L’anarchisme est-il soluble dans l’écologie ? (2e partie)

mis en ligne le 4 octobre 2012
Si je devais un jour me retrouver plongé en forêt amazonienne, je ferais davantage confiance, pour ma survie, à un indien autochtone, s’il en existe encore, qu’à un scientifique parachuté. Et j’avoue sans honte aucune que les quelques éléments de culture de peuples aujourd’hui dits « premiers », dont j’ai connaissance m’apparaissent souvent plus sensés que la logique qui anime notre société occidentale. Il s’agit souvent de conceptions du monde emplies d’esprits, de puissances surnaturelles, donc religieuses ! Mais si la présence d’un esprit des arbres empêche de scier la branche sur laquelle on se trouve… Conceptions religieuses, mais qui relient l’espèce humaine à son milieu naturel, qui n’en font pas une espèce dominante. Bien sûr, le nombre peu élevé d’individus joua un rôle pour obtenir un équilibre. Je n’idéalise rien, ni ces peuples, ni la nature, ni les temps anciens. Je sais que l’espèce humaine, dès ses débuts, a dû se frayer une place sur le globe et qu’elle le fit au détriment d’autres espèces. Je sais que déjà au Moyen-Âge, les rivières européennes étaient boueuses et polluées. Mais cela n’empêche pas de pointer du doigt l’idéologie qui anime notre société moderne. Celle du monde occidental qui fit de ces deux derniers siècles une succession de tueries en masse, de pillage et de destruction généralisée, tant des ressources naturelles que des cultures dites inférieures. Cela devrait nous inciter à plus de réflexion. Car l’élan industriel qui met en cause désormais notre survie procède du vieux fond religieux monothéiste qui lance à ses fidèles : « Reproduisez-vous sur la terre et soumettez-la ».
Accrochés à des arbres, enchaînés à des bulldozers, devant les trains, ils tentent de sauver une forêt ou d’arrêter un chargement de déchets radioactifs. Ils parlent de « notre mère la Terre », je souris, mais respect ! Respect pour ceux qui affrontent les coups de la flicaille, le gaz lacrymo directement dans les yeux, pour empêcher ou limiter l’hécatombe. Leur combat est le mien. La répression qu’ils subissent, aux États-Unis, en Chine, ou ailleurs, les énormes peines de prison qu’ils purgent, leurs actions étant qualifiées de « terroristes », en font peut-être de « nouveaux martyrs » ?
Sont-ils empreints d’une « idéologie rétrograde ou conservatrice » ? C’est bien balancé comme invective, ça vous pose le militant de gauche, bien droit dans ses bottes. Passé = pas bien. Comme les collégiens qui désormais, pour dénigrer ce qu’ils n’aiment pas, vous lancent : « C’est quoi c’vieux truc ? ». Mais comment nommer celui qui pense que l’ avenir plus ou moins lointain sera meilleur que le présent, ou que le Nouveau est forcément un progrès ? Il risque d’être choqué si je lui explique qu’il n’est que l’autre face du système marchand, qu’il dénonce en mots mais cautionne sur le fond. J’ai connu des trotskystes qui ridiculisaient d’une manière générale toutes les thérapies « non scientifiques » pour me vanter les progrès de la pharmacopée du XXe siècle. S’il est stupide de nier les progrès accomplis dans ce domaine, quelle prétention et quel aveuglement que de nier les expériences des millénaires précédents et des cultures non-occidentales ! Quand je pense que le chef clandestin de ces militants était formateur de visiteurs médicaux, donc promotionnait, sans état d’âme apparent, l’ensemble du secteur pharmaceutique, je tousse ! Mais le médicament, c’est le progrès, donc cela va dans le Sens de l’Histoire, donc cela nous rapproche du communisme, donc c’est bien. De même, l’industrie nucléaire communiste sera beaucoup plus sûre que le nucléaire capitaliste. En attendant la révolution, crevez irradiés. Vos enfants mutants vivront le socialisme, youpi !
Les deux faces d’un même modèle. Urgence de s’en défaire. Incarner un autre discours que celui du capitalisme ou du communisme. Voilà l’acte de naissance de l’écologie politique, l’écologisme devrait-on dire. On le voit, l’anarchie et l’écologie ont plus d’un trait en commun.
« Comment, demande un journaliste, l’État peut-il cautionner, par ses agences, ses organismes de contrôle, la mise sur le marché de produits alimentaires, des OGM, dangereux pour la santé publique ? » Et l’un des représentants de ces agences de répondre qu’il faut se méfier des scientifiques non indépendants… idéologiquement ! (C’est-à-dire ceux qui ne se positionnent pas comme soutien des industriels et semenciers à la Monsanto). Allez, ça me rappelle ma jeunesse, quand on se foutait de ma gueule avec des : « Tu vas prendre la défense des p’tites fleurs et des p’tits oiseaux ? » Les rires gras fusaient de gauche comme de droite. Donc la prochaine fois, on parlera petits oiseaux…



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Isee

le 27 novembre 2012
"Les trois écologies" (Paris, Galilée, 1989)