Chou rouge, tête noire et chapeau pointu, turlututu.

mis en ligne le 7 mars 2013
Extraits de courrier à mon attention : « Quel est cet étrange anarchiste qui semble s’identifier à des culs bénits royalistes ? Certes les républicains qui les ont réprimés n’y sont pas allés avec le dos de la cuillère (c’est le moins que l’on puisse dire !), mais eux-mêmes n’avaient-ils pas commis quelques massacres de leur côté ? Et au nom de quoi ? De Dieu et du Roi… Il ne s’agit évidemment pas d’applaudir aux terribles exactions perpétrées au cours de la répression des insurgés vendéens, de là à prendre, dans cette atroce guerre civile, le parti de ces derniers… […] Aujourd’hui, en 2012, on sympathise, dans un journal anarchiste, avec des contre-révolutionnaires : il y a comme un défaut… »
Sympathiser, c’est beaucoup, je n’ai personnellement pas connu de chouan, je tentais simplement d’illustrer un raisonnement courant qui tente de mettre dans le même sac écologie, conservatisme, arriération et croyances religieuses (ML n° 1684). Je pensais forcer un peu le trait. J’avais tort. J’en veux pour preuves deux autres extraits de courrier :
« L’écologisme a des racines avec la contre-révolution française, les contre-lumières (romantisme), le social-darwinisme (Haeckel), les naturalistes conservateurs et religieux. Intellectuellement et spirituellement, ce sont des curés. L’anarchisme n’a pas d’histoire commune avec l’écologisme. »
Et celui-ci qui me reproche d’« abandonner matérialisme, critique des religions ou des croyances, tout ce qui s’apparente à la science ou à la technologie pour garder l’écologisme et le gauchisme » (Mais où va-t-il chercher tout cela ?)
Et pour compliquer encore les choses : « Plusieurs députés UMP et la représentante du FN ont signé une proposition de loi à l’Assemblée nationale. L’objet : la reconnaissance du génocide vendéen de 1793 et 1794. » (Nouvel Obs du 24 janvier 2013)
Damned ! Si cela continue je vais devoir faire mon autocritique avec un chapeau pointu sur la tête… L’étau se resserre, il me faudra bientôt prouver que je ne suis pas un néofasciste ? Commençons par un élément très matérialiste et lutte de classes :
« Et, contrairement à toutes les promesses et toutes les espérances, les paysans ont vite compris que le nouvel impôt profitait aux plus favorisés, notables et bourgeois. Une étude réalisée sur la commune d’Anetz par Jean-Paul Lelu en établit le constat : cent huit contribuables en 1790 (ancienne capitation) pour moins de 3 livres voient, en 1791, leur imposition multipliée par 7,65 tandis que onze bourgeois et riches métayers imposés entrent 10 et 35 livres n’enregistrent qu’un coefficient 1,51 de hausse. En 1790, à Anetz, la majorité des imposés paie moins de 3 livres ; en 1791, elle atteint la tranche des 5 à 10 livres. Les rôles fiscaux ont intégré quarante et une personnes supplémentaires, jugées insolvables sous l’Ancien Régime. Les ventes des biens nationaux vont également susciter de vives rancœurs parmi le monde rural, qui constate qu’ils tombent tous dans l’escarcelle des bourgeois. À Nantes, les négriers profitent de l’aubaine révolutionnaire en emportant 70 % des enchères. Dans le pays d’Ancenis, la mise aux enchères des biens du clergé profite à la bourgeoisie locale, pas aux paysans. C’est Julien Gaudin, un industriel nantais, qui est le plus grand acquéreur. Viennent ensuite son beau-frère, Antoine Tourmeau, négociant en charbon et son neveu. » (pages 64-65 in Une blessure française de Pierre Péan).
Incroyable, non ? Ces culs-terreux cathos ne parlant peut-être même pas français avaient compris avant Karl Marx que, derrière les belles idées et la propagande de l’époque, cette révolution française était une révolution bourgeoise ! Ce qui est vrai aujourd’hui l’était déjà : souvent, derrière les mouvements religieux se cachent des luttes d’intérêts. Qu’il s’agisse de peuples opprimés, de groupes sociaux, de classes.
La bourgeoisie conquérante s’est opposée à l’Église, le temps de lui rafler ses richesses. Mais en 1802 déjà, le culte est restauré en France. L’opium du peuple…
Quels sont ces étranges anarchistes qui ne remettraient pas en cause les bases idéologiques du capitalisme ? La force d’une idéologie dominante, c’est justement de dominer les esprits, au-delà des membres de la classe dominante. C’est bien celle qui se propage dans les esprits de tous à des degrés divers, entre autres sur les bancs de l’école républicaine. Je peux reconnaître des aspects progressistes de la Révolution française, la mise à bas de l’Ancien Régime, le mètre étalon et plein d’autres choses encore sans forcément justifier les massacres en Vendée. « L’humanité ne se plaindra pas : c’est faire son bien que d’extirper le mal. » Ainsi Barrère justifiait-il « l’extermination de la race rebelle » vendéenne… Non vraiment, je ne veux rien avoir de commun avec l’irrationalité de tels arguments.