PSA : le pourrissement

mis en ligne le 9 mai 2013
1705BethLa lutte s’enlise dans un engourdissement fatal. Tourne en rond comme un éternel retour à briser. Mêmes actions proposées à l’infini, d’une semaine à l’autre jusqu’à épuisement définitif des stocks. Plus les jours s’accumulent, plus la place de la grève devient place de grève. Les treize semaines se sont écoulées au rythme de farandoles grotesques, de danses macabres, de rigodons dérisoires… Un exemple musical de mes dires : le 9 avril, la manif est filmée au son des pétards accompagnant le cortège des grévistes. Ses bruits assourdissants, espacés, évoquent le début du final de la dixième symphonie de Mahler. Leur boum brutal ponctue le passage du cortège. Pour vous situer le contexte, n’hésitez pas à écouter le passage de ce monument musical…
Indéniable : le 18 mars, sans l’apport de forces militantes extérieures, les pneus n’auraient jamais brûlé avenue de la Grande-Armée, à Paris. Refoulés par les CRS-SS qu’ils auraient été, les grévistes de PSA. À part ça, les militants de Lutte ouvrière se permettent de dire d’un ton sentencieux : « Quand vous dirigerez des mouvements, vous pourrez faire la leçon aux ouvriers ! » Avec leur sectarisme assassin, ils n’arrivent pas à voir que, sans apport de militants de tout horizon, la grève est plus que carbonisée…
Lutte ouvrière essaie de nous faire reprendre le travail, mais sans le dire clairement, histoire de garder son prestige. Les sessions de téléphone entre la direction et Mercier pour négocier la reprise se multiplient : la reprise pourrait se faire contre l’annulation de tous les licenciements ! Rien qu’évoquer ça en AG tous les jours suffit à faire entrevoir, de manière déguisée, la fin du mouvement aux grévistes.
Pas dupes qu’ils sont, certains des ouvriers en lutte. Ils prennent la parole pour mettre fin à toute velléité de reprise : « Jusqu’au bout, jusqu’au bout ! Hors de question de reprendre le taf ! L’argent de la solidarité est là ! » La tentative d’une militante trotskiste d’asseoir l’autorité de Mercier à la tribune est arrêtée de manière paroxystique par un gréviste. Quand cette dernière se met à poser des questions au dirigeant comme une écolière, il assène : « Pas de chef ici ! » Le gréviste s'époumone : « Pour parler faut monter à la tribune ! » Il rappelle ceux qui, en 1936 et 1968, ont fait reprendre le travail aux grévistes en disant : « Le mouvement est suspendu ! » Le gréviste précise, à juste titre, ses raisonnements : « Une fois la machine arrêtée, elle ne redémarre plus ! Ceux qui stoppent ses rouages le savent très bien ! » Un problème pas minime : les militants de Lutte ouvrière savent très bien d’expérience que les hurluberlus qui vitupèrent se feront avoir à l’usure. Pour cela, ils utilisent les techniques de leurs maîtres staliniens. Les trotskistes vont voir un à un les grévistes pour leur signifier que le nombre d’ouvriers en lutte baisse toutes les semaines. Avec les dires de Mercier et Julien qui vont dans ce sens à la tribune, ils espèrent ainsi que l’appel à la reprise viendra de la base. Ainsi, leur honneur sera sauf…
Des chèques arrivent de partout : d’Autriche, de Chine, en plus de ceux de France. Ces soutiens donnent bien raison à ceux qui veulent continuer la grève à tout prix. Beaucoup d’ouvriers pouvant subir un sort similaire prennent espoir avec la lutte d’Aulnay. Son souffle porte loin : un gréviste indien est invité, tous frais payés, pour parler de la grève dans une télé de ce pays-continent.
Dans les coups d’éclats de ces derniers jours, le plus grand est, pas de doutes possibles, l’occupation du Medef. Elle a lieu le jour où la mère Parisot perd son trône sous ses larmes de femme chacal. Dans la soirée, le président Hollande passe à la télé. La boutade d’un gréviste une fois sorti du siège patronal : « Tous à l’allocution présidentielle ! » Cette vanne va sceller la suite des événements. Une véritable horde de gendarmes mobiles nous tombent dessus. Embarqués sans ménagement qu’on se trouve à une centaine…
Confirmation nous viendra une fois dans le panier à salades : l’ordre d’interpellation vient directement du Medef ! Avec ça, preuve est donnée que patronat et gouvernement marchent main dans la main : fallait pas entraver en plus la grande messe cathodique de Hollande ! L’intervention du président socialiste ne sera troublée que par l’extrême droite antipédérastique douteuse. Tout un programme… On voit bien l’unique opposition que recherche le gouvernement : refaire le coup de Mitterrand d’il y a trente ans en jouant avec la haine pour se dresser en rempart.
Voyant que c’est l’unique chance qui lui reste, il n’a que faire d’utiliser des calculs aussi dangereux. Pour que les nuits les plus noires ne reviennent pas ! Pas d’autres alternatives que barrer la route à tous ces politicards par une vague de grèves sans précédent ! Rien que pour ça, je n’ai pas envie que la grève d’Aulnay s’arrête ! Toutes les chances d’extension doivent être saisies ! Les mois qui viennent seront déterminants pour ne pas sombrer dans le XIXe siècle à grande vitesse ! Ceux qui aident la grève d’Aulnay l’ont bien compris !
Une fois tous sortis du commissariat, des ouvriers écœurés soldent définitivement leurs illusions électorales : « La droite et la gauche, c’est pareil, je ne voterai plus jamais ! »
Le lendemain, les médias causent de la fin du règne de la mère Parisot. L’allocution du président Hollande avec la manif des antipédérastiques douteux est plus que commentée… Pas un mot sur nos péripéties… Les journalards préfèrent évoquer le monde du travail avec le grotesque et le sordide d’une arnaque alimentaire qui touche les pauvres… Que deviendront les salariés de Spanghero ? L’engourdissement fatal de notre société est là ! Les médias en sont un de ses multiples miroirs !
Un corbeau finit déplumé après une de ses multiples vannes Carambar. Le charognard ne trouve rien de mieux que d’aller se moquer publiquement d’un opposant trotskiste. Il commente une photo de journal d’un ton sournois : « Le gros par terre embarqué par quatre gendarmes ! » Réplique cinglante du dissident : « Moi, je tiens toujours mes engagements ! » Par cette tirade, il lui rappelle bien comment Lutte ouvrière s’est alliée aux dernières municipales avec socialistes et staliniens contre des plats de lentilles de conseillers municipaux…
J’arrête là, pour cette semaine, le fil discontinu des événements d’Aulnay dans leur trivialité épique… La suite viendra prochainement. Deux blocs d’opposition au gouvernement se sont constitués : les ouvriers en lutte contre les anti-mariage douteux…

Silien Larios