Saint-Imier 2012 : ambiance

mis en ligne le 13 septembre 2012
1680StImierCet article n’a pas pour but de rendre compte politiquement de la Rencontre internationale de l’anarchisme de Saint-Imier, pas plus que de tirer le bilan du congrès de l’Internationale des Fédérations anarchistes (IFA) 1 qui s’est déroulé, en parallèle, du 8 au 12 août 2012. Il se veut un article d’impression (très subjective), le reflet d’une ambiance où, en règle générale, la solidarité libertaire, le respect de l’autre et de sa parole furent permanents.
Et, pourtant, dans les rues de la petite ville (4 800 habitants) se côtoyaient jour et nuit toutes les formes d’anarchistes : du rebelle marginal au « vieux » militant blanchi sous le harnois de la tradition en passant par le punk à belle crête ou l’activiste anarcha-féministe, et j’en passe… Par exemple, l’importante délégation de la Fédération anarchiste francophone (dont environ 120 militants, parmi lesquels un nombre significatif de militantes, avaient fait le déplacement), s’échelonnait de 17 à 82 ans… Le monde entier s’était de fait donné rendez-vous en pays romand où le soleil fut, heureusement, de la partie.
Nous pûmes rencontrer des compagnons et des compagnes de tous les continents : d’Afrique du Sud ou d’Amérique du Nord, du cône andin totalement représenté au Mexique, d’Israël à la Tunisie, de Biélorussie à la Macédoine en passant par la Turquie et le pays kurde ou la Serbie, du Japon à la Suède en passant par Cuba dont nous reçûmes un message fraternel. Et, bien sûr, de Suisse et de toute l’Europe, méditerranéenne ou pas, de la Grande Bretagne ou de Grèce 2, etc.
Si le programme politique fut chargé avec ses dizaines de conférences (pédagogie, actualité de l’anarchisme, géographie, lutte des femmes, philosophie, syndicalisme, histoire, santé, etc.), le programme culturel le fut tout autant avec ses concerts – de la flûte à bec aux accords punks les plus osés –, son exposition sur les affiches de la révolution espagnole (700 visites), ses cinémas permanents dont celui de la Dionyversité en complète auto-programmation, son salon du livre libertaire, sa promenade commentée sur les traces de Bakounine et Guillaume dans les rues de Saint-Imier. En bref, de bien belles journées qui, nous l’espérons, feront dates dans le renouveau de l’anarchisme au niveau planétaire.
Beaucoup de monde sur tous les thèmes, des salles trop petites bien souvent, même lors des moments les plus institutionnels comme les meetings d’ouverture ou de fermeture des journées : 800 à 900 personnes dans la salle de spectacle, c’est dire… Ce fut aussi une belle mise à l’épreuve de nos principes d’organisation : autogestion de la « bouffe », des traductions, de la logistique, des espaces… grâce aux nombreux volontaires.
Les habitants de la ville et leurs élus (eh oui !), qui ont accueilli nos rencontres, sont à remercier, car ils nous firent a priori confiance, ce qui est rare aujourd’hui quand il s’agit de laisser déambuler en toute liberté 4 000 à 5 000 anarchistes durant une petite semaine. Imaginez un anarchiste par habitant ! Non seulement toutes les infrastructures de la ville furent mises à notre disposition (patinoire, gymnase, espace culturel, salle de spectacle, crèche, dojo, musée, etc.), mais nous ne vîmes pas la moindre matraque (apparente) dans un rayon de 25 kilomètres. Seule la police municipale faisait ses rondes de routines et l’un de ses représentants, lors d’une réunion avec nos délégués à la Sérénité 3, avoua que son équipe s’ennuyait… Un comble, et ce d’autant que, lorsqu’il y a la fête annuelle de la ville, « c’est Verdun », nous déclara une autochtone. Avec les anarchistes, pas de souci. À tel point qu’un élu nous a proposé de « refaire ça l’année prochaine » car, nous dit un couple, « enfin il y a de la vie ». Même les punks à crêtes eurent leurs admiratrices. « Moi, je les trouve très très beaux », nous confia une vieille femme.
Mais là n’est pas l’essentiel, d’autres témoignages sont encore plus significatifs. Qui l’eut cru, l’anarchisme a été inscrit au patrimoine culturel du canton de Berne et un habitant nous avoua : « Ça nous fait retrouver notre histoire. » Même le boucher – n’en déplaise à certains vegans 4 parfois à la limite de l’intolérance – déclara : « C’est bien, ça fait prendre conscience, vous êtes l’avenir de l’humanité. » (Re-sic.) Enfin, les employés du funiculaire nous dirent : « N’attendez pas cent quarante ans pour revenir. »
Une belle fête qui a redoré le blason de l’anarchisme dans un de ses berceaux. Et comme la une, affichée sur tous les kiosques, d’un journal du canton – Le Jura – le constatait, les rencontres de 2012 se sont terminées « en beauté ». Merci encore aux animateurs de l’Espace noir et à tous les organisateurs et organisatrices sans lesquels ces rencontres auraient été impossibles. Reste à les faire fructifier afin de faire de l’anarchisme qui nous a rassemblés quelques jours une réalité tangible permettant à l’humanité de sortir de l’impasse où nous ont conduit les systèmes autoritaires.






1. Un Monde libertaire hors-série y sera consacré en octobre.
2. Liste non exhaustive. Un point rouge, cependant : plusieurs de nos camarades du Maghreb se sont vus refuser les visas par les autorités helvétiques, et un compagnon chinois a été retenu contre son gré au pays du « communisme » finissant.
3. Dénomination de notre dispositif de sécurité assumé par les militants.
4. Contraction de «végétarien antispéciste», courant philosophique et militant plaçant tous les animaux (humains donc compris) sur le même plan, et réprouvant de ce fait la consommation de viande (Ndlr).