Sortie du nucléaire : discours de Bordeaux du 15 octobre 2011

mis en ligne le 27 octobre 2011
1648AntinucleaireÀ Tokyo, le 19 septembre, des dizaines de milliers de personnes, bien plus lucides que les membres de leur gouvernement et les dirigeants de l’industrie qui le financent ont manifesté pour la sortie du nucléaire.
Aujourd’hui à Dunkerque, Rennes, Strasbourg, Toulouse, Périgueux, Bugey, Avignon, Toulon, Nice et Bordeaux, le mouvement antinucléaire se rend une nouvelle fois visible. Constitué essentiellement du Réseau sortir du nucléaire et de collectifs locaux, il a développé une force de frappe militante importante par la diffusion massive de tracts et fascicules qui ont permis à de nombreuses personnes de se forger un argumentaire antinucléaire de base solide.
Cet été, le mouvement antinucléaire a participé – aux côtés des organisations Greenpeace, Attac, la Confédération paysanne, les alternatifs, EELV – à la Convergence citoyenne vers une transition énergétique, dite convergence de Lézan. À l’issue de cette convergence, une feuille de route a été rédigée et mise aux voix. Sur 450 personnes, 400 se sont prononcées pour l’arrêt immédiat du nucléaire, 50 pour l’arrêt du nucléaire civil et militaire. Ce résultat a apparemment surpris et dérangé les organisateurs : l’un d’eux a pris la parole pour dire que l’objectif de la convergence était de créer un rapport de force et qu’on ne pouvait donc se permettre que des gens abandonnent la lutte par désaccord avec la position majoritaire. D’après lui, si on maintenait la résolution (l’arrêt immédiat), ces personnes-là allaient quitter le mouvement, ce qui affaiblirait le rapport de force naissant. Et il a demandé et obtenu un nouveau vote où les mêmes personnes ont voté pour l’arrêt du nucléaire civil et militaire.
Pourquoi cette position dérange-t-elle à ce point ? Et qui dérange-t-elle ? Elle dérange ceux qui vont rechercher des alliances avec les partis de gauche (PS, Front de gauche) qui partagent une position de sortie du nucléaire floue plus ou moins proche. Il s’agit d’un marché : tu baisses ta revendication sur l’arrêt du nucléaire, tu la rends acceptable, pas trop engageante, présentable quoi, et tu auras droit à quelques reports de voix au deuxième tour, à des sièges de députés, voire pour les plus ambitieux de ministres. C’est une tentative de prise d’otage : l’enjeu, c’est le pouvoir, ce n’est plus la lutte antinucléaire ; où est passée la création d’un rapport de force ? Pour ces gens-là, le danger immédiat n’est plus le nucléaire mais la revendication d’un arrêt immédiat du nucléaire. C’est un comble.
En Allemagne, le mouvement antinucléaire a porté dès les années quatre-vingt la revendication d’un arrêt immédiat. Il a construit une structure d’action non violente permanente ; et si les militants venus des partis politiques y sont les bienvenus, ils n’ont pas le droit d’y prendre la parole. Voilà comment ce mouvement a réussi à créer un rapport de force en sa faveur, en se garantissant autant que possible des marchandages électoraux, de la manipulation politicarde.
Ici, ce qui s’est passé à la convergence de Lézan nous avertit que les politicards sont prêts à tout sauf à s’engager fermement et clairement pour l’arrêt immédiat du nucléaire. Le mouvement anarchiste, et la Fédération anarchiste en particulier, appelle à un renforcement de la mobilisation dans la vigilance. C’est aux membres des collectifs de porter le débat à l’intérieur des groupes à propos de leur fonctionnement et de leurs enjeux. Les anarchistes y seront à leurs côtés pour construire un outil de lutte autonome et authentique.

Alain, cercle libertaire Jean-Barrué de la Fédération anarchiste