Où l’homme, animal bipède, comprend ses origines et son parcours

mis en ligne le 21 mars 2013
Il n’est vraiment pas possible pour un journal comme le nôtre de laisser plus longtemps le silence s’abattre sur cet ouvrage sorti en mars 2011… Deux années perdues pour celles et ceux qui ne l’ont pas encore lu, j’imagine nombreux, trop nombreux.
L’auteur de l’émission maintenant bien connue de France Inter « Sur les épaules de Darwin », dont une première transcription « Sur Les battements du temps » est parue en 2012, nous propose ici un fabuleux ouvrage scientifique, mais aussi un voyage poétique et une réflexion sur la vie – et par là même sur notre existence.
Prenant pour socle à sa démarche les recherches et ouvrages de Charles Darwin (1809-1882), revenant sur les connaissances, les croyances et les certitudes de son époque, dans une écriture fluide, précise mais sans ostentation ni accumulation de termes trop compliqués, il peut être lu par chacun ; pas besoin d’avoir des connaissances pointues sur le sujet : Jean-Claude Ameisen nous les sert sur un plateau, prédigérées et mises en forme avec une élégance étonnante.
À partir de son voyage autour du monde sur le Beagle (1831-1836) et de ses nombreux travaux, Darwin va mettre en place toutes les données accumulées dans son livre princeps, L’Origine des espèces par le moyen de la sélection naturelle (1872) dont la parution est précipitée par la concurrence d’Alfred Wallace (1823- 1913) qui, par un autre biais, est arrivé à une conclusion analogue. Si Wallace n’a pas été retenu pour donner son nom à la théorie, c’est autant dû à la différence de position sociale de cet autodidacte qu’à un manque de théorisation et de globalité. Wallace continuera ses recherches mais se tournera vers la politique au profit de la lutte sociale puis vers le spiritisme.
De la démarche de Darwin à ses conclusions scientifiques, des différentes étapes aux conclusions provisoires de ce génie, nous sommes sans cesse transportés dans un voyage aux allers-retours incessants entre le travail de fourmi de Darwin et celui de ses continuateurs qui, petit à petit, ont contribué à conforter ses idées révolutionnaires, jusqu’à la compréhension de ce qui restait un mystère : la génétique, très tôt abordée par le moine botaniste Grégor Mendel (1822-1884) – dont Darwin avait reçu le compte rendu de recherche en allemand mais ne l’avait pas ouvert – et redécouverte au XXe siècle avec les chromosomes, l’ADN, sa double hélice (Crick et Watson, 1953) et ses bases.
Sans cesse renouvelée, la théorie de l’évolution, malgré quelques adaptations nécessaires du fait des découvertes postérieures, a tenu et tient bon contre vents et marées, toujours riches de questions nouvelles et de remaniements qui ne font toujours que la conforter. Aujourd’hui encore les études sur le comportement animal et humain, les recherches sur les émotions et les travaux sur la vie en société apportent leur eau au grand moulin de l’histoire de la vie, jusqu’à la nécessité de l’empathie dans les relations sociales interindividuelles, en particulier chez les oiseaux et les mammifères, caractéristique nécessaire à l’évolution de nos ancêtres préhumains et non conséquence de notre hominisation.
Ce livre démontre aussi les dérives du darwinisme social qui a fait tant de dégâts et dénonce le pseudo-scientisme de l’Intelligent Design qui voudrait nous faire croire qu’une intelligence supérieure a créé l’univers et la vie sur Terre dans le but de la création de l’Homme qui serait sa créature… Il nous faut combattre pied à pied les pourfendeurs qui se réclament de cette engeance, souvent soutenus par de gros financeurs réactionnaires et rétrogrades socialement.
« J’ai écrit ce livre avec l’intime conviction que la recherche scientifique peut contribuer à notre liberté. Qu’elle peut nous libérer des contraintes, des peurs, de la servitude de l’ignorance et des superstitions. Mais à la condition que nous veillions toujours à ne pas tomber dans le piège absurde d’en devenir prisonniers, et d’en faire d’autres prisonniers. À la condition de résister à cette pente si ancienne qui consiste à la mettre au service du mépris, de l’exclusion, de la déshumanisation. »
Faites de ce gros ouvrage votre livre de chevet et laissez-le vous accompagner dans tous les débats.

Serge Moulis