La grève en l’air ?

mis en ligne le 16 février 2012
En fin de semaine dernière, le conflit d’Air France ne faisait plus recette à la une des quotidiens et gazettes divers. Il y avait, il est vrai, d’autres sujets à débattre. Les dérapages (?) sémantiques des représentants de la majorité actuelle, la tragédie de la Syrie à Homs, la vague mortelle de froid actuelle, la pauvreté qui tue toujours. Ajoutez à cela des annonces de négociations vendredi matin dernier, et vous comprendrez pourquoi il n’y a pas eu, sur les étranges lucarnes, des déclarations de gens « outrés et pris en otages ». Privés d’échappées en l’air vers d’autres contrées ensoleillées et avides de dépaysements aéroportés pendant les vacances scolaires !
Un petit coup d’œil bref dans le rétroviseur. Histoire de rappeler que c’est le 31 août 1933 que fut votée, au Parlement, une loi de fusion de quatre compagnies aériennes pour donner naissance à la société Air France. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (1945), elle est nationalisée, et devient donc une propriété de l’État. Ce n’est qu’en 1999 qu’intervient une privatisation partielle.
Quand il y a un conflit du travail – une grève –, l’hostilité orchestrée par les médias égale celle à l’encontre des luttes syndicales dans les transports, qu’ils soient urbains ou ferroviaires.
Pour l’opinion publique, les revendications salariales de celles et ceux qui travaillent au-dessus du plancher des vaches sont des caprices de privilégiés. Ajoutez à cela la volonté des pouvoirs publics de tout convertir au privé et vous aurez tout en mains pour comprendre.
D’où la grève, en décembre dernier. Le 21 (encore une date non populaire !) commençait la grève des agents de contrôle et de sécurité des aéroports pour les salaires et les conditions de travail. Cela avait duré dix jours et les avancées concrètes restaient encore à être précisées et pérennisées. Les statuts sont en danger à Air France. Comme c’est, au niveau social (conditions de travail, salaires, conventions collectives, etc.), la figure de proue, Air France est le chef de file de tous les conflits sociaux des transports aériens. C’est pourquoi, en début de semaine dernière, tout le monde, dans les syndicats de l’aéroportuaire et du transport aérien, était mobilisé. Outre les statuts, il y avait le dernier « cadeau » des pouvoirs publics : une proposition de loi dite « relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises du transport aérien ». Tout ça a été juridiquement acté, donc voté, fin janvier par les députés. Ainsi, dans les médias, on a pu dire que tout le monde était « en grève pour défendre le droit de grève ».
Alors, mouvement social ou seulement de la pagaille dans les aéroports ? À Air France, il y avait plus de 50 % de grévistes selon le Syndicat national des pilotes (SNPL) de ligne. Les rassemblements devant les aéroports ont également fait le plein. Près de mille manifestants à Roissy et 400 à Orly, pour la région parisienne. En province, à Marseille et à Toulouse, il y avait des cortèges et le président du SNPL pouvait dire que le mouvement allait crescendo et que si les négociations avec le gouvernement échouaient, le mouvement serait reconduit.
À l’heure où nous bouclons le présent numéro, la fumée blanche ne nous est pas encore parvenue. Nous ne nous risquerons pas à des pronostics quant à la poursuite ou non de ce conflit qui sera sans doute déterminant dans la lutte contre le massacre actuel des droits sociaux. Espérons néanmoins que ces travailleurs ne se laisseront pas enfumer par les promesses électorales ou les éventuelles compromissions diverses de leurs directions syndicales.