Le terrorisme en RFA

mis en ligne le 6 octobre 1977
Les actes terroristes imputés aux « noyaux durs » du groupe Baader-Meinhoff se sont multipliés : meurtre du procureur fédéral Buback, le 7 avril, meurtre du banquier Ponto, le 30 juillet, attentat manqué au lance-roquettes (histoire bien rocambolesque…) contre le successeur de Buback, le 25 août, enfin l’enlèvement de Schleyer – le patron des patrons ! – et le meurtre de ses gardes du corps.
La presse française a abondamment commenté l’affaire Schleyer, mais semble avoir renoncé à accoler l’épithète d’anarchiste au terrorisme de la « fraction de l’armée rouge » (R.A.F.). Quant au gouvernement français, il vient d’assurer au chancelier Schmidt que « la France mettra tout en œuvre pour appuyer l’action des autorités allemandes ».
Le sort des Buback et des Schleyer laisse les anarchistes indifférents, mais ils constatent que la « guérilla urbaine » apparaît de plus en plus comme un règlement de comptes au sommet, entre états-majors. La R.A.F. n’a jamais caché son but : s’inspirant des enseignements – plus ou moins bien compris – de Lénine, Trotsky, Mao et Che Gevara et de l’exemple des Tupamaros, elle voulait secouer la passivité du prolétariat allemand par une série d’actes de guerre civile. Le terrorisme entraînerait la répression. L’État devenant de plus en plus policier, il y aurait une réaction populaire de plus en plus forte… et tous les espoirs seraient permis pour le noyau de révolutionnaires professionnels. Stratégie enfantine de théoriciens fanatiques qui ne comprennent pas que le terrorisme n’est efficace que s’appuyant sur une agitation populaire, une vague de grèves et des affrontements entre la classe ouvrière et les forces de l’État.
L’Allemand moyen, manipulé par la presse et la télévision, affolé par le déploiement de forces policières, se croit directement menacé par le groupe Baader-Meinhoff et voit dans le terrorisme l’ennemi public numéro 1. Raids de police et perquisitions se multiplient. On fait appel à la collaboration des bons citoyens… et des dénonciations affluent. Un récent sondage de l’institut EMNID (de Bielefeld) vient de donner les résultats suivants : 78 % trouvent trop « mou » le gouvernement, 60 % estiment que le gouvernement ne doit pas libérer les terroristes pour sauver la vie des otages, 67 % souhaitent le rétablissement de la peine de mort pour châtier les terroristes. À l’isolement rigoureux pour les détenus politiques, va s’ajouter toute une série de mesures limitant les libertés, qui seront adoptées dans un tel climat d’hystérie.
Les anarchistes constatent une fois de plus la faillite de ces groupes, issus du léninisme, qui veulent par la violence s’emparer du pouvoir et de l’Etat… pour instaurer une nouvelle dictature, une nouvelle armée, une nouvelle police, un nouvel Etat. Oh ! certes, quelle que soit l’issue de l’affaire Schleyer – et à la date du 1er octobre, elle reste incertaine – le gouvernement Schmidt ne s’en relèvera pas. Mais sans qu’il y ait de sursaut populaire, il sera remplacé par un gouvernement fort et un État plus policier, plus fascisant. Le courage et l’esprit de sacrifice des membres de la R.A.F. ne suffisent pas à nos yeux, pour excuser leur inconscience politique.

Jean Barrué