Eléments sur la musique à la radio

mis en ligne le 19 janvier 2012
« De la musique avant toute chose ! » Paul Verlaine. « Votre révolution, si je ne peux pas danser, je n’en veux pas ! » Emma Goldman. « Par-delà le blues cette étude veut aussi réhabiliter le chant et la chanson, qui forment un sous-groupe de ce que l’on nomme poésie ou littérature orale, dans un monde où l’oralité a depuis longtemps été mise sous l’éteignoir par l’écriture. L’étude des faits de culture oraux est une branche non négligeable du savoir qui a permis la connaissance et la compréhension de nombreux groupes ethniques ou culturels. Comme le souligne Paul Zumthor dans un ouvrage impressionnant intitulé Introduction à la poésie orale, il est difficile de nier le rôle qu’on joué les traditions orales dans l’histoire du monde : c’est grâce à elles que se sont maintenues et se maintiennent les civilisations archaïques et de nombreuses cultures marginales. Malheureusement, les recherches sur l’oralité se déroulent souvent un peu à l’insu du grand public et l’enseignement, même universitaire, n’en a guère bénéficié. » (Robert Springer, Fonctions sociales du blues, Editions Parenthèses, 1999).
La première citation est d’un « poète maudit », la seconde d’une anarchiste russe d’origine juive. À quoi bon ces citations du passé ? Choses retirées de leur contexte et utilisées, en fait, pour éclairer un aspect du microcosme des radios libres. Le long extrait sur le blues précise l’importance de la musique, qui se doit être traitée sur le même plan que le discours et l’écrit. Prenons le cas de notre rebelle radio. Il y a quelques décennies, notre but premier à Radio libertaire était la propagande, répandre l’idéal anarchiste. Dans les premiers temps, les émissions étaient d’abord politiques. D’où une propension à considérer les émissions musicales non pas comme inférieures, mais quasiment « ornementales ». Prenons le cas (au hasard…) de Blues en liberté. Passer des disques de blues a d’abord comblé les « blancs » dans la programmation 1. « La musique afro-américaine était-elle compatible avec l’anarchisme ? » me demandait-on souvent ! À quoi je répondais, souvent en bottant en touche : l’art comme la musique ne doit pas être estampillée. Bakounine aurait-il crémé le Chicago blues et Élisée Reclus Albert Collins ? Remarquez, jai été navré le jour où j’ai découvert, dans une revue américaine, une sorte d’organigramme avec à la fois des portraits d’Edgar Poe, Trotsky et Charley Patton.
Malgré tout se pose le problème : une émission musicale peut-elle éveiller à une conscience politique ? Il est « de toute évidence » que l’écoute ponctuelle de notre chère radio sans dieu ni maître peut rebuter, et ce n’est pas une question de génération. Une demi heure d’émission sans pause musicale peut torpiller les meilleurs discours ! L’écoute de chansons dites à textes 2 est, certes, une réponse, mais la musique seule peut aussi amener à la réflexion politique. Comme l’écrivait il y a quelque temps Donovan, protest singer des années soixante : « Peu importe les mots, les idées mais plus la façon de les dire. » Il défendait l’idée que, d’une façon chamanique, on pouvait être sensible aux sons sans en comprendre les paroles. De « bonnes vibrations » suffisent-elles à changer le monde ? Certes non, mais elles y contribuent. Blues en liberté y trouve sa trace, mêlant musiques et messages anarchistes. Nous ne sommes pas les seuls, ben heureusement. Voilà ! Le débat continue…

Thierry
Blues en liberté



1. La réalité est, bien sûr, plus complexe. Gérard Terrones faisait déjà une émission sur le blues. Il m’a passé le relais pour se consacrer à Jazz en liberté.
2. Serge Utgé-Royo, pour ne citer que lui, est de cette veine libertaire qui conjugue musiques et messages, les citer toutes et tous, je ne le puis.