Brassens, si tu avais vu ça !

mis en ligne le 19 janvier 2012
1656BrassensCe matin, mardi 13 décembre, avait lieu à la 17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris, le report d’audience de Jean-Paul et Michel accusés de « violence sur gendarmes » durant la chorale pacifique ayant interprété a capella, Hécatombe de Brassens sur la voie publique, non loin, d’ailleurs, de la préfecture de Paris, au printemps dernier. Environ 25 soutiens aux chanteurs assistaient à cette drôle de joute oratoire matinale, en l’absence des deux gendarmes plaignants…
Jean-Paul, le premier accusé, rappelle au président du tribunal sa version des faits et insiste, en préambule, sur l’aspect pacifique de cette chorale qui avait rassemblé entre 40 et 60 personnes, selon les différentes sources journalistiques. Tandis qu’il s’était mis à pleuvoir et en entamant pour la seconde fois la chanson, ils se virent entourés par un nombre impressionnant de gendarmes qui, d’abord, ordonnèrent aux chanteurs de se disperser puis, dans un second temps, les en empêchèrent pour les diriger arbitrairement vers la bouche de métro la plus proche. Il s’en suivit un grand désordre dans les escaliers et c’est ainsi que Jean-Paul perdit l’équilibre et tenta de se raccrocher à la rampe. Alors qu’il se redressait, un gendarme (une des nombreuses photos prises durant l’événement en font foi) lui tordit l’oreille, mais c’est ce dernier qui se vit accusé d’avoir tordu celle du gendarme et de lui avoir arraché son calot…
à son tour, Michel explique qu’il s’est vu, lui aussi, précipité violemment dans la bouche de métro et, qu’ayant également perdu l’équilibre, il avait tenté de se raccrocher à ce qu’il pouvait : l’oreillette d’un gendarme. Mais au dire (déclaration écrite) de ce dernier, c’est Michel qui la lui aurait arrachée volontairement et c’est la raison pour laquelle il se serait retrouvé plaqué au sol par deux flics (après sa garde-à-vue, Michel a rendu trois visites au médecin et obtenu dix jours d’arrêt de travail pour douleurs costales).
La procureure de la république s’est contentée de souligner la difficulté, dans le cas présent, à faire le distinguo entre une chorale pacifique et une manifestation, ainsi qu’entre une bousculade et des actes de violence… L’avocat de la défense a, pour sa part, insisté sur le caractère honorifique de cette chorale rendant hommage à un des plus grands poètes de France, reconnu comme tel à l’unanimité (frontons de nombreux bâtiments publics en témoignant). Pour ce dernier, il ne s’agissait pas d’une manifestation puisqu’aucun slogan et aucune revendication ne s’y sont exprimés. Il a expliqué qu’il était difficile pour les chanteurs de répondre aux ordres contradictoires et d’« en même temps se disperser, puis cinq minutes plus tard se regrouper pour partir en métro ». L’avocat a ensuite cité la déclaration d’un des deux gendarmes qui, lors d’une confrontation a reconnu que devant « l’hécatombe… », ou disons « la bousculade », « il en avait perdu son calot » ! La défense a enfin conclu sur un rappel de la loi : « Nulle part dans les rapports des forces de l’ordre n’a été notifiée l’origine de l’ordre demandant de disperser la chorale. S’agissait-il d’un ordre licite émanant de la préfecture ou de la mairie, ou d’un ordre illicite ? Il revient donc à la justice de trancher. » Ce qu’après avoir délibéré, elle fit, et c’est ainsi que nos deux chanteurs furent relaxés « sous bénéfice du doute ». S’il y a matière à doute, ce n’est certainement pas vis-à-vis des frais de justices avancés par les soutiens de nos interprètes de L’hécatombe (1 750 euros x 2). Car aujourd’hui, chanter simplement Brassens peut coûter très cher : plusieurs dizaines d’heures de garde-à-vue et les frais de justice ! Ce qui n’aurait finalement peut-être pas déplu à notre cher camarade Brassens ?