Toujours plus d’exploitation

mis en ligne le 6 décembre 2012
Des élections concernant les 4,6 millions de salariés des TPE (toutes petites entreprises) ont lieu en ce moment. Il s’agit pour ces salariés de l’artisanat et des services notamment, particulièrement peu syndiqués, de voter sur sigle pour participer à l’appréciation étatique de la « représentativité » des organisations syndicales.
Il faut se souvenir en effet que suite à la position commune (Medef-CGT-CFDT) d’avril 2008 Sarkozy s’est empressé de concocter une loi « syndicaticide » publiée le 20 août 2008, dont l’objectif inavoué et inavouable était de recomposer le paysage syndical. L’idée était qu’au terme du processus il ne reste que deux syndicats autorisés (et financés) par l’état et les patrons : la CFDT pour le pôle abusivement qualifié de réformiste (mais en fait profondément réactionnaire) et un pôle plus combatif supposé incarné par la CGT.
Ce petit arrangement entre amis prévoit qu’en 2013 une « grande pesée » synthétise les résultats des votes aux élections professionnelles. Cela déterminera les confédérations syndicales à même juridiquement de discuter et négocier les accords interprofessionnels. Pour les autres qui n’atteindront pas les 10 %…
C’est dans ce cadre que l’état s’est rendu compte qu’il avait oublié ces salariés « invisibles » des TPE et qu’il a bidouillé ces élections. Chacun sait que le taux de participation va être très bas (le ministère prévoit moins de 10 %), que les conditions de vote (par voie électronique) n’offrent aucune garantie sur la véracité des résultats mais là n’est pas l’essentiel. Le but est de faire croire que ce sont tous les salariés des grandes comme des petites boîtes qui auront défini la représentativité des syndicats (comme si la légitimité des syndicats pouvait émaner de bulletins de vote) faisant de ces derniers des machines électorales à l’image des partis politiques. à noter que dans la fonction publique des accords similaires (accords de Bercy signés par la CFDT, l’Unsa, la CGT, la FSU et Solidaires !) ont été mis en place.
Ces élections des salariés TPE ne sont donc pas, c’est le moins que l’on puisse dire, un enjeu majeur de lutte de classe ! On peut s’étonner d’ailleurs au passage que la CNT (une CNT…) ait jugé pertinent de se présenter sous prétexte que cela permettait de diffuser quelques millions de professions de foi au frais de l’État.
Ce ne sont pourtant pas ces professions de foi ni les bulletins de vote virtuels qui sont susceptibles de modifier le rapport de forces entre exploiteurs et exploités. Comme il a déjà été expliqué dans les colonnes du Monde libertaire, les patrons et leurs subsidiaires gouvernementaux considèrent que ce rapport penche nettement aujourd’hui en leur faveur. D’où les cadeaux aux entreprises à hauteur de 20 milliards par an (sous forme de crédits d’impôts) décidés par les écolos socialos dans le cadre de leur pseudo-pacte de compétitivité, d’où les 10 milliards supplémentaires de réduction de dépenses publiques dans le cadre de ce qu’on appelle désormais la Modernisation de l’action publique (qui poursuit et aggrave même la sinistre RGPP de Sarko), d’où les prétentions ahurissantes du Medef dans les négociations actuelles pour une « meilleure sécurisation de l’emploi ». Toujours le mot pour rire ces patrons ! La copie, « œuvre d’un juriste fou », est totalement à revoir, a déjà annoncé Force ouvrière. C’est effectivement le moins que l’on puisse dire : flexibilité maximale du CDI, mise en place d’un délai beaucoup plus réduit pour recourir aux prud’hommes, plafonnement des dommages et intérêts en cas de licenciement « sans motif réel et sérieux » selon l’expression consacrée, rupture des contrats sans Plan de sauvegarde de l’emploi (pourtant déjà peu contraignants pour les patrons) dans le cadre des accords « compétitivité emploi ». Bref c’est la réinvention du servage, l’esclavage moderne en quelque sorte.
Il est plus que temps pour les salariés, les chômeurs de réagir, de s’organiser, de reprendre en main les structures syndicales, d’empêcher les directions syndicales de signer des accords de soumission, de régression et de capitulation. Les anarchistes doivent prendre toute leur place dans cette bagarre au quotidien. De ce point de vue, l’existence au sein de la Fédération anarchiste d’une coordination des militants syndicalistes (CGT, SUD, FO, CNT) et dans un autre cadre le travail des « compagnons de Pelloutier » sont des points d’appui.
Mais il est aussi nécessaire d’ouvrir en parallèle une discussion politique large sur les contours possibles d’un autre futur et sur les moyens à mettre en œuvre à court et moyen terme pour y arriver. En clair, qu’est-ce qu’on veut, avec qui et comment on peut aboutir. De ce point de vue aussi, les militants anarchistes modestement mais réellement doivent mesurer leur responsabilité.