Une musique pour réfléchir

mis en ligne le 18 avril 2013
1704HerveKriefPascal. Bonjour Hervé, pourquoi avoir choisi de travailler autour de l’œuvre de Prévert ?
Hervé Krief. Après voir lu sa bio par Yves Courrèges, j’ai été extrêmement sensible à l’engagement de Prévert, son côté anarchiste et près du peuple. Aussi je me suis dit que je pourrais faire découvrir cette face mal connue du poète. Et en même temps cela me permettait d’envisager mon nouveau spectacle sous un angle poétique et militant à la fois. Car je pense que les musiciens ne doivent pas se contenter de jouer de la musique, ils doivent permettre à tous ceux qui viennent les écouter de réfléchir sur ce monde injuste et destructeur pour entamer ensemble un processus créatif vers une nouvelle organisation du vivre ensemble.

P. On vous a vu jouer ce spectacle à Notre-Dame-des-Landes cet été, lors de la mobilisation contre le projet d’aéroport. C’était important pour vous d’y être
présent ?
H. K. Oui, très important car la lutte qui est menée là-bas est essentielle aujourd’hui. C’est un choix de société qui est en jeu et je veux exprimer mon soutien total aux personnes qui résistent bravement et magnifiquement là-bas. Nous voulons un autre monde, et c’est là-bas que cela commence, il me semble…

P. Pour toi, l’art et l’engagement sont donc conciliables ?
H. K. Indissociables, l’expression artistique n’a de sens, à mes yeux, que si elle s’inscrit dans un processus d’émancipation. Il faut que nous participions à un engagement vers de nouvelles alternatives pour construire un autre mode de pensée, de vivre ensemble, d’espace commun.

P. Tu participes également à une coopérative d’achat de quartier, tu veux bien nous en dire plus ?
H. K. L’Indépendante est une coopérative alimentaire, sociale et solidaire. C’est une
épicerie autogérée qui vend uniquement des produits secs. Elle se place donc en
complément des Amaps qui aujourd’hui offrent une grande variété de produits frais. L’Indépendante répond au besoin de prendre en charge nos choix en termes de nourriture. Cela signifie que nous voulons cesser de cautionner les agissements des multinationales de la chaîne agroalimentaire. Pour ce faire, nous achetons à de petits producteurs respectueux des écosystèmes, de la terre et d’une éthique sociale. Ceci peut se traduire ainsi en termes militants : nous avons décidé de ne plus donner notre argent aux grandes enseignes. L’argent étant devenu le centre névralgique de leur stratégie, c’est là qu’il faut agir.
Par ailleurs, L’Indépendante expérimente également une nouvelle forme de démocratie basée sur l’horizontalité, sans aucune hiérarchie et construite autour de l’idée du consensus. Nous refusons le vote et donc la mise en opposition d’une majorité et d’une minorité. Cette épicerie fonctionne enfin en autogestion, chaque membre apportant sa contribution afin de permettre un fonctionnement cohérent et efficace. Un système de solidarité interne a été également mis en place.

P. Des projets ?
H. K. Oui, un spectacle sur la vie de Robert Johnson et la suite de Prévert et Champs de révolte avec deux nouveaux poètes (rap et slam) extrêmement intéressants. Ils ont des textes très engagés, militants et poétiques à la fois !

P. Merci Hervé.


Entretien réalisé par Pascal
Animateur de l’émission blues de Radio Canut (Lyon)