Tectonique

mis en ligne le 18 avril 2013
Abonné depuis sa naissance à la revue politique Carré rouge, j’ai vu évoluer, au fil des années et des numéros les idées, les formulations et leurs auteurs. Du n° 48 particulièrement dense, j’extrais quelques passages qui marquent à mon sens un glissement de la part de militants et théoriciens toujours attachés au marxisme. Les lignes « partisanes » bougent. Si ce choix de citations vous paraît tendancieux, faites-vous votre opinion en allant sur leur site…
« […] Plus rien ne tient. Plus rien ne prend les voies “classiques” ni ne respecte plus les “schémas”, que nous avons longtemps tenus pour immuables, de la “lutte des classes” (qui, rassurez-vous, est plus que jamais le moteur de l’Histoire, mais d’une histoire désormais clairement dépouillée de son destin implacable de progrès), de la mobilisation de la “classe révolutionnaire”, de la direction que lui imprime “le” Parti.
» Destinataire étonné (et souvent désolé) de tracts et de résolutions de congrès révolutionnaires où je retrouve des slogans et des propositions d’actions comme copiés collés de très vieux tracts, je m’attends à tout instant à voir proposée une “manifestation centrale devant l’assemblée nationale” ou déclaré nécessaire un “gouvernement PS-PCF sans ministre bourgeois”. Ces messages, dans lesquels surnagent des bribes de phrases ou de mots qui rappellent vaguement Marx ou Engels, me font l’effet de ces lumières qui nous parviennent d’étoiles depuis longtemps éteintes.
» Nous avons tous été formés dans le pyramidal, “par en haut”, dans la conviction que la conquête du pouvoir d’État est seule susceptible de faire avancer les choses (et que l’Acteur historique, les grands bataillons de la “classe”, vont finir par déferler et mettre un peu d’ordre dans tout cela). Le léninisme ne nous en a pas dissuadés…
» Pour avoir été très longtemps membre actif d’un groupe politique (l’OCI) qui avait manifesté son mépris (ou sa franche opposition) aussi bien à l’expérience de Lip qu’à celle du Larzac, je sais trop de quelles foudres ces petites actions méprisables sont probablement les victimes chez les continuateurs de ce groupe et chez d’autres de leurs semblables. Pensez : ces “gens” (les activistes micrométriques) ne brandissent pas de “programme” ; ils ne mettent pas en avant “une formule gouvernementale”. Ils ne revendiquent pas le “pouvoir d’État”. Ils ne se posent même pas le problème de savoir s’ils sont “la classe ouvrière”.
» Car ces mouvements limités, ces solutions locales et provisoires n’ont par eux-mêmes rien de bien nouveau. On les a vu surgir en Espagne avec les communes rurales de 36 (que, pour ma part, je n’ai découvertes que grâce au film de Ken Loach, Land and freedom. Ce qui pose un terrible problème sur nos “lunettes d’avant-garde” d’alors…). » Yves Bonin.
« “Un autre monde possible”. Je ne partage pas le rejet de cette expression par certains. Elle préserve, fût-ce avec des mots très flous, au moins une partie de ce que le mot communisme contenait comme perspective pour beaucoup de gens, à savoir un monde différent de celui du capitalisme et de la barbarie impérialiste. Mais la cohérence avec cette perspective exige que dans le cas français, s’agissant des organisations politiques, on ne participe pas aux élections, à commencer par les élections présidentielles. » François Chesnais.
« Dans Changer le monde sans prendre le pouvoir, Holloway ne se contentait pas de critiquer radicalement l’État comme cristallisant un type de relation sociale capitaliste particulier. Il remettait en cause les institutions telles que les partis prétendant à l’exercice du pouvoir, leur fonctionnement hiérarchique et leur corpus idéologique tuant dans l’œuf les aspirations émancipatrices. Cela ne pouvait donc pas transporter de joie les admirateurs de Chavez, les nostalgiques de “l’État providence” voulant le faire renaître de ses cendres, ni les théoriciens de la LCR s’engageant dans la construction d’un Nouveau Parti anticapitaliste. » José Chatroussat.
On le voit, ça bouge ! Il faudrait être bien nigauds pour penser que nous, anarchistes, pourrons rester immobiles… Paradoxalement, à l’heure où des marxistes s’intéressent aux micrométriques expériences, il est temps pour nous de nous colleter avec le macro
économique.