Jenny sans bouillir : quand les kkkatoliks et les mystikkks attakkkent

mis en ligne le 6 décembre 2012
On va le savoir que l’UMP se déchire pour le gâteau du parti labellisé « Beaufs de France », on va le savoir que le parti est « au bord de l’implosion ». Des heures et des heures de commentaires oiseux à propos de ce vaudeville d’un autre siècle – exercice futile, mais facile à entretenir par des éditorialistes aux idées restreintes et à la curiosité flasque. Tout cela permet d’éviter de parler véritablement d’économie, des profiteurs, des grèves, du désespoir des chômeurs et des travailleurs pauvres, de la paupérisation croissante que connaît ce pays, en allant plus loin que l’évocation, la larme à l’œil, de la hausse de la fréquentation des Restos du cœur 1 et des appels aux dons car, ma bonne dame, mon bon monsieur, la charité, c’est une valeur sûre de nous autres les bourgeois dotés d’une âme lacrymale… Sans parler de l’inanité du débat sur les questions énergétiques et environnementales, réduit généralement à de vagues déplorations ou à une promotion plus ou moins en catimini des gaz de schiste, dont il serait bien idiot, ma bonne dame, mon bon monsieur, de se passer en temps de crise. Et de nous expliquer qu’en Pologne et au Mexique la recherche voire l’exploitation, de ces gaz battent leur plein. La guerre en Syrie n’existe plus pour ces médias, dont l’indignation relève d’une indigne appréciation des choses : Copé-Fillon plus importants que les massacres… Quant aux wahhabito-salafisto-fréro-musulmanistes, attention, braves gens, ils sont à tous les coins de rue de notre pays, fourbes et cruels, prêts à piquer nos allocs ou à faire instaurer la charia dans les services publics (voir une récente une du Point sur « l’islam sans gêne » et une autre de L’Express et sa manchette « Emploi, Sécurité sociale, santé, le vrai coût de l’immigration »). Quant à la casse de ces mêmes services publics, ces médias s’en foutent ou même la promeuvent : vous comprenez, ma bonne dame, mon bon monsieur, les fonctionnaires il y en a trop, ils travaillent pas assez, et la crise, le triple A, la dette, les marchés ! Alors la Grèce et son taux de suicide qui grimpe en flèche, l’Espagne épuisée, le Portugal éreinté, on s’en fout puisque l’UMP vacille. Saint Ducon, le saint patron des disciplinés bourrins télévisuels, veille sur ses ouailles et les vaches sont bien gardées.
Pendant ce temps, les Femen se font casser la gueule par les nervis de la fange catholique en loden vert ou en rangers. Et lorsque la radio et la télé invitent ces féministes de choc pour s’expliquer, c’est avec une morgue de procureur et presque avec une lampe dans la gueule : « Mais quand même, vous êtes violentes, vous offensez les croyants, avec votre nudité et vos extincteurs remplis, m’a-t-on dit, de gaz lacrymo. » Ainsi fusent – et diffusent – les banalités d’une bourgeoisie médiatique engoncée dans une morale archaïque, qui évite soigneusement, par exemple, de faire régulièrement ses unes sur l’offensive catholique de ces récentes années, qui a notamment commencé, dans une indifférence assez constante, quand les associations réactionnaires ont levé leurs boucliers contre les nouveaux programmes de sciences de la vie et de la Terre au lycée, lorsqu’il s’est agi d’y inclure l’étude de la question du genre. Ces événements, et bien d’autres, sont pourtant le signe qu’une offensive symbolique du camp catholique (soutenu par les autres monothéismes) est en marche, avec, à la clé, la reconquête de son magistère sur les mœurs et l’éthique.
Bref, rien de neuf chez les oligarques des télés, radios et magazines qui conforment l’opinion du plus grand nombre. Alors rien d’étonnant qu’il soit si difficile d’être avertis par la presse « mass-médiatique » qu’allait se tenir, et s’est tenue, le 23 novembre, une sauterie des plus sordides 2 : la réunion d’idéologues de la coalition rouge brun et d’adorateurs des tables tournantes. Les réseaux organisés autour d’Alain Soral, théoricien français du nationalisme révolutionnaire, se sont fait pleinement l’écho de cette rencontre. Et pour cause. C’est notamment Chez Jenny, célèbre brasserie alsacienne de la place de la République, à Paris, qu’ils se sont retrouvés à l’occasion du « deuxième anniversaire de la naissance à l’éternité de Jean Parvulesco », écrivain d’origine roumaine se situant dans le sillage de Julius Evola et de la Nouvelle Droite. Parmi les invités, on trouve notamment Alexandre Douguine, « orthodoxe traditionaliste, cofondateur du Parti national-bolchevique russe et théoricien du “néo-eurasisme”, une version du suprémacisme russe » 3, Arnaud de l’Estoile, versé dans l’étude de l’occultisme et de l’ésotérisme, et Claudio Mutti, « philosophe […] italien et traducteur en italien des Protocoles des Sages de Sion ou de documents de la Garde de fer (organisation nationaliste roumaine des années 1920-1930) » 4. Ce restaurant a fait de l’accueil de tels cénacles l’un de ses plats de résistance : il y a plus de vingt ans, c’était le Parti nationaliste français qui venait banqueter ici, il y a deux semaines, la droite catholique, avec le mouvement la Droite libre 5, en présence de Christine Boutin, et maintenant ceux mentionnés ci-dessus. Tous viennent revitaliser en cet accueillant sein choucroutier leurs idées abjectes.
Pour en revenir au 23 novembre, est-ce un micro-événement que ce rassemblement en petit comité d’un fascisme ésotérique et mystique, doublé d’un nationalisme révolutionnaire orné des galons de « généraux » soviétiques en mal d’empire ? Probablement pas dans le contexte de redéploiement et de recomposition des extrêmes droites françaises – mosaïques doctrinales fluctuantes, mais permanentes – et d’extrême-droitisation de l’UMP susmentionnée 6

Albert Etta
Groupe Louise-Michel de la Fédération anarchiste










1. J’ai entendu des journalistes parler de « bénéficiaires » des Restos… Les mots n’ont plus de sens. En ont-ils jamais eu pour ces professionnels du lexique malmené ?
2. C’est par des camarades de la Fédération anarchiste que j’ai eu connaissance de cette réunion.
3. Source : http://nantes.indymedia.org/article/26629
4. Ibid.
5. Qui se présente ainsi sur son site : « La Droite libre est un mouvement libéral-conservateur associé à l’UMP. Nous défendons au sein de l’UMP : les valeurs de droite comme la nation, la famille ou le respect de la loi […]. »
6. Avec Copé, Morano et autres sbires. Et avec Patrick Buisson, enraciné dans le maurrassisme, admirateur de l’OAS et de Le Pen père, ancien directeur de Minute, puis récemment conseiller de Sarkozy, qui veut faire inscrire dans la Constitution les racines chrétiennes de la France. Par décision de Benoît XVI, il a reçu en janvier l’insigne de commandeur de l’ordre de Saint-Grégoire-le-Grand, décerné par le Vatican à des catholiques ayant rendu des services signalés à l’Église.