La vasectomie : qu’est-ce que c’est ?

mis en ligne le 1 janvier 1975
Tous les comédiens du Grand Guignol nous l’ont dit à propos du projet de loi sur l’avortement : la solution à ce problème doit être une diffusion des moyens contraceptifs afin d’éviter les drames quotidiens.
Dans la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, il est dit (Titre II, article 3, section 1) : « En aucun cas l’interruption de grossesse ne doit constituer un moyen de régulation des naissances. À cet effet, le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour développer l’information la plus large possible sur la régulation des naissances, notamment par la création généralisée dans les centres de protection maternelle et infantile de centres de planification ou d’éducation familiale et PAR L’UTILISATION DE TOUS LES MOYENS D’INFORMATION 1. »
Je vais donc me faire un plaisir et un devoir de vous parler d’un moyen de régulation des naissances qui, pour une fois, à ce sujet, va concerner les beaux mâles fiers de leurs attributs virils qui font (d’après de grands hommes comme Freud) pâlir de jalousie, voire traumatisent les petites filles qui seront plus tard nos compagnes.

Un peu d'histoire
La vasectomie, préconisée dès 1890 par des urologues pour empêcher des infections ascendantes des voies génitales après une prostatectomie, n’a été utilisée pour limiter la procréation qu’à partir de 1914. Sa pratique ne s’est vraiment répandue dans ce but qu’à partir de 1948 en Corée et au Japon, puis aux Etats-Unis et en Inde à partir de 1960 (on estime à 6 millions le nombre de vasectomies réalisées en Inde entre 1968 et 1972).

Qu'est-ce que la vasectomie ?
«  La vasectomie, pratiquée sur des hommes en bonne santé physique et mentale, n’affecte pas de façon significative l’équilibre hormonal masculin, ni le désir sexuel, ni la capacité d’érection et d’éjaculation. L’opération consiste en la section ou le blocage des deux canaux déférents (les canaux qui transportent le sperme des testicules au pénis). Par une petite incision du scrotum, le chirurgien coupe, ligature, coagule ou pince les canaux. On pratique habituellement une anesthésie locale. Après un bref repos (l’opération dure entre 10 et 20 minutes), le patient quitte l’hôpital ou le bloc opératoire mobile 2. »
Donc :
1. Rasage du scrotum (l’enveloppe des testicules),
2. Piqûres anesthésiantes,
3. Section des canaux déférents et ligatures de ces canaux ou électrocoagulation, pose de pinces ou d’agrafes (technique variant selon les opérateurs),
4. Pose d’un pansement adhésif pour éviter la douleur que pourrait causer l’incision du scrotum pendant la marche du patient.

Précautions à prendre après une vasectomie
La vasectomie n’offre une protection complète que lorsque tout le sperme emmagasiné dans le système de reproduction est entièrement éjaculé (c’est une question de semaines ou de mois). Plusieurs examens du sperme, des spermogrammes, doivent être pratiqués avant que le médecin ne donne le feu vert. En attendant la compagne de l’opéré devra utiliser la méthode contraceptive que lui aura conseillé son ou sa gynécologue.

Efficacité
La vasectomie par rapport aux autres méthodes de contrôle des naissances a un taux d’échec bas (environ 0,15 %). Les échecs sont habituellement causés par un des facteurs suivants :
- Recanalisation des extrémités des canaux ;
- Rapports sexuels avant que l’appareil reproducteur soit vide de sperme ;
- Section d’un canal autre que le canal déférent ;
- Présence rare mais possible de plus d’un canal d’un côté.

Avantages et inconvénients de la vasectomie
Elle est efficace parce que c’est une opération pratiquée en une fois qui élimine le besoin d’acheter et d’user de contraceptifs. Elle est sûre avec très peu de morbidité et quasiment pas de mortalité, simple, nécessitant un minimum d’instructions pour la plupart des médecins, courte, durant 10 à 20 minutes, commode puisque ne nécessitant qu’une anesthésie locale.
Cependant elle comporte certains inconvénients : elle nécessite la chirurgie, il y a des risques de complications comme les hémorragies ou les infections, elle n’est pas applicable pour les hommes qui désirent avoir ensuite des enfants, car elle est dans la majeure partie des cas irréversible ; des problèmes psychologiques liés au comportement sexuel peuvent être aggravés par une opération concernant le système de reproduction, enfin pour un homme qui confond la virilité avec la capacité de rendre une femme enceinte, la vasectomie offre peu d’attrait.

Position des différentes Églises
L’Église catholique interdit la pratique de la stérilisation en tant que méthode contraceptive. Dans l’Encyclique Humanae vitae Paul VI condamne « la stérilisation directe, qu’elle soit perpétuelle ou temporaire tant chez l’homme que chez la femme » et d’une façon générale « toute action qui, soit en prévision de l’acte conjugal, soit dans son déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se proposerait comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation ».
La position de l’Islam a longtemps flotté, mais à priori aucun texte du Coran ne s’oppose aux pratiques contraceptives.
Chez les protestants et chez les juifs, la stérilisation est parfaitement admise. Le directeur du « département des problèmes de population » au sein de « l’Église méthodiste unie » à Chicago, le révérend Rodney Shaw, a lui-même eu recours à la vasectomie à l’âge de 37 ans après avoir eu trois enfants.
La stérilisation masculine ne semble pas non plus aller contre les enseignements de l’hindouisme ou du bouddhisme.

La vasectomie et la loi
La loi est différente selon les États :
- Pays dans lesquels n’existe pas de loi répressive s’appliquant à la stérilisation et où elle est présumée autorisée (Inde, Pakistan, Corée du Sud, Iran, Porto-Rico) ;
- Législation autorisant la stérilisation volontaire de façon explicite avec des limitations plus ou moins larges (les Etats de Virginie et de Caroline du Nord, Grande-Bretagne, Tchécoslovaquie, Danemark, Singapour, Japon, Finlande, Honduras, Suisse, Norvège, Panama, Suède, Thaïlande, Allemagne de l’Ouest) ; ces restrictions sont d’ordres divers :
1. L’âge,
2. Temps de réflexion,
3. Avis du ministère de la Santé,
4. Nombre d’enfants.
- La plupart des pays socialistes d’Europe centrale et orientale, alignés sur la législation soviétique prohibitive en cette matière ne retiennent pas la culpabilité du médecin ; la stérilisation ne constitue pas un acte criminel si elle a été effectuée avec le consentement de l’intéressé et ne représente pas un danger social. Mais le 7 février 1955 Khrouchtchev disait : « Celui qui fonde une famille est un bon citoyen. Notre pays deviendra d’autant plus fort que la population sera plus nombreuse. Les idéologues bourgeois ont adopté des théories d’anthropophages, parmi lesquelles la théorie du surpeuplement. Ils s’interrogent sur la façon de réduire la natalité, de diminuer l’accroissement de la population ; chez nous, camarades, le problème est tout autre. Si aux 200 millions que nous sommes, s’en ajoutent encore 200 millions ce serait peu ! »
En Chine communiste, la stérilisation pour des causes non médicales est autorisée mais déconseillée. Depuis l’avènement du communisme en 1949, on distingue quatre phases :
- De 1949 à 1953, maintien intégral de la doctrine marxiste : « Dans un pays socialiste, il ne peut pas y avoir de surpopulation ».
- De 1953 à 1958, évolution vers la prévention des naissances, consacrée par la loi du 7 mars 1957. Une baisse de 50% de la natalité en dix ans était prévue ;
- En 1958 retour à l’orthodoxie marxiste ; depuis ce moment aucun résultat n’a été publié, aucun objectif non plus ;
- Un peu plus tard, sans qu’on puisse préciser la date, reprise discrète mais importante de la propagande en faveur de la prévention des naissances.
Il existe encore des pays où la stérilisation volontaire tombe sous le coup de la loi pénale (généralement assimilée à des coups et blessures volontaires). Ils sont très nombreux, par exemple : Belgique, Italie, Espagne, Grèce, Portugal , Autriche, Chili, Brésil, Costa Rica, Guatemala, etc...

Et la France...
Le conseil national de l’Ordre des médecins a fait connaître sa position à plusieurs reprises : « La stérilisation préventive à but uniquement anticonceptionnel est rigoureusement interdite 3. »
Il n’existe aucun texte législatif réglementant la stérilisation féminine ou masculine, mais la rare jurisprudence existante en la matière considère que cet acte tombe sous le coup des articles 309 et 310 du Code pénal punissant l’auteur de coups et blessures volontaires 4. Ce sont ces dispositions du Code qui furent appliquées dans le procès de Bordeaux contre nos camarades anarchistes en 1935.
Il serait temps que tous les hommes qui soutiennent la lutte des femmes contre la loi de 1920 et pour leur émancipation assument leurs responsabilités en prenant conscience qu’il est d’autres lois scélérates et que la contraception, c’est aussi l’affaire des hommes.

Jean-Claude Devinck






1. C’est nous qui soulignons.
2. Extrait du Population Report, décembre 1973
3. Session d’avril 1955 (Bulletin de l’Ordre, juin 1955, p. 119). Session d’avril 1964 (Bulletin de l’Ordre, juin 1964, p. 115).
4. Article 309 du Code pénal : « Tout individu qui volontairement aura fait des blessures ou porté des coups, ou commis toute autre violence ou voie de fait, s’il est résulté de ces sortes de violence une maladie ou une incapacité de travail de plus de 20 jours, sera puni d’emprisonnement de 2 à 5 ans et d’une amende... Quand les violences ci-dessus exprimées auront été suivies de mutilation, amputation, ou privation de l’usage d’un membre, cécité, perte d’un œil ou autres infirmités permanentes, le coupable sera puni de réclusion... »