L'enfer du décor

mis en ligne le 9 février 2012
Vous regardez la télé et vous voyez un président discuter avec des ouvriers du bâtiment, sur un chantier. Il a froid le président, il essaie de casser la glace en étant familier avec les prolos. Sourires figés en rictus, « on se comprend, hein ? On se comprend ». Nous on a compris que c’était pour faire joli sur les photos, comme un couple qui veut donner le change pour les voisins. Et qu’il y en a au moins un des deux qui se demande : « Mais qu’est-ce que je fais ici ? » Pensez : Les gars étaient « en intempéries » et on leur demande de venir se les geler avec Sarko ? Ils ont eu la pièce ou c’est pour les beaux yeux du patron ? Payés à faire semblant de travailler ? Comme le président, alors ? Et le béton, ils l’ont coulé ou pas ? Espérons que non, faut faire gaffe aux fondations pourries, sinon, il n’y a rien qui tient…
Comme par exemple « les maisons Borloo – les maisons à 100 000 euros – les maisons qui prennent l’eau ! » Rappelez-vous : Tout le monde ou presque avait droit à la propriété. De la pub, de la propagande, et des courants d’air, du vent ! La porte vous reste dans les mains, tout se fissure, le décor entier est en carton-pâte pour éblouir les gogos… Ceux qui ont acheté, mais aussi tous ceux qui y ont cru. La légende dit que l’on promenait Catherine II de Russie dans de faux villages avec de faux paysans pour lui faire croire que son pays était moderne. Les paysans vivaient dans la pire des misères, et ça, ce n’est pas une légende. Aujourd’hui, c’est le peuple que l’on gruge avec de fausses maisons et de vrais-faux ouvriers. Et lors des déplacements de Sarkozy, le moindre soupçon de revendication, slogan ou banderole qui pourrait apparaître devant les caméras est violemment plaqué à terre et embarqué loin du passage roya… euh républicain. C’est cela la Libert… Ah ben non, le ciment n’a pas tenu ! La Liberté est tombée dans le caniveau.
Tiens ! Dans le caniveau : Il y en a d’autres qui s’y font plaquer plus que la moyenne. Si vous avez les cheveux crépus noirs, avec un air un peu trop méditerranéen du sud, vous avez 8 fois plus de risques de vous faire arrêter par les flics… Six fois plus « seulement », si vous êtes noir. Pour peu que vous tombiez sur un flic d’extrême droite, (ils ne le sont pas tous mais le pourcentage est supérieur à la moyenne nationale), vous aurez peut-être même l’occasion de vous allonger par terre, de faire des pompes et de crier « Vive la police ! » pour pouvoir passer votre chemin. La fraternité mérite une réhabilitation.
Vous pensiez vivre dans un pays riche, mais avec 8 millions de pauvres ? C’est une malfaçon dans l’Égalité, vous avez une bonne assurance contre la chute sociale ?
On continue l’état des lieux ? Vous pensiez avoir, avec le nucléaire, l’indépendance énergétique, vous allez bientôt payer, vous, vos enfants et vos petits enfants, l’électricité la plus chère du monde. Elles augmentent, les estimations du coût du démantèlement des centrales… et le stockage des déchets radio-actifs pour les milliers d’années qui viennent, ça va douiller !
La devise nationale « Liberté, Égalité, Fraternité » est décrépite ?
Ce n’est pas dramatique, vous vous dîtes : nous vivons en démocratie. Y a qu’à changer le président.
Et si le suffrage universel, les élections, le président de la république lui-même faisaient partie du décor ? Cela ne vous est jamais venu à l’esprit ? Pas besoin d’inventer un complot, c’est tout simplement la façade que se donne le capitalisme pour cacher sa réalité.
Et cette façade nous paraît plus que jamais illusoire : du toc ! du placoplâtre ! Les colonnes du palais Bourbon se ramollissent, les dorures du Sénat se décollent, l’Élysée s’effrite, et on nous propose de repeindre tout cela en rose pour colmater les brèches… Dérisoire ! C’est à un tremblement de terre économique que nous assistons, le système s’effondre et nous nous prenons tout sur la tête. Les fondations sont pourries, faut abattre. Vous pouvez vous arc-bouter pour tenir les murs, mais sans nous.