Maroc : exploitation des travailleurs par des entreprises espagnoles

mis en ligne le 31 mai 2012
Au Maroc, les patrons espagnols n’appliquent pas le Code du travail de ce pays et ne respectent pas non plus les droits syndicaux. L’État espagnol n’occupe plus le nord du Maroc depuis 1956, après avoir pillé ses ressources (fer, pêche, etc.), après avoir utilisé des gaz toxiques contre la population civile au cours d’une longue et cruelle guerre coloniale, après avoir aussi utilisé des dizaines de milliers de Marocains, y compris des adolescents (il existait un bataillon de jeunes de 15 à 18 ans), pendant la guerre civile espagnole, que l’on a trompés par des mensonges en profitant de la misère dans laquelle ils se trouvaient.

Les entreprises espagnoles à Sous Massa
À Sous Massa, dans la région d’Agadir, vingt et une entreprises espagnoles sont installées, spécialisées dans les cultures maraîchères, de fruits et légumes. Neuf d’entre elles violent complètement le Code du travail du Maroc, équivalant du statut des travailleurs espagnols. Elles ne respectent pas les salaires, ni les horaires de travail, ne payent pas les heures supplémentaires, ne respectent pas non plus les règles de sécurité et d’hygiène. Elles ne reconnaissent évidemment pas non plus les droits syndicaux. Seules quatre entreprises sur vingt et une sont en accord avec le Code du travail, mais certaines, comme Soprofel, interdisent l’appartenance syndicale. Les autres n’appliquent que partiellement la législation.
Ceci est possible grâce à la complicité des autorités et celle de l’Inspection du travail dans un pays où la dynastie alaouite est le meilleur allié, dans cette zone, des puissances occidentales, un pays soumis aux entreprises multinationales européennes et états-uniennes. Rappelons à ce propos que depuis des années et malgré les protestations des populations locales, des troupes américaines (USA) et marocaines procèdent conjointement à des manœuvres militaires dans la région de Tantán (sud du Maroc) : forces aéronavales, 1 200 marines américains et 900 soldats marocains (nous reviendrons sur ce problème dans un prochain numéro du Monde libertaire).

Nufribel
Mais revenons aux entreprises espagnoles implantées au Maroc, et à un exemple du comportement honteux de celles-ci : l’entreprise Nufribel dont l’activité est le conditionnement des fruits et légumes destinés à l’exportation, installée dans le village de Ait Melloul, à douze kilomètres d’Agadir et où travaillent cinquante ouvrières agricoles.
Nufribel exploite ces travailleuses en ne respectant pas le Code du travail et en essayant d’empêcher l’implantation syndicale à l’intérieur de l’entreprise. Dans ce but, la direction a licencié tout le comité de la section syndicale ainsi que d’autres travailleuses affiliées, au total treize ouvrières renvoyées, soit 20 % des effectifs.
Les travailleuses, qui ont vainement tenté toutes les négociations possibles avec la direction, sont en grève depuis le 16 mars portant sept revendications minimum présentées par le syndicat provincial de la Fédération nationale du secteur agricole (FNSA) de l’Union marocaine du travail (UMT) :
– Respect des libertés syndicales et du Code du travail.
– Réadmission des licenciées et reconnaissance du syndicat.
– Application du salaire minimum interprofessionnel et paiement des primes les jours fériés.
– Établir des fiches de paye suivant ce qui est prévu par la loi.
– Reconnaissance de l’ancienneté dans l’entreprise suivant un document qui l’atteste.
– Conditions de sécurité adéquates. Installation d’une salle de premiers soins.
– Annulation des mesures répressives et des sanctions, suivi d’un changement de traitement et d’attitude vis-à-vis des travailleuses.

Entreprises d’exportation
Toutes les entreprises espagnoles implantées au Maroc se consacrent à l’exportation vers le marché européen. Il est significatif que 15 % des tomates marocaines qui s’exportent vers l’Europe appartiennent à des entreprises espagnoles qui profitent d’une main-d’œuvre bon marché et ne bénéficiant d’aucun droit, pour vendre ses produits au prix en vigueur en Europe.
Il est important d’organiser la solidarité avec les ouvriers agricoles marocains, en boycottant les entreprises qui violent les droits des travailleurs, de tisser des liens au-delà des frontières que nous imposent les États. Sur ce sujet, nous avons déjà rendu compte de certaines initiatives de boycott répercutées par des associations de consommateurs en… Suisse 1. D’organiser aussi la pratique de l’entraide et de donner naissance à de nouveaux rapports entre les peuples, basés sur l’égalité et les échanges libres.
Prochainement, une délégation de la CGT espagnole doit se rendre en visite dans la région de Sous Massa pour se rendre compte sur place de la situation des travailleuses et travailleurs marocains, ceci en solidarité avec la FNSA de l’UMT, avec lesquelles la CGT entretient de bonnes relations depuis des années. À partir de cette visite, l’idée est de mettre sur pied un plan de travail commun, et de prendre l’engagement, pour la CGT, de dénoncer en Espagne l’attitude de ces entreprises.

Commission de travail pour l’Afrique du Nord-CGT espagnole
(Traduit et complété par Ramón Pino)






1. Voir « Sur les terres d’Alméria » in Le Monde libertaire n°1633 (28 avril au 4 mai 2011).