’équipe de la Conquête du pain dans ce projet. En effet, à la boulangerie, nous avons des camarades d’origines et de nationalités variées, aussi bien écossais, portugais que tsiganes. Chacun et chacune ont participé à l’élaboration des recettes et au choix des pochoirs réalisés dessus. Il s’agit d’un travail collectif.
De plus, faire des « pains du monde » nous permet de lier un projet artistique à un projet militant. Chaque pain sera accompagné d’un texte expliquant l’histoire et les luttes du pays. Nous avons notamment réalisé un pain syrien pour lequel j’ai fait le choix de «pochoiriser» une femme voilée, son visage dans les mains, pleurant. Il était important et incontournable de parler de cette révolution avortée. Ce sujet me touche particulièrement, ma famille paternelle étant syrienne…

Nous avons parlé des pains et de l’exposition, mais je me demandais, SO, quand as-tu commencé à faire des pochoirs ?
SO : Amatrice de street art, j’ai commencé par réaliser des photographies d’art de rue et humanistes. Ce que j’aime c’est capter les émotions chez les personnes. Il y a cinq ans j’ai rencontré un «pochoiriste» qui m’a appris les bases de cet art et depuis je n’ai plus lâché ma bombe -rires-.
Je réalise des pochoirs militants et thématiques, et j’ai déjà exposé plusieurs fois, notamment à Publico il y a un an.

Pourrais-tu me parler plus précisément de ta technique des pochoirs et m’expliquer comment tu l’as adaptée pour réaliser ces œuvres d’art gourmandes ?
SO : Alors, pour réaliser des pochoirs, je choisis une photographie que j’ai ou non réalisée (ma photothèque n’est pas encore assez garnie pour piocher uniquement dans mes réalisations), puis je l’adapte via photoshop pour visualiser le rendu. Quand j’arrive à celui souhaité, je passe à la découpe des matrices. Une matrice est le carton découpé sur lequel je vaporise la bombe, imprimant ainsi les zones vidées de matière. J’utilise en général plusieurs matrices pour réaliser un pochoir, afin d’obtenir des dégradés de couleurs. Grâce à ce procédé je peux obtenir des reliefs et des effets d’ombre sur l’œuvre finie. La technique du pochoir n’est pas en ce sens très éloignée de la technique de la photographie. Quand je fais des pochoirs en noir et blanc, les dégradés de gris sont les mêmes que sur des photographies en noir et blanc.
Pour ce qui est de l’adaptation, cela a été une galère pas possible au début. Mais à force d’essayer j’ai retenu deux techniques. Pour les pochoirs en couleurs j’utilise des colorants alimentaires biologiques injectés dans un aérographe. Grâce à un procédé de compression un jet d’air est envoyé dans la buse et l’on obtient un jet de couleur que je projette sur les matrices. C’est une technique très agréable et le rendu est proche de celui de la bombe aérosol (bombe utilisée dans le street art). Les pochoirs se réalisent sur pain cuit.
La seconde technique que j’ai retenue consiste à saupoudrer de la farine sur les matrices juste avant la cuisson du pain.

Dernière question, as-tu un moment particulier de cette aventure dont tu voudrais nous parler ?
SO : Un épisode m’a particulièrement touchée. Un apprenti malien travaille avec nous. Or il n’y a pas de recette de pain particulière au Mali, vu qu’il n’y a pas de pain ! Aussi, nous sommes allés voir une restauratrice malienne de Montreuil afin de lui demander des conseils. Une fois le pain et le pochoir réalisés nous sommes retournés la voir pour lui montrer. Elle était extrêmement contente et fière du résultat et nous a même proposé de travailler avec elle afin d’avoir des « pains décorés » à servir lors d’occasions spéciales. C’est vraiment chouette d’avoir un retour aussi positif sur notre boulot et d’avoir pu rencontrer des personnes aussi attachantes.

Après cette interview et au vu des pochoirs réalisés par SO, il ne me reste pas l’ombre d’un doute sur la portée artistique de son travail, qu’elle arrive à lier au militantisme. Aussi, chers lecteurs, chères lectrices, je vous invite grandement à vous rendre à cette exposition !



Bertille Samie
Groupe Salvador-Seguí de la Fédération anarchiste




Pour plus d’info :
https ://www.facebook.com/laconquetedupain?fref=nf
https ://www.facebook.com/sorayaphoto?fref=t
Pains du monde, une exposition de pochoirs sur pain
Dimanche 22 juin de 15 heures à 20 heures.
47, rue de la Beaune – Montreuil.
Métro ligne 9/Croix-de-Chavaux