Douce France, tes emblèmes foutent le camp !

mis en ligne le 7 novembre 2013
1720BanksyLiberté-égalité-sécurité ! C’est le triptyque qui servait de base à la République drivée par le grand républicain connu sous le patronyme de Nicolas Sarkozy. À sa suite, des traine-lattes comme Brice Hortefeux, puis Claude Guéant, ne manquaient jamais de rappeler qu’avec l’aide de leur police ils étaient les garants d’une démocratie bien tempérée.

La sécurité, valeur de gauche ?
Sans trop de surprise, il n’y a pas vraiment de changement langagier lorsqu’on aborde le domaine de la sécurité. De même, les hommes à la nuque raide et à la mâchoire carrée chargés de défendre nos libertés fondamentales menacées par les hordes étrangères sont toujours disponibles dans les rangs du PS. Ainsi, le bon socialiste François Hollande protège son flanc droit par un Manuel Valls qui tient à faire savoir à tous les échos qu’il sera impitoyable avec les déviants de l’ordre public. Ce citoyen, Français à l’excès, comme peut l’être Nicolas Sarkozy, a repris le refrain de Lionel Jospin et de Jean-Pierre Chevènement : « La sécurité est une valeur de gauche ! » Sans doute pour nous faire croire que la droite, de retour au pouvoir, pourrait être la porte ouverte à une certaine forme d’anarchie.
Droit dans ses bottes, Manuel Valls n’a pas tardé à réparer les dégâts causés par la RGPP (Révision générale des politiques publiques), qui avait pour objet de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite – mesure sarkozyenne frappant également les forces de l’ordre. Impossible de continuer à faire des économies budgétaires dans ce domaine, estimait immédiatement le nouveau premier flic de France. C’est pourquoi, depuis dix-huit mois, on recrute à nouveau, et les écoles de police commencent à refuser du monde. Socialiste ou pas, l’état se doit d’être respecté et il faut des uniformes bleus dans les rues de nos villes, dans les banlieues « sensibles » particulièrement.
Il n’en reste pas moins que, comme son prédécesseur, Manuel Valls ne néglige aucune possibilité pour maintenir l’ordre. Y compris en s’appuyant, si nécessaire, sur le secteur des sociétés privées de sécurité, qui comptent quelque 200 000 salariés. Peu importe que nombre de ceux-là soient recrutés dans les bas-fonds de la société : ils sont là pour faire peur. Le Monde, daté du 1er octobre 2013, nous rappelle ce constat du ministre de l’Intérieur socialiste, grand admirateur de Georges Clemenceau : « Il s’agit d’un levier considérable d’action sur lequel on peut jouer, sans verser dans la confusion des genres, ni la dilution du service public. »
De la même façon, le petit Bonaparte de la place Beauvau tient les polices municipales en très haute estime puisque, par un décret du 18 septembre 2013, il autorisait les « municipaux » à utiliser les gaz lacrymogènes, leur permettant, comme les grands de la police nationale, d’arroser leurs contemporains des excellents cocktails ayant pour finalité de faire pleurer les contestataires et les réfractaires à l’ordre public.

Le meilleur héritier de Nicolas Sarkozy
Partant de cette volonté de faire interagir police nationale, police municipale et polices privées, comment ne pas suggérer à Manuel Valls de faire bénéficier les polices municipales de ces indispensables flash-balls qui ont pour capacité de rendre borgnes ceux qui sont touchés à la face, et à bout portant, par des projectiles dont on nous assure qu’ils ne portent pas atteinte à l’intégrité physique de ceux qui servent de cibles. Dans cet ordre d’idée, le numéro du 15 octobre du bulletin Que fait la police ? conseillait au ministre de l’Intérieur d’autoriser la dotation aux vaillantes polices municipales de cette arme à impulsion électrique connue sous l’appellation Taser. En effet, pourquoi ne pas faire bénéficier les héritiers des gardes champêtres de jadis des dernières innovations en matière de progrès répressif ? Pourquoi pas, en effet, puisque l’on nous assure également que cette arme de dissuasion serait « non létale » ?
Une certitude. Bien qu’il s’en défende avec force, Manuel Valls est certainement le meilleur héritier moral qu’aurait pu souhaiter Nicolas Sarkozy en cas de défaite. Le constat ne fait pas de doute : qui mieux que notre actuel ministre de l’Intérieur aurait pu s’attacher à faire appliquer à la lettre les consignes de l’innommable discours xénophobe de Grenoble, du 30 juillet 2010, lorsque le président des riches exhalait sa haine des étrangers non choisis par ses soins. Ayant pris le relais, Manuel Valls, s’appuyant sur un pseudo-discours républicain, fait en sorte qu’il ne se passe pas de semaine, sinon de jour, sans qu’un campement de Roms soit démantelé et les occupants priés d’aller voir ailleurs si notre ministre de l’Intérieur s’y trouve.
Si l’on a le mauvais goût de s’indigner contre cette volonté de faire place nette dans nos terrains vagues privés de prises d’eau et sans accès à l’électricité, voire le long des voies ferrées, le ministre des non-droits de l’homme monte sur ses grands chevaux et claironne, comme il le faisait le 26 septembre 2013, sur BFM-TV : « Les évacuations de campements illicites de Roms se poursuivront. Les démantèlements sont un impératif, notamment pour lutter contre les phénomènes délinquants et mafieux, les trafics, l’exploitation de la misère qui s’y greffent… » Comme il faut être moderne, le ministre n’évoque pas les traditionnels voleurs de poules.

La « vocation » à rester au pays de la liberté
Tout comme Lionel Jospin qui, en 2002, tentait d’expliquer, très « pédagogiquement », aux sans-papiers qu’ils n’avaient pas vocation à rester en France, Manuel Valls, en 2013, utilise les mêmes mots. C’est pourtant un peu plus brutalement qu’il s’adresse aux Roms à qui il indique la porte de sortie du territoire national, en s’excusant auprès de ses collègues ministres d’avoir emprunté un vocabulaire peut-être un peu moins arrogant que l’ancien vibrion de la place Beauvau, mais il est tout aussi répressif dans sa finalité et tout autant sinistrement efficace. Pourtant, malgré ses gesticulations médiatiques, il n’en reste pas moins que ses victimes roms partent un peu plus loin, après avoir été expulsées, et tentent de reconstruire à nouveau un pauvre habitat constitué de tôles ondulées rouillées et de vieux cartons. Dans le même temps, les enfants de ces familles, qui ont été scolarisés, ne le sont plus alors que les lois de la République obligent les parents à les envoyer à l’école. C’est encore Le Monde qui rappelait récemment que, le 2 octobre 2013, le tribunal de Bobigny avait été saisi par une demande d’expulsion visant 600 Roms installés à Saint-Ouen (93), tous venant de campements démantelés par la police, à Bobigny, à Saint-Denis ou dans le département voisin du Val-d’Oise.
Question posée à Manuel Valls : combien faudra-t-il de CRS et de gendarmes mobiles pour « évacuer » et peut-être expulser les 11 700 Roms en survie dans les 153 bidonvilles installés en île-de-France. Sans négliger que ces parias, venus de Roumanie et de Bulgarie, sont quelque 20 000 à errer à travers le pays de la liberté.
Notre ministre de l’Intérieur, tellement épris des grands principes d’un pays qu’il a choisi pour le servir, permettra à un fils d’immigré, livré aux nazis par les policiers de ce pays, de lui rappeler que, même s’il ne peut être question de comparer la répression raciale des années noires avec l’actuelle volonté d’éloigner des parias mal venus, il n’en reste pas moins cette haine de l’étranger que l’on définit par un simple mot : xénophobie ! Le plus triste, c’est encore cette incompréhension stupide de Manuel Valls et de ses amis, ne faisant que renforcer, tout à la fois, la droite et l’extrême-droite qui ne cesseront de lui rappeler : peut mieux faire…