Maastricht abstention

mis en ligne le 1 août 1992
Ce fameux traité, que le gouvernement nous demande d’approuver sans jamais nous avoir associé à son élaboration, est une étape (certes importante) d’un processus porté par la « social-démocratie » depuis la fin de la dernière guerre européenne. En effet, Maastricht n’est qu’un élément parmi les nombreux traités, accords, et autres paperasses déjà signés et sur lesquels personne ne nous a jamais demandé notre avis ni avant, ni après ! Référendum ou pas, le projet sociétaire européen du XXIe siècle se construit.

La meilleur façon de dire NON à Maastricht, c’est de s’abstenir et d’agir !
Il est basé sur une économie (libérale), une organisation sociale (centraliste), une morale (rétrograde) justifiant les deux autres éléments.
Le capitalisme européen a su très vite s’organiser et s’entendre sur l’essentiel, pour contrôler son marché intérieur et lutter face aux dragons asiatiques et autres concurrents nord-américains. Pour nous, le choix ne se situe pas entre Calvet ou Périgot, mais bien dans la mise en place de pratiques sociales, de revendications à l’échelle européenne, mondiale, débouchant sur une transformation radicale de l’économie par la disparition des disparités économiques et hiérarchiques à l’intérieur des entreprises françaises ou européennes, ou d’ailleurs. Dans cette perspective, aucun NON ne pourra être d’une quelconque utilité.
Les politiciens ont peur du vide, ils n’ont aucune imagination. Pour conserver leur place au soleil, nos décideurs ont rapidement mis en place, parallèlement à l’économie, un appareil étatique de taille Européenne capable de remplacer les États existants. Tous les organes de l’État ont été soumis à des accords de coopération et autres conventions permettant au pouvoir d’annoncer la « fin des frontières » et, dans le même temps, de renforcer le contrôle social partout en Europe, de remettre en cause le droit d’asile… Tout comme l’ancien empire soviétique avait ses polices et des forces armées entraînées au maintien de l’« ordre » interne, la CEE (comme l’ont montré les manœuvres Farfadet 92) développe les mêmes concepts « démocratiques ». L’Europe de la police, de la justice, de l’armée existait bien avant Maastricht et ne sera point remise en cause par un NON !
Les Églises participent à cet édifice, avec la promotion d’une morale entièrement au service des deux premières idées. A l’intérieur, il s’agit de mettre en cause tout ce que la laïcité avait apporté de liberté et d’égalité aux hommes et surtout aux femmes et de remettre au goût du jour les bonnes vieilles recettes, telles que la résignation, la charité et la mauvaise conscience : « Ici, c’est tellement mieux qu’ailleurs, alors arrêtez de vous plaindre et taisez-vous ! ». Vers l’extérieur, l’humanitaire et la théorie du moins pire, là aussi chargés de donner mauvaise conscience aux exploités travaillant en Europe, présentés comme des nantis pollueurs face au tiers-monde pauvre et pollué. Facile ! Cela permet de mieux couvrir les vrais responsables chez les uns et chez les autres, de justifier les interventions militaires dans les pays du tiers-monde qui menacent les intérêts vitaux du capitalisme (guerre du Golfe).
Pour la Fédération anarchiste Maastricht n’est qu’une péripétie dans un processus qu’un NON franc et massif ne saurait changer ou arrêter. Par ailleurs, le NON ne peut que promouvoir une idéologie réactionnaire et nationaliste de la pire espèce, qu’elle soit issue de la gauche ou de l’extrême droite.

La meilleure façon d’être pour l’Europe, c’est de s’abstenir… et d’agir !
Il est clair que notre projet sociétaire n’a rien à voir avec celui des bureaucrates européens. L’Europe ? dès le milieu du XIXe siècle, les anarchistes au sein du l’Association internationale des travailleurs luttaient pour une société débarrassée de toutes les frontières, des inégalités sociales et organisée grâce au fédéralisme libertaire. Ce combat, les libertaires n’ont cessé de le mener par exemple en organisant les premières brigades internationales pour l’Espagne républicaine, en 1936.
Il est impensable que nous approuvions une entreprise dont l’unique but est de transférer toutes les tares de nos États-nations vers un échelon européen que nos « décideurs » économiques ou politiques trouvent plus adéquat à l’aube du XXIe siècle.
En aucun cas, voter OUI ne favorisera la construction d’une société sans classes ni État, basée sur la liberté des individus, l’égalité sociale et l’entraide entre les peuples du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest !
En cette fin de siècle, les libertaires multiplient les rencontres, les actions européennes pour construire un autre futur à notre planète.

Agir
Quelle peut être la stratégie d’une organisation qui a pour finalité une transformation radicale et sociale de cette société ?
Agir, avancer des revendications en rupture avec cette société à l’échelle européenne, mettre en place des pratiques qui permettent de créer des espaces d’autonomie, de liberté, qui préfigurent l’organisation libertaire et les rapports entre les Hommes.
Ces luttes, ces pratiques existent en France et ailleurs, le plus urgent n’est pas de se polariser sur ce leurre démocratique qu’est ce référendum, mais dès maintenant, de construire d’autres futurs partout où c’est utile, où c’est possible.
Vous pouvez le remarquer, à aucun moment nous proposons d’utiliser les urnes.
Il faut dire que si ce type de référendum pouvait transformer la société, depuis le temps, cela se saurait.