Le Vatican, État mafieux ?

mis en ligne le 14 juin 2012
Depuis quelques semaines un certain nombre de médias (d’autres pas du tout…) se font l’écho d’un « Vatileaks », où l’on voit que des informations « confidentielles » sont divulguées à des quotidiens italiens. La « presse bien informée » ne dit quand même pas grand-chose, ce qui est bien dommage, mais essaye d’interpréter la fuite, ce en quoi elle n’a pas tort.
Vu de loin, on peut se représenter le Vatican comme un club de vieillards réactionnaires dont le discours est de moins en moins écouté. Ce n’est malheureusement pas vrai partout dans le monde. En outre, le Vatican, c’est aussi un patrimoine immobilier et financier important et c’est même un État souverain…
Les fuites seraient le résultat d’une querelle entre anciens et modernes, ceux qui ont le pouvoir et veulent maintenir une certaine opacité sur ce qui se passe au Vatican – et donc poursuivre tranquillement divers tripatouillages financiers – et ceux qui participent à la gestion de l’affaire en raison de leurs compétences techniques mais qui préféreraient travailler dans les règles de l’art. Il faut se rappeler qu’il y a quelques mois, le Vatican avait été classé au rang d’État voyou pour cause de blanchiment d’argent… Les ensoutanés refusent évidemment un tel qualificatif, avec une argumentation du genre, vous comprenez, nous recevons des dons, nous n’y pouvons rien… Des innocents !
Ceux qui ont de la mémoire se souviennent d’un certain Mgr Marcinkus qui, au début des années quatre-vingt, présidait l’Institut pour les œuvres de religion (IOR, aujourd’hui en cause dans les « révélations ») et qui avait eu des responsabilités dans le krach de la Banco Ambriosiano, banque dont le directeur fut retrouvé pendu sous un pont enjambant la Tamise peu après. Il s’était avéré aussi que la loge P2, une loge maçonnique mêlant politiciens et mafieux, était liée à cette affaire… À l’époque, des spécialistes avaient repérer le même type de conflit interne au Vatican. Certains sont même allés jusqu’à soupçonner que le pape suivant, Jean-Paul Ier, prématurément disparu, avaient été empoisonné car il aurait voulu mettre fin à ces méthodes, pas assez catholiques à son goût. Ceux-là étaient – ou sont – plus ou moins proche des intégristes de la Fraternité saint Pie X (actuellement en négociation pour être réintégrée dans l’Église romaine)… Quoi qu’il en soit, l’opacité de règle au Vatican engendre bien des hypothèses. Car le Vatican étant un État souverain, il dispose de sa propre justice. En tous cas, il semble qu’à chaque fin de règne – Benoît XVI a actuellement 85 ans et donne des signes de fatigue – correspond une guerre pour le pouvoir, avec les coups tordus qui vont avec. Peut-être que cette histoire conviendrait mieux à un bon gros polar, genre Curée à la curie, qu’à un article dans un hebdo anarchiste…
Il reste que le directeur de l’IOR a été viré, et que chacun est bien sûr libre d’interpréter les coïncidences : il a été limogé pour sa gestion, et/ou parce que soupçonné d’avoir diffusé certains documents bancaires… Aujourd’hui, c’est le majordome du pape qui joue le lampiste. Il risque six ans dans un cachot du Vatican.
On voit bien dans cette affaire qu’avec des termes toujours bien polis les règlements de compte n’en sont pas moins violents. Ainsi, un cardinal (souhaitant garder l’anonymat…) a pu déclarer à un journaliste du quotidien La Repubblica : « Le but des corbeaux est de révéler la corruption qu’il y a dans l’Église ces dernières années. » Et ça fait (officiellement, mais là aussi il y a mensonge) deux mille ans que l’Église est le lieu d’intrigues toutes plus pourries les unes que les autres. Selon l’adage bien connu : Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais.