Impossible justice

mis en ligne le 26 avril 2012
Parmi toutes les offensives réactionnaires se portant sur la justice, les conseils de Prud’hommes sont une cible de choix. La loi de finance rectificative pour 2011, par l’article 54, avait instauré la taxe des 35 euros en matière judiciaire pour toute introduction d’affaire en justice. Une attaque sur l’accès gratuit à la justice, y compris en matière sociale – tribunal des affaires sociales et conseil des Prud’hommes – était ainsi portée.
La conséquence première de cette loi, pour ce qui concerne le droit du travail, est le renoncement de nombre de salariés à faire valoir leurs droits devant la justice prud’homale. Qui va payer 35 euros pour obtenir sa feuille de paie, son attestation Pole emploi ou le paiement de quelques heures supplémentaires ?
Un véritable confortement pour le patronat dans son impunité pour ses multiples violations du droit du travail par l’évitement des juges. Certes, le Sénat, par sa nouvelle majorité de gauche, avait refusé son adoption. Certes, aussi, des délégations syndicales ont démarché les groupes parlementaires de l’assemblée en portant une pétition de quarante mille signatures le 6 mars dernier. Mais l’Assemblée, par sa majorité de droite, adoptera la loi.
Suite à deux recours auprès du Conseil constitutionnel, celui-ci vient de livrer, le 13 avril, sa décision dans son style orwellien habituel considérant que le principe de cette taxe reste conforme au principe constitutionnel d’égalité entre tous les Français. Joliment vu, tous ceux ou toutes celles qui recourront aux Prud’hommes paieront la taxe ! Les plus démunis en seront exemptés si ils sont éligibles à l’octroi de l’aide juridictionnelle et, surtout, si ils auront eu la patience de l’obtenir…
Une étape est franchie, mais elle ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. La gratuité aura disparu de façon plus grave demain par voie de conséquence de la suppression programmée des élections des conseillers de Prud’hommes (dernier champ social de l’intervention collective des salariés après la disparition des élections des administrateurs de la sécurité sociale), puis ensuite de l’évacuation de cette juridiction vers les juges civilistes professionnels qui imposera le ministère d’un avocat.
D’autres enjeux sur les principes fondamentaux de la justice prud’homale sont en cours et méritent d’être abordés plus précisément dans ces colonnes : la remise en cause de l’oralité, la tentative de mise en place de convention ou contrat de procédure dans les conseils de Prud’hommes, la volonté d’introduire la médiation payante. Toutes ces choses faisant le lit du contournement de la justice à la place de la conciliation gratuite et respectueuse du droit du travail.

JMarc, groupe Albert-Camus de la Fédération anarchiste