China or USA ?

mis en ligne le 20 décembre 2012
Les informations : novembre 2012/Élections aux États-Unis/Choix du nouveau dirigeant du Parti communiste chinois/Des images qui se succèdent à la télé : un quidam américain qui se scandalise de l’intervention croissante de l’État dans la vie des citoyens. Vu de « la France de gauche » : Un crétin de beauf américain ? Un libertarien attardé ? Un libéral apôtre du marché ? Puis les images de brigades de pompiers chargées de protéger les environs du congrès du Parti communiste chinois… en cas d’immolation. Et les poignées de vitres ôtées des taxis, la vente d’hélicoptères miniatures interdite, pour limiter les risques d’attentats. Et un Chinois qui dit : « L’État c’est le parti, le parti c’est l’État. » Vu de « la France de gauche », ça interpelle ?
La question simplette que je me posai soudain devant l’écran était : Si je devais y vivre, je choisirais quoi : Chine ou USA ? Quelques jours après, je tombe sur ces lignes de Jean-Claude Michéa dans La Double Pensée : « N’importe quel anarchiste trouvera toujours un État libéral de type européen plus acceptable humainement que la Corée de Kim Jong II ou le Cambodge de Pol Pot (on aimerait malheureusement pouvoir en dire autant de toutes les icônes présentes de l’anticapitalisme universitaire). » Évidemment, derrière la question simplette se profilent des réponses complexes, des lignes de fractures idéologiques, des positionnements individuels qui sont rarement le calque de ceux des partis ou des étiquettes affichées, forcément réductrices.
Cela fait quoi d’être plus en phase avec ses ennemis qu’avec ses alliés ? J’exagère à peine : dans un comité de lutte quelconque, dans mon syndicat, uni contre un gouvernement, me voilà coude à coude avec une camarade qui me vante Chavez, comme elle aurait pu en d’autres époques soutenir Castro ou Mao. Je frémis. Bien sûr Chavez n’est pas Mao (ne me faites pas dire ce que je n’ai pas pensé), mais l’élan admiratif, lui, est du même ordre…
Les corpus idéologiques qui constituent la vie politique actuelle sont, hormis les régressions religieuses et l’écologie, tous issus du XIXe siècle et de la révolution industrielle. Libéralisme, socialisme, anarchisme, communisme. Tous sont des interprétations, justifications, réactions ou oppositions à la mise en place du capitalisme, à la prolétarisation du monde et au pouvoir de la bourgeoisie. Elles sont à la fois opposées et complémentaires, car points de vue différents d’une même réalité. Certains corpus se recoupent. Aussi y trouve-t-on des points communs, réels ou apparents. Le rôle prépondérant de l’économie, dans le libéralisme comme dans le marxisme. L’opposition entre l’individu et l’État, dans le libéralisme et dans l’anarchisme. Mais la bourgeoisie n’a eu de cesse d’utiliser l’État pour servir ses intérêts, jusqu’à en accepter ou lui donner la forme fasciste lorsque nécessaire. A contrario, l’opposition anarchiste à l’État n’est pas une négation du collectif, elle y voit même la solution émancipatrice. Dans ces temps politiquement médiocres où l’État (bourgeois qui plus est !) est présenté comme le seul rempart contre la logique capitaliste par une gauche-qui-se-croit-en-pointe-du-combat, il y a nécessité de travailler à la clarification des idées. Et à tirer enfin collectivement (c’est-à-dire à l’échelle de la société, pas seulement dans des cercles restreints) les leçons du XXe siècle !
China or USA ? Communisme ou capitalisme ? Demandez à un ouvrier de Foxcom… Où l’on voit que le temps se charge de rendre obsolètes certaines des oppositions qui ont animé des générations entières.
La révolution à venir devra être avant tout intellectuelle. Elle mettra à plat les idéologies, les concepts, les brassera, en éliminera, en (ré)inventera. Si ce travail n’est pas accompli, la révolution ne sera qu’une énième prise de pouvoir. Parce que, avec les mêmes idées que précédemment, le résultat ne fut pas concluant… Une révolution dépasse les frontières partisanes, en crée parce qu’elle nous introduit dans un nouveau monde.
Dans ces temps intellectuellement très riches, se préparent les bouleversements… Aucune stratégie, aucune propagande valable ne peuvent être élaborées qui ne prennent en compte les apports récents des sciences humaines, sociales, historiques, économiques, ce travail protéiforme, disparate mais collectif qui rebat les cartes. Les idéologies qui nous ont façonnés n’en sortiront pas indemnes.