Il y a une alternative (Enterrons Thatcher)

mis en ligne le 23 mai 2013
C’est une fin de réunion, de meeting révolutionnaire. Il y a trente ans ou l’année passée. Et les gens du public posent des questions : « C’est bien beau vos idées de virer le capitalisme, mais vous allez mettre quoi à la place ? Comment ça va être organisé si c’est plus le profit qui dirige ? Etc. » Ah ! Les questions sur la société idéale… et les sourires complices des militants qui la connaissent la question, depuis le temps ! Et toujours les mêmes réponses, généreusement générales. Les militants qui ont le plus de bagout, de bouteille, de naïveté ou de certitudes occupent « le champ des réponses » avec du possible, presque aussi bien que des VRP. Le gars du public pense qu’ils lui font un beau numéro de langue de bois, mais il ne le dira pas, pour pas se fâcher… Lorsqu’il réclame du concret sur les inégalités, la monnaie, les capitaux, l’organisation de l’économie, etc., on lui répondra, selon qu’on soit trotskyste ou anarchiste, avec les éléments positifs de l’état ouvrier soviétique (ou ce que cela aurait pu être, si…) ou des exemples de coopératives, d’expériences autogestionnaires, de monnaies sociales dont il n’a jamais entendu parler. Souvent aussi, la soirée se terminera, s’il insiste et veut des précisions, avec un « De toute façon, après la révolution, ce sont les gens qui décideront, on ne peut pas le faire à leur place… » Argument éthiquement sympathique, mais aussi façon de botter en touche.
En sortant, le gars pense qu’ils parlent bien, qu’ils sont forts pour critiquer, qu’ils ont humainement raison mais que, question projet, y a pas grand-chose de sérieux… 1
Pourtant, a-t-on aujourd’hui les moyens de proposer une alternative anticapitaliste à l’échelle de la société qui s’appuie sur des fondements économiques présents et déjà performants ? ; qui attaque la domination du discours libéral sur la pensée ? ; qui permette de reprendre l’offensive à la fois intellectuellement et dans les luttes ? ; qui permette, dans les combats à venir, d’associer bien plus largement que les différents groupes, syndicats, partis et chapelles ? ; qui dépasse ses frontières partisanes et regroupe les aspirations de la majorité des couches sociales en leur permettant de mieux vivre ?
Il y a une alternative, avec un secteur non marchand déjà existant (le salaire socialisé des caisses de Sécurité sociale) qui, par tous les moyens politiques et mouvements sociaux, doit continuer sa croissance, s’étendre, puis devenir hégémonique face à la propriété lucrative.
Secteur non marchand qui ôterait aux capitalistes les pouvoirs qu’on leur attribue : la « dette », les diktats des actionnaires et fonds de pension, leur pouvoir de placer ou non des capitaux là où bon leur semble, leur droit de vie ou de mort sur des régions entières, le chantage à l’emploi et le pillage sous forme de subventions de l’argent collectif ; qui permettrait ainsi de soigner la schizophrénie des militants anticapitalistes à la recherche de repreneurs capitalistes…
Une alternative qui propose un salaire universel, selon qualification, à vie ; la fin de la propriété lucrative pour le remplacer par la propriété d’usage ; mais qui ne supprime pas la libre association et l’esprit d’entreprise ; qui annule la dette, vol caractérisé des banquiers et usuriers ; et crée une caisse d’investissements alimentée par nos cotisations.
Une alternative dans laquelle, comme dans toute société, se pose et se règle le problème d’attribution de valeur économique aux activités humaines. Et qui pourrait donc, exemples parmi d’autres, estimer « inqualifiable » l’art de la manipulation publicitaire ou la production d’objets nuisibles à la santé. Une société autogérée par les producteurs de richesses eux-mêmes, les travailleurs.
Une alternative, on le voit, qui permette de fédérer beaucoup des combats actuels, qui oblige à clarifier (à travailler !) nos conceptions du travail, du salaire, à établir et maîtriser des contre-discours de l’économie, à faire l’effort d’œuvrer collectif et à mettre en avant les intérêts d’une classe, pas d’une boutique. Une alternative qui revivifie le syndicalisme, l’anticapitalisme, toutes les luttes sociales et laisse le champ libre à toute expérimentation. Une telle alternative existe-t-elle ? Oui. à charge pour tout groupe ou individu qui se donne pour objectif de changer la société de s’y confronter et d’émettre des arguments critiques. De toute façon, cela ne pourrait qu’élever le débat politique, clarifier les positions de beaucoup et dénoncer les postures postiches.



1. Lisez Bernard Friot, L’Enjeu des salaires, L’Enjeu des retraites, Puissance du salariat.