Ravin Bleu et Raya

mis en ligne le 21 avril 2011
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? C’est le printemps, ça bourgeonne sec, éclosent les candidatures à l’élection présidentielle, au rythme d’une par demi-heure. Hollande, Montebourg, Royal et une Aubry à venir, une ! Mélenchon, la Le Pen bien évidemment, puis le quarté perdant De Villepin-Borloo-Morin-Bayrou, pas encore déclarés mais c’est comme si c’était fait, qui encore ? Joly, Hulot, Sarko : n’en jetez plus, l’urne est pleine. « Au moins ça fera marcher un peu les imprimeries », lâche Michel Ravin Bleu – Ravin Bleu est son nom indien –, imprimeur auquel tu dois, lecteur impénitent, de tenir entre tes menottes ton Monde libertaire de la semaine. Ravin Bleu est blagueur : aucun programme électoral ni profession de foi ne furent jamais crachés par les machines infernales qui éructent dans les sous-sols de son imprimerie-maison. Pas même celles de Hulot ? Pas même. « Ensemble, décidons du monde que nous voulons dans les champs du possible ! » a lancé Hulot, sous amphét’. Chouette slogan, blindé d’entrain, qui pourrait être repris par n’importe qui, Le Pen y compris. « Depuis trente-cinq ans, je parcours le monde et je l’ai vu changer », argua ensuite l’ushuaïste sponsorisé par Rhône-Poulenc. Certes, le monde a changé, mais Hulot est resté le même. Trente-cinq ans de ballades en hélico pour rien. « L’urgence et le devoir nous obligent à changer de cap », ose l’animateur télé. Comme d’accoutumée, l’urgence serait non la révolution, mais de donner le change lors d’élections dont on sait qu’elles ne changeront rien sur le fond. Pour autant, comme s’approche en bringue 2012, le cru sera bon pour l’autruche. Aucune restriction d’aucune sorte n’est à prévoir en termes d’énormités, de balivernes et autres coquecigrues prononcées par le personnel politique de service. Exemple type : De Villepin, qui feint de se tâter l’occiput, pas encore candidat mais qui pond, comme sous lui, son « programme pour la France » : il faut « une révolution de la dignité dans ce pays ». Bigre. Gare aux gros mots. Pour le reste ? « Viendra le temps de l’élection. Ce temps n’est pas venu. Les Français ne sont pas au stade de la sélection des joueurs pour le match, donc respectons ce temps. » On confirme : nous ne sommes pas au stade, et même, Domi, on va te dire, c’est pas demain que tu vas nous voir le cul assis dans tes gradins. On sait le match joué d’avance, cependant si ça t’amuse de faire ton Domenech de base on n’ira pas t’en empêcher. Mais pour ce qui est de participer au pitoyable tournoi de foot dans les isoloirs de misère, que l’Hexagone aille se faire foutre, et ne comptez pas sur moi, du tout.
Tandis que ces rigolos se préparent à la suprême magistrature – je porte la raie à droite où à gauche, dis ? –, l’armée française continue de quadriller son monde, sort de son trou Gbagbo, au profit de l’ultralibéral Ouattara. Les contrats jutent sur la table, maintenant que les armes se sont tuent c’est aux stylos de parler. Mont-Blanc ici et Mont-Blanc là, Abidjan, Lybie, mêmes combats. Il commence à se dire que ça aurait gravement barbouzé, l’année dernière, à Paris Tripoli Yamoussoukro et bien avant que les kalach’ne se mettent à cracher. On aura l’occasion, ces prochaines années, d’y revenir cent fois. Pour l’heure, holà, dernière minute : la réforme de la garde à vue serait applicable dès ce soir, vendredi 15 avril ! Une brigade d’avocats se tiendrait prêt à venir, dès maintenant, vous assister chers camarades placés en GAV ! Or, dans les commissariats de la République de mes fesses rien n’est prêt pour les accueillir, les condés étant remontés contre une réforme abhorrée, qui ne leur laisserait plus secouer comme ils le faisaient les gardés, alors hey les copains, copines, c’est l’heure, c’est le moment ! Sortons de chez nous par centaines insulter la flicaille, pisser sur les bottes gendarmées, taguons les murs, brûlons les caisses, laissons-nous embarquer et : exigeons un avocat ! On va leur mettre la raya !