Un dictionnaire pour « JE » : à lire, mais…

mis en ligne le 7 juin 2011
Si ça n’est pas une première, ça n’a pas du arriver souvent. Je suis, en effet, l’un des responsables des éditions libertaires qui ont édité ce livre. Et je vais en dire du mal !
Ce livre, pourtant, est beau comme du Rimbaud. Porteur d’un grand rêve enfantin à la mode de la croyance au Père Noël. Bien écrit, qui plus est. Vachement documenté. Agréable et passionnant à lire. Magnifiquement imprimé par les amis de la coopérative ouvrière de l’imprimerie 34 de Toulouse. Avec une couv d’enfer de notre camarade Cédric Rossi, un graphiste qui commence à…
Pour autant, je vomis ce livre qui est une ode au JE, un mépris du NOUS, et surtout une bible de l’innéité pour ce qui concerne la liberté et l’égalité chez les humains. Je m’explique.
L’exploitation, l’oppression et l’aliénation qui règnent ici bas depuis toujours ou presque sont-elles consécutives à un contexte social ou à une aptitude de notre espèce à la servitude volontaire ? C’est le vieux débat entre Sartre et Camus. Sartre optant plutôt pour une responsabilité sociale et Camus, en affirmant que l’individu est libre par nature, pour l’inverse.
Les deux ont à la fois raison et tort. Car bien sûr que le contexte social conditionne l’individu à la servitude, et, bien sûr, et c’est ce qui fait de notre espèce une espèce particulière, que l’individu, malgré son conditionnement social, garde une certaine aptitude (une pulsion, diront certains) à la liberté et à l’égalité. Notre histoire est faite de cette alchimie entre les deux tendances.
Dans ces conditions, mettre au pinacle l’innéisme de notre aptitude à la liberté et à l’égalité revient à nier l’évidence d’un conditionnement social favorisant une inaptitude à la liberté et à l’égalité. Et, de ce fait, à renvoyer au magasin des accessoires tout processus de révolution sociale. à quoi bon, en effet, une révolution sociale, puisque ce n’est que de l’individu que la solution viendra !
Ce livre, on l’aura compris, ne fait pas de cadeau à notre part de liberté. Et c’est pourquoi nous l’avons publié. Car nous avons trop souvent tendance à relativiser ou à nier cette part de nous-mêmes.
Cela étant, il en est de l’individualisme (même libertaire) comme de la folie, s’il est important d’écouter ce qui est sans doute une forme de sagesse (oui, le collectif est porteur de beaucoup de dérives, oui, nous sommes responsables de notre part de liberté), il n’est pas nécessaire de s’y engluer, voir de s’y complaire.
L’anarchisme social et la Fédération anarchiste qui accueille en son sein toutes les tendances de l’anarchisme démontrent que cela est possible.
Lisez ce livre, magnifique à bien des égards, et vous en serez convaincus.