Les redoutés de La Redoute

mis en ligne le 14 novembre 2013
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Le 4 novembre 2013, le Comité de rédaction du Monde libertaire me demandait un article sur le conflit opposant les salariés de La Redoute à leur direction, car je vis dans la même région. Bien que n’étant pas en contact avec les salariés concernés, en bon syndicaliste (révolutionnaire), je me tiens informé de ce qui se passe dans mon union départementale CGT du Nord par le biais de la newsletter, qui reprend tous les communiqués du syndicat CGT La Redoute. La mobilisation de ces salariés et syndicalistes y tient une place non négligeable. Petit retour chronologique.

Du 14 au 15 octobre
L’intersyndicale CGT, CFE-CGC, CFDT, SUD appelle à un rassemblement des salariés face au refus de la direction de communiquer le bilan prévisionnel et la stratégie de l’entreprise pour l’année à l’avenir. Les syndicats ne sont pas dupes face à Kering, nouveau nom de la holding Pinault-Printemps-Redoute, qui cherche un repreneur et veut mettre en place un plan social pour vendre plus facilement La Redoute, celle-ci n’étant plus en cohérence avec la stratégie du nouveau groupe, lequel veut se concentrer sur « le luxe et l’équipement sport & lifestyle » 1.
Une assemblée générale a lieu avec les salariés du siège à Roubaix. Un communiqué de presse est pondu dans la foulée pour alerter l’opinion. Les salariés veulent des garanties. « Le principe d’organiser des actions a été adopté par les salariés présents. » Le lendemain, se tient une assemblée générale du site industriel de Wattrelos.

Le 18 octobre
« Manifestation mardi 22 octobre 2013 du site industriel de la martinoire à Wattrelos au siège de la Redoute à Roubaix », peut-on lire dans le communiqué de l’intersyndicale. « Lors de la réunion du 11 octobre, le représentant de Kering nous a confirmé que La Redoute serait cédée pour l’euro symbolique après recapitalisation de plusieurs centaines de millions d’euros par Kering. Il est donc nécessaire que Pinault finance de réelles garanties pour tous. Nous appelons l’ensemble des salariés de la Redoute (centres d’appels compris) à débrayer le temps de l’action. »

Le 22 octobre
La manifestation fait parler des « redoutes ». Les Échos, le 23 octobre, en précisent les revendications par le biais des délégués interrogés : « ‟Nous voulons un fonds de garantie qui assure nos revenus pour les dix années à venir quel que soit le repreneurˮ, explique Jean-Christophe Leroy de la CGT. ‟Nous recommencerons si rien ne sort lors de la prochaine réunion qui aura lieu le 29 octobre.ˮ Et ce ne sont pas les 300 millions d’euros que Kering semble être prêt à réinjecter dans l’entreprise pour la recapitaliser qui les rassurent. ‟Qu’est-ce qui nous prouve que cet argent ne va pas être dilapidé en quelques mois, comme on l’a vu dans d’autres cas de reprise, comme chez Samsonite ?ˮ interroge Jean-Christophe Leroy. ‟Nous ne voulons pas d’un chèque pour partir, mais une garantie de salaire pour l’avenirˮ, ajoute-t-il. ‟Et pas des garanties sociales au rabaisˮ, renchérit Thierry Bertin, du syndicat SUD. »

Le 26 octobre
Un nouvel appel est lancé. « Pour tous les salariés de l’entreprise, mardi 29 octobre, débrayage à partir de 11 heures. » La décision est votée en assemblée générale majoritaire. De 10 heures à 13 heures, une réunion est prévue avec Kering. C’est donc le moment choisi pour recommencer.

Le 29 octobre
Après la réunion, des chiffres peu précis tombent. Le plan social prévoirait 700 suppressions de postes, soit plus de 20 % de l’effectif. Les syndicats comprennent que Kering tait un maximum de données sur la reprise et craignent que les licenciements soient les variables d’ajustement des négociations commencées en été par Kering. Les noms d’Altarea Cogedim et OpCapita sont publiés par le magazine Challenge comme repreneur potentiel.

Le 1er octobre
La deuxième assemblée générale du site de Wattrelos entend tout faire « pour protester contre le chantage au plan social pour une reprise de l’entreprise » et « répète son action en montant à chaque fois d’un cran ». « Si François Henri Pinault prétend que l’entreprise est obsolète, il a largement contribué à cette situation puisqu’il dirige La Redoute depuis vingt ans et qu’il a été incapable de prendre le virage numérique », se termine le communiqué. La date du jeudi 7 novembre est arrêtée pour une prochaine journée de manifestation.

Le 7 novembre
1 200 salariés et soutiens manifestent à Lille. L’information est largement relayée dans les médias.

Quelques interrogations
Pourquoi les salariés et syndicats n’ont-ils pas opté pour une grève reconductible face à une telle offensive qui n’était pas la première dans le groupe ? Les salariés sont-ils résignés ? Il semble que non, car les manifestants sont de plus en plus nombreux. L’intersyndicale aurait-elle du mal à s’entendre sur la nécessité d’une action d’envergure supérieure ? Les propos de la maire de Lille au sujet de Pinault et son manque d’investissement ont largement été relayés dans la presse. Mais nulle trace à l’UD-CGT 59. Un des communiqués souligne en revanche « le soutien des élus communistes de Roubaix et Wattrelos ». Quels liens sont entretenus ou rompus avec les organisations politiques ? La stratégie de communication avec manifestation semble avoir marché. D’autres types d’actions sont-ils prévus ?

Nathan
Groupe Salvador-Seguí de la Fédération anarchiste





1. « De PPR à Kering : le récit d’une transformation », Les Échos, 26 mars 2013.