Derrière les fumées électoralistes

mis en ligne le 14 juin 2012
Les responsables syndicaux (CFDT, CGT et FO) du site Arcelor-Mittal de Florange se sont dits satisfaits de leur rencontre avec Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, lundi 4 juin dernier. Celui-ci s’est engagé à mettre sur pied, dans de brefs délais, une mission d’expertise indépendante chargée de rendre compte « des perspectives industrielles du site de Florange ». Et en attendant ses résultats, le ministre demande aux patrons d’Arcelor-Mittal « de ne procéder à aucune annonce sur l’avenir du site et de ses salariés ». Mais cette requête est venue trois jours trop tard, la direction ayant annoncé, le 1er juin, le prolongement de l’arrêt des deux hauts fourneaux du site pour au moins six nouveaux mois.
Le site de Florange sera-t-il sauvé ? Ne crions pas « victoire » trop tôt car, pour l’heure, rien ne montre que la direction d’Arcelor-Mittal cédera aux « gentillettes demandes » du nouveau gouvernement. Un délégué CGT précisait même, dans L’Humanité, qu’il s’agissait d’un véritable « bras de fer avec M. Mittal ». Et puis, avant de nous réjouir de quoi que ce soit, attendons de voir quelles solutions seront proposées par le ministre. Nous sommes encore en pleine période électorale et les promesses continuent donc de fuser, d’un côté comme de l’autre, dans l’espoir de s’attirer quelques voix.
Si les salariés d’Arcelor-Mittal, comme ceux de Fralib, retrouvent leur boulot grâce au gouvernement, ne nous méprenons pas pour autant sur la véritable nature de celui-ci. Florange et Gémenos sont le théâtre de deux luttes ouvrières particulièrement médiatisées, dont même les grands quotidiens bourgeois se font l’écho (eux qui, d’habitude, sont bien silencieux quant aux combats de classe). Si les politiciens se plient plus ou moins en quatre pour les aider et les soutenir, c’est seulement pour se donner une caution sociale dans une France plongée en pleine crise où une majorité de l’électorat se dit plus préoccupée par la situation socio-économique que par les habituelles questions de sécurité (pas étonnant, d’ailleurs, que, dans la campagne pour les législatives en cours, le Front national surfe davantage sur le social que sur le sécuritaire). Et les signes de cette vieille hypocrisie électoraliste sont nombreux. Outre les déclarations tout feu tout flamme du gouvernement en faveur des Fralib et des Mittal, quid de l’usine Technicolors d’Angers (351 salariés) en dépôt de bilan ? Et du groupe Doux (3 400 salariés) en redressement judiciaire ? Du fabricant de chariots Caddie à Schiltigheim (500 salariés) en cessation de paiement ? De l’équipementier automobile Sealynx (550 salariés), lui aussi en redressement judiciaire ? Et de plein d’autres boîtes où les travailleurs sont victimes de situations similaires…
En attendant, entre deux voyages (et des excès de vitesse – sans amendes, of course !), le président se targue de réviser la réforme des retraites mise en place sous Sarkozy. Si les journaux qui le soutiennent – l’insupportable Libération (depuis quelques mois à 110 % en mode « gôche parlementaire bobo ») en tête – tentent de nous présenter la décision du nouveau gouvernement comme un véritable changement, marquant la rupture avec le sarkozysme, la réalité est moindre. Seuls 110 000 travailleurs bénéficieront de ce retour de la retraite à 60 ans, ce qui, même si c’est mieux que rien, reste somme toute très peu. En outre, nos nouveaux dirigeants ne semblent pas enclins à rétablir l’Allocation équivalent retraite supprimée par la droite, et les dispositions inscrites dans le décret présenté par le Conseil des ministres sont insuffisantes pour les chômeurs (notamment ceux en situation de chômage long) et les mères de famille de deux enfants et plus puisqu’elles ne prévoient d’ajouter que deux trimestres supplémentaires (soit six mois) pour les personnes dans ces situations. Si la CFDT se « félicite » de ce décret, la CGT, elle, entend bien exiger le retour de la retraite à 60 ans pour tous les travailleurs et obtenir des trimestres supplémentaires pour les personnes en situation de chômage ou de maternité. Ce dernier grand coup électoraliste avant le premier tour des législatives est donc une coquille quasi vide qui témoigne déjà de la mollesse de cette gauche au pouvoir.
Bref, qu’il s’agisse de plans sociaux ou de réformes sociales, placer notre confiance dans le gouvernement et ses affidés ne nous permettra pas de sortir la tête de l’eau, et si certains pourront peut-être obtenir ou conserver quelques acquis grâce à cet ultime recours, ils n’en seront pas moins toujours condamnés à la précarité et soumis aux caprices de leurs patrons et des actionnaires. Pour trouver une solution durable et pérenne au problème social, la seule voie à emprunter est celle d’une lutte sociale conjuguant réformisme radical immédiat et perspectives révolutionnaires concrètes pour une réorganisation économique à la fois en dehors et contre l’État et le patronat.