Chronique de l’obscurantisme : le testament d’un cardinal

mis en ligne le 13 septembre 2012
Il s’appelait Martini, et quand JP2 commençait à décoller, les spécialistes en faisaient leur favori pour le remplacer. Ils se sont vautrés dans leur pronostic mais ce n’est pas grave, leur travail est de noircir du papier ou occuper du temps d’antenne, pas de ne pas se tromper. Il était pourtant visible que le Polonais avait tout fait pour que son successeur soit un pur réac, donc pas un « réformateur », partisan de Vatican II. Martini était jésuite, donc un gars qui a lu et qui sait se servir de ce qu’il a appris, pas un boute-en-train, pas un intégriste non plus.
Âgé de 85 ans, sachant qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps à vivre, il donna une interview au Corriere della serra. Beaucoup de médias n’en ont retenu qu’une petite phrase : « L’Église est en retard de 200 ans ». Il n’est pas faux de dire que ça résume plutôt bien le propos.
Évidemment, il ne renie pas sa foi, bien au contraire. Ce serait trop douloureux pour lui de reconnaître qu’il a toujours cru en des légendes. La question ne se pose même pas ! Non, il voit seulement que l’Église perd ses ouailles, qu’il ne reste plus que des vieillards, que les jeunes se moquent des prescriptions de l’Église en matière de sexualité et qu’en plus l’Église est assez conne pour virer les divorcés, du coup les enfants de divorcés sont perdus pour la cause ! Bref, il laisse comprendre – mais bien sûr il n’allait pas le dire explicitement, c’est quand même un jésuite ! — que la dégringolade de l’institution est la faute d’un certain nombre de ses dirigeants qui seraient simplement à la bourre de deux siècles.
En retard de 200 ans, oui si on parle de marketing, de conquête de part de marché, de démagogie, etc. Pour ce qui est de la tentative de camouflage de crimes, elle n’est pas plus à la bourre que n’importe quelle dictature, voire bien des démocraties. Et pour ce qui est de la justice, elle en est au même point, faisant payer un lampiste pour des fuites d’informations organisées par d’autres (Vatileaks).
Serait-elle de son temps, l’Église n’en serait pas moins une entreprise de décervelage, elle serait seulement moins ridicule. En quelque sorte, un ennemi plus dangereux. Ce « retard », c’est le problème de l’Église catholique en Europe et en Amérique. On peut aussi voir dans ces deux continents des religions pas particulièrement évoluées gagner du terrain. Certaines ont même bien plus de 200 ans de retard, développant chacune leur propre forme de créationnisme, c’est-à-dire qu’elles font tout ce qu’elles peuvent pour se rapprocher de l’époque à laquelle ont été rédigés les comtes et légendes sur la création du monde, niant des siècles de découvertes scientifiques…