Anarchisme et politique économique (III)

mis en ligne le 22 novembre 2012
Tout ça ne conduit évidemment pas à la révolution, ou pas nécessairement, mais ce sont des projets qui ont fonctionné ou qui fonctionnent encore et qui pourraient être mis en œuvre et très largement étendus si une révolution avait eu lieu. Faute de révolution (et ce n’est pas de la faute de Proudhon), ces projets ont quand même contribué à améliorer la situation de millions de personnes.
Un dernier exemple où le mouvement libertaire a raté le coche (on a l’habitude) : la réforme des retraites.
J’ai rarement autant marché qu’à cette période. On a tous parcouru Paris dans tous les sens. Et que les organisations syndicales, unitairement, appellent à marcher de Bastille à Nation. Et que les organisations syndicales, unitairement, appellent à marcher de Nation à Denfert.
Et ces quelques révolutionnaires purs et durs qui criaient : « Le pouvoir est dans la rue ! »
S’il avait été dans la rue, vu le nombre de kilomètres parcourus, on l’aurait eu, le pouvoir. Tout ça, c’est des conneries, le pouvoir n’est pas dans la rue. C’est précisément la raison pour laquelle on nous a baladés dans la rue pendant un mois, la raison pour laquelle nos organisations syndicales, CGT en tête, se sont gardées d’appeler à la grève générale parce que cela aurait impliqué que les travailleurs occupent leurs entreprises, là où précisément se trouve le pouvoir.
Personne n’a vraiment soulevé le vrai problème, sauf, peut-être, Le Monde libertaire dans un excellent article signé Raoul Boullard. Pendant les manifestations contre la réforme des retraites voulue par Sarkozy, on nous a expliqué que, puisque les gens vivaient plus longtemps, il fallait qu’ils travaillent plus longtemps également. Personne, parmi les innombrables organisations politiques et syndicales qui briguent les suffrages des travailleurs, n’a dénoncé l’escroquerie intellectuelle consistant à culpabiliser les salariés parce que, s’ils prennent leur retraite après quarante annuités, ils vont pénaliser leurs enfants, qui seront contraints de travailler encore plus. Personne n’a dénoncé le fait que cette attaque contre les retraites faisait partie d’un plan concerté de longue date, plan auquel les organisations de gauche adhèrent d’une façon générale.
Dans l’article du Monde libertaire, Raoul Boullard montrait que ce qui est déterminant ce n’est pas le nombre d’actifs nécessaires pour payer les retraites des « vieux », mais la valeur produite par chaque actif, autrement dit la productivité du travail.
Si, en 1950, il fallait la valeur du travail de quatre actifs pour payer un retraité, l’augmentation de la productivité du travail a été telle qu’on peut très bien envisager que un actif suffise aujourd’hui, sans tomber dans le tableau apocalyptique des « jeunes » s’épuisant au travail pour les « vieux ».
Mais cette explication n’a jamais été donnée par les organisations de gauche, aucun travail « pédagogique » n’a été fait pour contrer la propagande du pouvoir et des médias.
Et il y a un autre fait qui n’a jamais été révélé par ces organisations politiques et syndicales qui briguent nos suffrages. On dit que l’espérance de vie moyenne augmente, et c’est vrai. Mais on ne dit pas que l’espérance de vie en état de validité physique et mentale est de soixante-trois ans pour les hommes et de soixante-quatre ans pour les femmes. Autrement dit, en reculant l’âge de la retraite, on prive les salariés de plusieurs années de vie en situation de validité. Et un nombre considérable de personnes ne profiteront pas de leur retraite en situation de validité.
Ce que je retire de ces quelques réflexions, c’est que, dans le « fonds commun » anarchiste, il y a des idées qui restent encore parfaitement actuelles et qui pourraient être facilement adaptées à la situation actuelle.
Le problème est que :
– Nous ne sommes pas adaptés à une réflexion collective dans l’urgence et que nous ne sommes pas en mesure d’être réactifs ;
– Nous ne sommes pas en mesure de mettre sur pied, dans l’urgence, une campagne de propagande et d’information du public sur des thèmes ciblés ;
– Nous avons totalement négligé de mener une réflexion susceptible de proposer des alternatives au niveau macroéconomique (c’est-à-dire au niveau de l’organisation globale de l’économie).



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


ECR

le 30 septembre 2014
Le titre de la série d'articles était alléchant, mais au final, peu de choses en ressortent... Vraiment dommage.
En guise de réflexion sur le modèle économique anarchiste, nous n'avons ici le droit qu'a Proudhon. Pourtant, l'histoire de l'Anarchisme regorge d'autres propositions et expérimentations concrètes certainement plus poussées. On aurait aimé un mot sur Bakounine et Kropotkine, sur les raisons qui ont fait tomber Proudhon en minorité dans la première internationale et y compris chez les anarchistes, un mot sur le communisme anarchiste, adopté par la suite par la majorité des groupes anarchistes, sur l'organisation de la société anarchiste imaginée par Pierre Besnard dans "monde nouveau", sur les expériences concrètes en Espagne dans les années 30, des parallèles avec le Chiapas, sur les propositions d'organisation économique et sociale des différents groupes anarchistes aujourd'hui, une réflexion sur le salariat et son abolition, la marchandisation/démarchandisation, la monnaie et son possible abandon, les impacts de la décroissance sur les thèses de la prise au tas et du rationnement, la question des formes d'échange alternatives (troc/don), de l'autonomie énergétique et productive des localités et le fédéralisme international, sur la question de la possession individuelle d'outils de production et de l'usage qui peut en être fait (commerce ou don ?), sur les sphères d'activité à conserver et celles à abolir. Tout un ensemble de réflexions qui permettraient de se doter d'outils de critiques pour le présent et de propositions pour le futur!
ECR

Daniel

le 1 octobre 2014
salut,
je te suggère de chercher dans la rubrique "autogestion" des articles de ce blog.
Notamment pour y lire ceci:
http://www.monde-libertaire.fr/autogestion/12412-lautogestion-selon-abraham-guillen

Cordialement,
Daphivid