Le corps en thérapie

mis en ligne le 9 février 2012
Pascal Matrat est plutôt connu, dans le monde militant, comme un des animateurs de « Ras les Murs », sur Radio libertaire (89.4) depuis bientôt vingt ans.
Il est aussi psychologue et analyste reichien. De surcroît, spécialisé en tant que thérapeute et formateur sur des sujets sensibles comme la violence, tant individuelle qu’institutionnelle, la gestion des conflits et les conduites addictives.
Or, il vient de publier un livre très intéressant, Le corps en thérapie, aux éditions Chroniques sociales. Afin d’être clair, il a tenu à nous prévenir d’un sous-titre sans équivoque : Du plaisir douloureux de la dépendance au plaisir orgastique de la liberté ! Nous comprenons tout de suite qu’il n’y est pas fait l’apologie de « la servitude volontaire » et de « la soumission à l’autorité ».
L’auteur travaille comme psychothérapeute et psychanalyste avec toutes sortes de patients et de patientes, mais surtout avec des usagers de drogues. C’est pourquoi, dans son ouvrage, il nous entraîne dans les méandres du psychismes humain, en s’attardant sur le plaisir, la famille, le corps, l’adolescence, la sexualité, l’amour, mais encore sur la violence institutionnelle et politique.
Il écrit : « La maîtrise politique de l’énergie sexuelle constitue le levier le plus important du contrôle des masses. » Nous sommes ici dans la lignée de Wilhelm Reich, Aldous Huxley, George Orwell et Ira Fra Levin.
Fidèle aux concepts de la thérapie reichienne, Pascal Matrat aborde les différentes problématiques individuelles et collectives sous l’angle du corps, du psychisme et de l’organisation sociale. Nous pouvons ainsi voir les liens entre le cerveau, le système nerveux végétatif et les hormones à l’occasion du stress et des traumatismes.
Une grille de lecture tirée de Reich, Alexander Lowen et Gérard Guasch nous aide à y voir plus clair en matière de profils psychologiques. Parallèlement à la psychopathologie clinique classique, sommes-nous schizoïde, oral, rigide, psychopate, masochiste ou phallico-narcissique ?
Schizoïde, nous sommes coupés du réel ; oral, susceptible de conduites additives ; rigide, autoritaire ; psychopate, capable de passages à l’acte ; masochiste, soumis à notre partenaire ; phallico-narcissique, dominateur et menacé de perdre la face.
L’analyse reichienne nous est expliquée avec précision par l’auteur. Nous y retrouvons la technique initiée par Freud, améliorée par Reich et ses continuateurs. Y sont décrits un certain nombre d’exercices corporels qui accélèrent le processus thérapeutique. Appelés actings, ils ont été inventés par Wilhelm Reich et codifiés par Federico Navarro. Ils s’inscrivent aux sept niveaux du corps décrits habituellement en analyse reichienne : les yeux, la bouche, le cou, le thorax, le diaphragme, l’abdomen et le pelvis.
Particulièrement riche est le chapitre où Pascal Matrat questionne l’institution. Il insiste sur la violence, le non-dit, la peur des émotions, le fonctionnement orthodoxe et normatif. Cela débouche nécessairement sur une réflexion que tout anarchiste pourrait faire sienne : « En définitive, il nous faut lutter pour aboutir à de réels changements dans notre société, parce que, dans l’avenir, seule une société ordonnée sans le pouvoir, c’est-à-dire, une société véritablement libertaire pourra permettre une libre expression de la pulsion de vie. »