PPP

mis en ligne le 8 décembre 2011
Vous ne vous rendez pas compte de la malchance que vous avez de vivre ailleurs que dans ce département de pointe qu’est, malgré sa discrétion médiatique, le Loiret. En effet, c’est ici que s’expérimentent pour la joie et le plaisir de tous, les PPP (Partenariat public privé) dans l’Éducation nationale. Prévus par une ordonnance de 2004, ces contrats permettent de confier la mise en œuvre globale d’un collège pour une durée de 10 à 20 ans, et ensuite d’externaliser au privé une foule d’activités antérieurement dévolues au public, comme par exemple l’entretien, la cantine, etc. Après avoir créé un premier collège de ce type à Villemandeur, près de Montargis, la construction de deux nouveaux établissements est lancé par le Conseil général. Fort de ce qu’il nomme une réussite, le modèle s’étendra bientôt, n’en doutons pas, au reste du pays. Ainsi, le département de Seine-Saint-Denis lance un programme de 30 collèges en PPP… Ce « mode de gestion moderne et efficace » a fait ses preuves :
Le recours au privé pour remplacer le personnel d’entretien, de nettoyage, toutes les petites réparations du quotidien est une ineptie : moins d’adultes dans un établissement, moins de réactivité, moins de liens humains. Si une dégradation est commise, si un matériel dysfonctionne ou si un enfant vomit dans un couloir, on attendra la venue de la boîte d’entretien en soirée… Les visiteurs sont surpris par la vitesse à laquelle l’établissement de Villemandeur a été dégradé. Pas grave : « La tenue par le mainteneur d’une main courante chiffrée permet de connaître le coût réel des dégradations sur un équipement. » Et sur l’ambiance de travail ? le moral des élèves, des familles et des profs ?
Les boîtes privées font toujours payer le prix fort… ce qui pouvait être réalisé en cinq minutes par un technicien présent (fainéant de fonctionnaire !) sera accompli après délai, frais de déplacements, « j’y retourne je n’ai pas le matos » en quelques jours.
Le Conseil général a fait le choix « d’aider l’économie », c’est ce qui doit expliquer qu’il ne fasse jamais fonctionner la garantie « décennale » : les matériels sont défectueux ? La pose est mal faite ? Dans un collège des tuyaux de chauffage s’effondrent sous un préau parce qu’ils ne tenaient qu’avec quelques vis à placo… Le Conseil général remet la main à la poche et… la poche de qui ? Dans un autre établissement, les parents d’élèves en sont réduits à vendre des petits pains à la récréation pour acheter des manuels scolaires aux élèves.
Le personnel technique, qui a, il y a quelques années, été « externalisé », dépend désormais des Conseils généraux. Il fallait « dégraisser le mammouth ». Ils peuvent désormais être supprimés par étapes, exemple : les cantines. Le département va construire une cuisine centrale à Meung sur Loire, afin de livrer de la nourriture dans un rayon de 100 km. Cette cuisine desservira l’ensemble des futurs collèges rénovés (PPP) en liaison froide, c’est à dire des plats cuisinés jusqu’à trois à quatre jours à l’avance et jusqu’à six jours avec une dérogation des services vétérinaires. Les cuisiniers et agents de restauration seraient chargés de réchauffer des plats produits ailleurs. Les personnels dont les cantines ferment et qui refusent d’aller travailler à 100 km de là à la cuisine centrale reçoivent leurs lettres de licenciement. C’est cela le développement durable : de la bouffe trimbalée sur des dizaines de kilomètres, pas d’approvisionnement local, et un gaspillage monstrueux. Car les repas servis, sous prétexte de choix identique proposé à tous du début à la fin, sont facturés parfois 8 euros pièce au Conseil général alors que le « prix élève » est de 3 euros. Tout ce qui n’est pas mangé est jeté… et facturé ! C’est encore ce que le Conseil général doit considérer comme de l'« aide à l’économie », priorité affichée qui lui permet de justifier la réduction drastique des budgets des collèges publics.
De nouveaux modes de calcul sont mis en place, qui diminuent les subventions (les conseils généraux sont les financeurs principaux des collèges). De partout arrivent des nouvelles alarmantes : là, un budget de CDI (documentation) divisé par 7. Ailleurs l’enveloppe par élève qui passe de 57 euros par an à 50. Ici, les fonds sociaux, qui aident les élèves dont les familles sont en grave difficulté économique, sont diminués de 50 %, alors que l’on ne s’en sortait déjà pas avant. Budgets de misère, gestion « privée », qui rendront l’école publique médiocre et justifieront l’apologie du privé ! On rogne sur tout, en particulier les réserves de fonctionnement qui ne doivent plus dépasser 5 % du budget, c’était 30 % il y a deux ans. Avec la hausse du gaz qui nous pend au nez, les chefs d’établissement espèrent un hiver doux… Ils ont raison, faudrait qu’ça chauffe !