Rencontre anarchiste en Tunisie (Tunis)

mis en ligne le 9 février 2012
Nous nous sommes rendus à Tunis afin de rencontrer les camarades avec qui nous avions pris contact lors du meeting international – Réseau de luttes – à Tunis, en septembre et octobre 2011.
L’objectif de cette rencontre était de prendre contact directement, de présenter la Fédération anarchiste et de voir ce que nous pourrions faire ensemble afin d’aider à l’émergence d’un mouvement anarchiste en Tunisie.
La réunion s’est déroulée dans un centre culturel. Une cinquantaine de personnes sont passées. Nous avions emmené des journaux, des livres, des brochures, des autocollants et des affiches. Tout est parti rapidement et a suscité beaucoup d’intérêt.
Il y a une forte demande de clarification idéologique sur l’anarchisme. La question de la religion reste centrale bien qu’occultée ou remise à plus tard. Les camarades tunisiens insistent sur la question sociale, la répartition des richesses, sur la destruction du pouvoir politique. Par contre, ils veulent garder un mouvement de masse et populaire. Du coup, ils évitent les sujets qui fâchent, notamment la religion qu’ils ne veulent pas attaquer de front pour ne pas se couper des bases populaires, en la reléguant à plus tard après avoir résolu la question sociale. De même, ils ont une vision très négative des luttes pour des libertés individuelles (liberté d’expression, liberté de conscience, etc.). Ils pensent que ce sont des libertés « bourgeoises » qui occultent la réalité sociale et les inégalités. La préoccupation du peuple est de pouvoir vivre. Quels sens ont des libertés individuelles, des droits quand la principale préoccupation est de se nourrir, de se vêtir, de se loger ? Quand la misère sociale empêche tout simplement de jouir de ces « droits » ?
Afin de conserver un mouvement de masse, ils luttent aussi avec tous les groupes et groupuscules communistes, marxistes, trotskistes, etc. Ils sont cependant très clairs sur la nécessité de briser l’État et rejettent les élections en bloc. Pour eux, ce sont les « guéguerres » politiques électorales qui ont mis un frein à l’élan révolutionnaire populaire.
Il y a une réelle liberté de parole même si nous nous savions surveillés. Cependant, la situation sociale reste tendue. Il y a encore des manifestations, réprimées violemment. Des milices islamistes, liées à Enhada – vitrine officielle mais aussi dangereuse – agressent les femmes dans la rue. Les camarades tunisiens craignent une islamisation de la société comme en Algérie. Par exemple, des mosquées se construisent dans les casernes.
En tout cas, la preuve est faite que la bourgeoisie « éclairée » a préféré s’allier aux islamistes plutôt que de laisser se poursuivre l’élan révolutionnaire. C’est encore pour cette raison que les camarades tunisiens sont très réticents sur les libertés « individuelles bourgeoises ». La bourgeoisie accepte de museler les libertés du peuple car son statut privilégié lui permet de bénéficier de libertés privilégiées.
Dans la rue, l’armée et la police sont de nouveau bien visibles. Les principaux bâtiments officiels sont protégés par l’armée, entourés de barbelés, afin d’éviter d’éventuelles occupations par de nouvelles manifestations. Le mouvement révolutionnaire tunisien va donc devoir inventer de nouvelles formes de lutte. Il y a une réelle tentation à créer des structures syndicales autonomes, autogestionnaires. L’idée de récupérer des usines victimes de délocalisation, des logements vides, fait son chemin.
Il reste les structures de lutte des diplômés chômeurs, les comités de défense de la révolution, même si ceux-ci sont en sommeil. Le feu couve encore sous la braise.



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


julien bézy

le 13 février 2012
Il est important de garder des contacts internationaux.