SeaFrance : politiques contre travailleurs

mis en ligne le 26 janvier 2012
Ce qui est désolant dans les conflits sociaux qui se déroulent actuellement, c’est de voir et entendre les représentants des boutiques syndicales et les travailleurs faire appel aux hommes politiques et à l’État. Et ça, c’est relayé complaisamment par les médias. Ils vont même jusqu’à rechercher des patrons pour reprendre les entreprises que d’autres patrons ont liquidées avec l’aval des politiques. Et, comme dans la lutte que mènent les marins de SeaFrance qui proposent avec la CFDT de créer une Scop (Société coopérative ouvrière de production), les représentants de l’État mettent tout en œuvre pour pourrir les négociations. Il s’agit, pour ce dernier, de créer un tel sac de nœuds qu’il est impossible de démêler le vrai du faux. Pour qu’au bout du compte, les travailleurs soient désignés comme les seuls responsables de la liquidation de l’entreprise. Par exemple, à Pétroplus, le délégué syndical CGT, dans une sorte de désespoir inconscient, va jusqu’à faire venir sur le site tous les candidats à l’élection présidentielle et toute la faune des élus locaux, départementaux, régionaux, pour se jeter désespérément dans les bras des esclavagistes et des exploiteurs. Le degré de soumission est tel que même les délégués syndicaux font le sale boulot pour le gouvernement en allant jusqu’à proposer au gouvernement des repreneurs comme : la société nationale d’Azerbaïdjan ou le Qatar. Aux dires du délégué CGT, l’entreprise à des projets plein les tiroirs qu’il suffit de lancer. Alors, pourquoi demander à l’État de saisir la raffinerie ? Pourquoi solliciter un intermédiaire pour brader ce qui appartient aux travailleurs quand, seuls les travailleurs sont en capacité de faire fonctionner cette entreprise.
Les dirigeants liquidateurs ne sont pas des pétroliers mais des financiers et seul compte pour eux le profit. Les conditions sont réunies pour que les travailleurs prennent possession de leur outil de travail. Il suffit qu’ils se libèrent de leurs entraves que sont trop souvent les dirigeants des boutiques syndicales et les élus politiques.
Les travailleurs de M-Réal en sont au même point. Ils s’en remettent aux élus et au gouvernement, ce qui équivaut à forger soi-même les chaînes de la soumission, de l’esclavage et à se donner des maîtres qui n’hésiteront pas à attenter aux libertés, à licencier et à matraquer à la moindre tentative de rébellion. C’est se donner des verges pour se faire battre. Faut-il que l’aliénation qu’ils subissent depuis plusieurs siècles soit à ce point imprégnée dans leurs cerveaux pour qu’ils se considèrent comme des êtres inférieurs et donc incapables de se prendre en charge sans tuteur ? Cette lutte de classes est cadenassée par des responsables syndicaux qui maintiennent les travailleurs dans un état de dépendance. Et ce d’autant que, lorsque les syndicalistes font preuve d’indépendance et d’initiative, c’est le pouvoir politique qui prend le relais.
À cet égard, le conflit des marins de SeaFrance est exemplaire et mérite que l’on s’y arrête. C’est le 16 novembre 2011 que le tribunal de commerce de Paris a refusé l’offre de reprise de Dreyfus armateurs et du danois DFDS, tout comme celle de la Scop présentée par la CFDT. En conséquence, il a prononcé la liquidation de la compagnie de navigation SeaFrance, avec une poursuite de l’activité jusqu’au 28 janvier 2012. À partir de là, les ministres aux ordres du petit roi, y sont allés de leurs fantaisies. Ils ont qualifié le projet de Scop de « suicide collectif », voué à l’échec. Ce qui n’a pas empêché les marins de peaufiner le projet. Face à la ténacité des travailleurs qui, dans les tempêtes, savent, contrairement à d’autres marins d’opérette, affronter les éléments déchaînés, les écornifleurs au pouvoir ont fait « machine arrière toute ». Élection présidentielle oblige. Il s’agissait pour le Ponce Pilate de se faire une virginité en rejetant l’échec programmé du sauvetage du navire sur les marins. C’est ainsi que, le 2 décembre 2011, les porteurs du projet de la Scop étaient invités au ministère des Transports. Il s’agissait pour les faquins au pouvoir de discréditer et de démontrer la non-faisabilité du projet pour justifier sa non-intervention auprès des banques afin qu’elles y injectent les 50 millions d’euros manquants. Pourquoi une telle attitude, alors que l’État n’hésite jamais à venir au secours des États industriels ou des banquiers ? Tout simplement parce que l’État et la « maison mère » de la CFDT ne veulent pas et craignent que les travailleurs prennent possession de leur outil de travail et s’en approprient la gestion. En cette période de crise, cela pourrait donner des idées aux autres travailleurs qui luttent pour le maintien de leurs emplois et la survie de leurs entreprises. Le marmouset qui est aux affaires sent bien que la situation peut lui échapper, alors il fait intervenir ses sicaires. Ils font preuve de beaucoup d’ingéniosité et de malhonnêteté. Ils sont prolixes pour faire en sorte que le projet prenne l’eau et qu’il sombre corps et biens. Ils proposent d’injecter des capitaux publics par le biais des collectivités territoriales, ce qui est juridiquement impossible ; ils demandent à ce que la SNCF rachète les bateaux pour ensuite les relouer à la Scop, ce qui revient à vider de son contenu la coopérative et à déposséder les marins de leurs outils de travail. Comme les tenants du projet se font de plus en plus pressants, ne lâchent pas le morceau et refusent toutes les propositions assassines, les politiques manœuvrent pour amener le bateau en cale sèche. Car, depuis longtemps, ils ont décidé de saborder le navire et de laisser le marché de transport des passagers à la seule compagnie anglaise P & O. Les faquins rusent à nouveau en proposant la création d’une SEM (Société d’économie mixte), par le financement de l’État, des collectivités locales et territoriales. Les chevaliers d’industrie qui détiennent le pouvoir et l’autorité font dans la magouille la plus vile. Ils ne parlent plus de Scop : il s’agit à tout prix de reprendre la main car ils sentent que leur pouvoir et leur autorité sont en train de basculer en faveur des marins. Il n’est absolument pas question que des travailleurs puissent sortir du carcan de l’exploitation capitaliste en pratiquant l’autogestion.
Les malfrats du gouvernement agissent en concomitance avec les épiciers de la maison mère de la CFDT pour saborder le projet de Scop. Les écornifleurs fricotent leurs affaires à voix basse. C’est ainsi que, par le biais d’une centaine de non-syndiqués, remonte à la surface le projet de reprise de la compagnie Louis Dreyfus armateurs et le danois DFDS. Et voilà qu’en ce lundi 9 janvier 2012, le PDG d’Euro-Tunnel vient au secours de la Scop. Il dit vouloir être majoritaire entre 51 % et 100 % et faire de la Scop l’opérateur de la compagnie. Décidément, ça sent une fois de plus la magouille et le coup fourré. Car le facteur qui détermine la dynamique d’une Scop, et qui en fait la différence fondamentale au niveau de la gestion avec une entreprise de type capitaliste, c’est que la démocratie et les décisions s’appliquent dans le cadre de l’assemblée générale des salariés associés où, selon la règle, une personne égale une voix. Chacun a la même voix quel que soit le capital qu’il détient et sa position hiérarchique. On ne sent pas bien cette proposition dans la mesure où ce bienfaiteur/malfaiteur qui émerge opportunément prétend vouloir être actionnaire majoritaire et faire des salariés de la Scop l’opérateur de la compagnie. Cela ressemble à un hold-up. Puisque Euro-Tunnel ferait main basse sur la compagnie de navigation SeaFrance avec l’argent que les marins auront mis dans le capital de la Scop, et deviendrait propriétaire des bateaux dans la mesure où la SNCF est prête à les brader à bas prix ; ensuite, pendant quelques mois, il exploiterait les marins pour, au bout du compte, revendre en réalisant des bénéfices monstrueux.
Dans le même temps, les mercantis de la maison mère CFDT et son épicier en chef, accusent les marins CFDT de SeaFrance d’être, du fait de leur intransigeance, les responsables de la durée du conflit. Aussitôt, la chattemite Nathalie Kosciusko-Morizet s’est engouffrée dans cette voie d’eau et se félicite qu’il y ait maintenant « deux écoutilles ouvertes ». Or, dans les faits, il n’y a rien de nouveau par rapport au 16 novembre 2011, date de la mise en liquidation judiciaire de la compagnie SeaFrance. On retrouve les mêmes protagonistes. La seule différence, c’est qu’il se sera passé deux mois, et que les argousins ont ouvert toutes les écoutilles pour faire échouer le navire, de telle façon qu’il ne soit plus permis de le renflouer. Les feux sont allumés, la tempête se déchaîne et il n’y a plus personne pour fermer les écoutilles car les rats ont quitté le navire. L’eau pénètre dans tous les compartiments, le navire est en train de couler. Ce soir, lundi 9 janvier 2012, l’injustice de classe est passée et les justiciers ont entériné le sabordage du navire. Les requins tournent autour du navire et attendent le moment propice pour se jeter sur leur proie et la dépecer. Mille sabords de mille sabords ! Marins, ne laissez pas votre sac à quai, prenez possession de vos navires, n’écoutez plus le chant des sirènes qui ne peuvent que vous attirer vers des fonds abyssaux d’où l’on ne revient pas. Appropriez-vous vos outils de travail car vous seuls avez le savoir-faire pour les faire naviguer. Pour cela, il vous faudra vous débarrasser de tous les politiques et des pseudo-syndicalistes bureaucrates qui vous trahissent, afin de vous maintenir dans la soumission et l’obéissance aux chefs. L’heure a sonné. Il y a urgence, pour tous les travailleurs en lutte, d’exproprier tous ces patrons vautours et de se débarrasser une bonne fois pour toute des hyènes politiques.